Berio Webern Mantovani (Salle Pleyel - 11 Juin 2009)
Luciano Berio - Formazioni
Prenons un orchestre et éparpillons-le façon puzzle sur la scène, les instruments graves devant les aigus, les familles séparées entre droite et gauche, des cordes un peu tout partout. Pourtant, au début, c'est surtout la musique qui m'intéresse : elle me semble immobile, descriptive, et à épisodes, j'y vois comme un monument qu'on observe successivement sous différents angles. Mais les effets sonores finissent par attirer l'attention sur ce que crée l'étrange disposition sur scène, et qui est fort intéressant : des duos entre instruments normalement voisins et ici lointainement séparés, qui donnent des impressions paradoxales de masse orchestrale, avec peu de matière sonore ; des liens (ou absence de) entre amplitude et densité ; des textures et des couleurs qui ne se déploient pas comme d'habitude. Résultat intriguant, impressionnant, et superbe.Anton Webern - 5 pièces pour orchestre op. 10
Cette fois, l'orchestre est totalement redisposé autour du chef Jean Deroyer ; plutôt un ensemble de solistes, d'ailleurs. On peut mieux apprécier la poésie et la construction millimétrée de ces miniatures aux expressivités mystérieuses. Les noms des mouvements, par la suite supprimés, "image originelle, transmutation, retour, souvenir, âme", n'aident guère à décoder les intentions.Bruno Mantovani - Le Livre des Illusions
Ce n'est pas un hommage à Paul Auster, mais à Ferran Adrià, chef cuisinier au "El Bulli" à la fréquentation particulièrement élitiste, qui n'hésite pas à plonger des pamplemousses dans de l'azote liquide pour pouvoir les trancher plus finement, entre autres techniques regroupées sous la dénomination (bien entendue refusée par le chef !) de "cuisine moléculaire".En compagnie du chef catalan à l'accent quasiment incompréhensible et qu'il semble parfois difficile de faire taire, le compositeur explique quelques passages, de manière fort agréable, puis laisse la place à l'orchestre de Paris, entouré des hauts-parleurs de l'IRCAM (nous sommes en effet dans le festival Agora).
En 30 minutes, Mantovani tente de transcrire pour orchestre et électronique les 35 plats du menu 2007. Spectaculaire, très divertissante, plus captivante que les "Quelques effervescences" qui m'avaient laissé sobre, cette suite enchainée de miniature réussit à échapper au catalogue, pour épouser une forme rhapsodique, où je tente parfois (et vainement) de retrouver le plat décrit (ces explosions percussives sont-elles pour les "ravioles de graines de pimientos del Padron" ?). C'est plus ludique qu'émouvant, ça n'échappe pas totalement au futile, mais l'aisance orchestrale, la facilité d'invention, et l'absence de prise de tête par rapport au langage, qui semble couler naturellement de l'idée de départ, y compris pour l'électronique, qui crée les illusions du titre, en faussant les emplacements des musiciens par leur projection dans la salle, continuent de propulser Mantovani comme un compositeur phare de sa génération.
Ailleurs : Palpatine, Corley, Native Dancer
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