dimanche 18 mars 2007

Les 30 ans de l'EIC (Cité de la Musique - 17 Mars 2007)


Soirée prestige, avec ministres, discours inaugural particulièrement insipide, retard sur l'horaire pire que d'habitude (la fin prévue par le livret à 21h45 aura lieu une bonne heure plus tard ...), petits fours pour les spéciaux invités, mais cadeaux pour tout le monde à la sortie (un DVD d'extraits d'un reportage pour Arte, l'affiche des premiers concerts en Février 1977 à Angoulème, programme du concert "Passage du XXème siècle" au Théâtre de la Ville, plus une carte postale commémorative, le tout dans une ravissante pochette en carton).

Olivier Messiaen - Couleurs de la Cité Céleste

C'est Pierre Boulez qui dirige cette première partie. Splendide minutie des couleurs, où prédominent le piano, les percussions et surtout les cuivres (trop forts selon l'avis éclairé d'un spectateur derrière moi : ils couvrent souvent le piano, qui devrait briller intensément comme un diamant au coeur de la Cité, ce qu'il ne peut, non pas faute de puissance de la part de Vassilakis, mais difficile de concurrencer la tonitruance des trompettes ...). Zvezdo y voit le piano comme faisant partie des percussions, ce qui est assez éloigné des explications de ce spectateur, mais correspond plus à ce que j'ai aussi entendu ...

Philippe manoury - Passacaille pour Tokyo

Ce sont les 30 ans de l'EIC, pas de l'IRCAM : pas de spatialisation, d'électronique temps réel, ou d'ordinateurs ce soir. De plus, cette oeuvre colle avec le cycle actuellement en cours, sur les "Cités Imaginaires". Prolongement de la collaboration entre Manoury et le pianiste Nodaïra entamé pour la pièce "Pluton", c'est une sorte de concerto pour piano, où la difficulté de la partition (une trille maintenue de manière incroyable comme une sonnerie d'intensité variante pendant toute la dernière partie, par exemple), est souvent masquée par le reste de l'orchestre, qui nous promène au sein d'une mégapole virtuelle, entre frénésie des foules, transparences et reflets des architectures de verre et d'acier, énergies souterraines, et atmosphères faussement détendues des nuits urbaines. Aux saluts, Boulez oblige Sébastien Vichard, qui jouait comme une ombre dans les coulisses, à rejoindre Hidéki Nagano, impérial.

György Ligeti - Concerto de chambre

J'ai souvent des difficultés avec cette pièce, mais ce soir Susanna Mälkki en propose une lecture très éclairante, insistant sur les aspects statiques plus que sur les dérèglements machiniques, ce qui donne à l'ensemble de la pièce l'aspect d'une promenade nocturne dans une forêt inquiétante, où la tension s'exacerbe parfois au passage d'un animal monstrueux mal défini, ou lors de l'orage verglaçant du troisième mouvement.

Pierre Boulez - Dérive 1

Au tour de Peter Eötvös de s'installer au pupitre. Des deux dérives, c'est de loin ma préférée, surtout la première partie, où sur un tapis harmonique mouvant se déplace une phrase en forme de vague, signal qui passe de pupitre en pupitre, toujours rebondissante et mutante. Sans doute ma pièce courte boulezienne préférée. Interprétation impeccable, as usual.

Pierre Boulez - Mémoriale

Autre pièce courte, pour flûte accompagnée. Pour cet hommage à Stravinski, et en particulier à sa symphonie pour instruments à vents qui était déjà un hommage à Debussy, et qui est ensuite devenue un hommage à Lawrence Beauregard, le premier flûtiste de l'EIC, le ton est recueilli, Sophie Cherrier alliant intensité et douceur.

Arnold Schönberg - Lied der Waldtaube

Pierre Boulez revient diriger cette dernière pièce, qui vient prolonger le climat assez funèbre de la précédente, étrange pour un anniversaire ! Les spectateurs cependant sont effectivement à la fête pour cet extrait des Gurrelieder, extraordinairement interprété par Petra Lang et par l'EIC, qui retrouve ici sa vocation à "défendre les classiques du XXème siècle", en plus de devoir susciter et accompagner les créations les plus récentes. Dans ce chant d'amour et de mort, on entend les échos de Wagner et de Mahler, avec une richesse orchestrale splendide, et une intensité d'émotion beaucoup plus convaincantes que dans "La Nuit Transfigurée" (autre classique post-romantique du Schönberg jeune, que je ne supporte pas - mais je devrais lui redonner une chance, sans doute).

En final, tous les musiciens viennent sur scène, qu'une explosion venant des cintres éclabousse de serpentins et de gros confettis multicolores. Après les longs applaudissements, Pierre Boulez aura du mal à s'en aller, visiblement très heureux de l'ovation du public.

Aucun commentaire: