Pierre Boulez - Pli selon pli (Salle Pleyel - 27 Septembre 2011)
Cette fois, ce ne sont pas seulement les 3 improvisations centrales, mais bien les 5 mouvements qui nous sont offerts.
Après le grand poum initial et la phrase chantée, la matière devient aussitôt rare, éparpillée dans un grand orchestre où pullulent les percussions et se distinguent cinq harpes, une guitare, une mandoline, ce qui donne une de ces couleurs orchestrales qu'on appellera ... boulézienne ! Mais ce qui me frappe ce soir particulièrement, c'est la sensation d'un temps suspendu, presque immobile, un midi éternel sous le soleil écrasant des crotales.
Après ce "Don" dirigé sans lunettes, Pierre Boulez part en coulisses pour en récupérer une paire correcte, les Improvisations nécessitant apparemment une meilleure vision de la partition. Par sa grâce et son talent, Barbara Hannigan transforme la ligne de chant acrobatique en poésie vocale, de plus en plus distendue et envoutante. L'orchestre réduit dans cette partie centrale continue de scintiller comme une poudre de neige ou de sable, où on s'enfonce dans un inconnu qui creuse (comme dirait l'autre poète), guidé par la voix d'Hannigan. Les petites cymbales qui tintent comme autant de "i" sur "le vierge le vivace et le bel aujourd'hui", les crotales qui s'offrent presque un solo sur "une dentelle s'abolit", me fascinent particulièrement. Sur "a la nue accablante tu", retour des instruments. Tandis que le chant devient encore plus dérangé, parcellaire et particulièrement inintelligible, les flûtes, les vibraphones, la paire guitare-mandoline, ou plus tard les violoncelles, viennent remplacer la ligne lyrique défaillante. Mais dans la fin de cette dernière Improvisation, qui frôle le silence, il y a comme un relâchement de la tension qui m'étreignait jusqu'ici, et on côtoie l'ennui.
Enfin, "Tombeau" renoue avec la formation grand orchestre, Ensemble Inter Contemporain mélangé aux jeunes musiciens du Lucerne Festival Academy Ensemble. La matière y est plus dense, le rythme plus soutenu. Devant les percussions se font soudain entendre les violons ou les clarinettes. Des séquences répétées d'accords me font penser à Messiaen. Puis le chant surgit soudain, impérieux, comme irrépressible. Poum again, et c'est fini. Quoi, déjà ?
Le concert est disponible pendant quelques semaines sur ArteLiveWeb.
Ailleurs: Klariscope, Joël, Paris-Broadway ...
Spotify: Deux versions existent sur Spotify, toutes deux dirigées par Pierre Boulez, l'une avec Halina Lukomska, l'autre avec Christine Schäfer.
3 commentaires:
5 harpes !
Superbe chroniquette, poétique à souhait, quoi de plus approprié pour un concert aussi mallarméen ?
Euh oui, 5, c'est bien ce que je dis (smiley qui sifflote)
J'ai remonté les liens...
Je suis effaré par mon trou de mémoire...
Mais: une absence... somme toute, voilà qui est tout à fait adapté au contexte mallarméen.
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