DV8 - Can We Talk About This ? (Théâtre de la Ville - 3 Octobre 2011)
C'est la première fois que je vois un spectacle de DV8, et je comprends maintenant qu'ils se présentent sous la dénomination "physical theater". A la base, c'est bien du théâtre, et dans ce spectacle, le plus important, ce sont les mots.
Dans une salle de classe à l'ancienne, divers personnages se succèdent, qui restituent les discours de personnes réelles, et nous parlent d'intolérance religieuse, essentiellement islamiste. Si certains épisodes nous sont bien connus (fatwa contre Salman Rushdie, assassinat de Theo Van Gogh, caricatures danoises ...), d'autres sont plus liés à l'histoire du multiculturalisme à l'anglaise, comme des heurts raciaux dans une école de Bradford en 1985, ou la lutte difficile d'une élue contre les mariages forcés. Mais le discours ne reste pas focalisée sur l'Angleterre, terre d'accueil de l'australien Lloyd Newson. Une liste des meurtres de personnalités arabo-musulmanes tentant de modérer les islamistes (poètes, cinéastes, mais aussi des hommes politiques au Pakistan), des témoignages de femmes ayant fui un mariage forcé et devant se cacher de leur famille à cause des crimes d'honneur, ou une sorte de reportage sur l'ONU, l'UNESCO et la Charia, donnent une vue globale d'un phénomène contre lequel, dit Lloyd Newson, l'occident refuse de lutter par peur, peur de se faire attaquer ou tuer suite à une quelconque fatwa, et peur de passer pour islamophobe. Du coup, on n'en parle pas. Et il faut en parler.
C'est un spectacle qui avance en terrain miné. Parler de l'Islam et de la violence que certains exercent en son nom, c'est le plus souvent matière à simplisme et à généralisations abusives. Mais pas ici. Le discours tient. Et ils remettent certaines choses bien en place. Par exemple sur l'histoire du Coran brulé dans une paroisse américaine, qui a provoqué des dizaines de morts dans le monde, alors que des Bibles sont très régulièrement détruites en Arabie Saoudite, puisque interdites, sans qu'il y ait pour autant appel au meurtre ou même à une quelconque violence.
Pour faire passer ce message de lutte contre l'intolérance, la troupe réunie dans ce DV8 est multi-raciale, et multi-âge. Mais tous sont au diapason de l'aspect physique de ce théâtre. Parfois le rapport entre le discours prononcé et les gestes qui l'accompagnent est évident, parfois cela reste obscur. Par exemple les politiciens qui passent à Bradford délivrer leur message habituel et inutile s'agitent tous comme des marionnettes un peu folles. Certaines femmes sont entourées d'hommes qui, sans être explicitement menaçants, les cernent suffisamment pour créer une tension sur scène. Le directeur du Jyllands-Posten fait les pieds au mur et tente d'enfiler un pantalon. La réprésentante anglaise, vieille dame fort charmante, boit du thé assise sur un bonhomme en constant mouvement. Ce sont des numéros de danse d'une extrême précision, dans les tempi, et dans les mouvements, particulièrement des mains. Danser ainsi, tout en continuant à parler, et ce dans un tel tempo, est une remarquable et parfois stupéfiante performance.
C'est un spectacle qui frappe fort, et dont on ressort plein de questions. La manière de traiter du multiculturalisme, de la laïcité et de la tolérance religieuse, est très différente entre la France et l'Angleterre. Mais la difficulté de discuter de ces sujets sans polémique xénophobe et sans bisounoursisme, est sans doute la même. Bien sur, aucune réponse n'est donnée. Mais si quelques questions restent, c'est déjà bien.
Ailleurs: TouteLaCulture, Tadorne
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