Yvonne, princesse de Bourgogne (Opéra Garnier - 30 Janvier 2009)
Vendredi soir, je suis allé à l'Opéra Garnier pour y voir la comédie tragique en quatre actes et en musique "Yvonne, princesse de Bourgogne", de Philippe Boesmans, sur un livret de Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger, d'après la pièce homonyme de Witold Gombrowicz (c'est ainsi que l'annonce le fascicule distribué en salle). C'était sans doute la première fois que j'entrais à Garnier. En lisant "amphithéâtre" sur le billet récupéré d'un blogueur voyageur indisponible (merci encore !), j'avais cru qu'il s'agissait d'une salle annexe et plus intime, comme à Bastille. Point du tout. A Garnier, l'amphithéâtre désigne les places du quatrième étage face. On voit parfaitement la scène, les sur-titres, et l'orchestre. Le son est excellent. Pour le confort ... au dernier rang, rester debout est une option intéressante.
Philippe Boesmans est un auteur d'opéra à succès. J'avais vu et j'ai acheté "Wintermärchen" (en partie parce qu'y joue Aka Moon, dont le leader a depuis transcris pour ensemble de chambre la partition de "La Ronde"), et je suis sur que cette nouvelle création attirera elle aussi son plein de spectateurs. Pourquoi ? C'est un opéra certes contemporain, mais qui raconte une histoire, et où les gens chantent. Et ce n'est pas si fréquent !
L'histoire ? On pourrait résumer ainsi :
Quand le prince rencontre Yvonne, si loin des clichés habituels des filles qui l'entourent, ni "femme libérée" ni "yeux révolvers", il flashe, forcément, espérant sans doute qu'elle le libèrera de l'ennui de la cour, de son grand coup de blues permanent. Vue sa position, il est assuré de son succès en amour, quand bien même cette relation ne serait qu'assymétrique. Mais elle n'est pas facile à dévierger, la Yvonne, une fois fiancée ; malgré les conseils de ses parents royaux ou de son vieux chambellan, et même dans le moelleux du lit, rien en elle n'est doux, surtout pas sa voix, quand elle consent à sortir de son quasi-constant mutisme : elle a le phrasé râpeux. Et ses si rares paroles sont effrayantes, qui réveillent des trucs pas très ragoutants, des secrets de famille mal enterrés. Alors le prince, victime d'une montée de sève pour une jolie servante, rêve de fenêtre ouverte et de se débarrasser d'Yvonne. Potion magique ? Accident préparé pendant le repas de Noces ? Il suffit finalement de quelques ingrédients (une portion de perche bien hérissée d'arêtes), et le problème est réglé : la pauvre fille meurt étouffée. Si la cour se réveille le lendemain la bouche pâteuse, un horrible sentiment de lâcheté pointant dans le coeur, cela sera certainement de courte durée, et la vie reprendra vite son cours habituel, un hideux secret à étouffer de plus.
Pour incarner Yvonne, Dörte Lyssewski réussit un mélange de la Thérèse d'Anémone et de la Louise de Yolande Moreau, avec peut-être un soupçon de Zouk ; pieds en dedans, corps mal tordu, mollesse exaspérante, absence absolue d'une quelconque forme de grâce féminine, la composition est extraordinaire.
Si elle ne chante pas (elle prononce à peine quelques phrases énigmatiques, que ses interlocuteurs tentent de déchiffrer en prophéties ou en révélations), les autres si. En premier lieu, magnifique ténor léger Yann Beuron, en Prince Philippe, que j'imaginerais bien en Aaron chez Schoenberg. J'ai aussi beaucoup aimé la voix de Hannah Esther Minutillo, en Isabelle, la servante dont le Prince tombe amoureux à mi-pièce.
Parfois, ça chante même trop. Qu'est-ce que c'est que ce récital de Mireille Delunsch, au troisième acte, où son personnage la Reine Marguerite clame des poèmes devant le rideau fermé qui nous prive des sur-titres ? Je n'ai rien compris à cet épisode, ni dans le scénario de la pièce, ni dans la mise en scène, ni dans la musique. C'est le seul vrai couac de la soirée.
A part ce passage, la musique est excellente. Ecrite pour un nombre réduit d'instruments (jouée par le Klangforum Wien, l'équivalent autrichien de notre EIC, dirigé par Sylvain Cambreling), elle est peu épaisse, fluide et éminemment changeante, liquide irisé ou drapure soyeuse, trop mobile parfois, les climats y changent très vite pour traduire toutes les actions et les sentiments exprimés sur scène, mais on aimerait parfois rester plus longuement dans certaines sections pour en gouter les subtilités d'orchestration ; mais pas le temps, ça avance à toute vitesse. Certains éléments reviennent régulièrement (trépidations au tuba, envolées au violon, une montée continue vers l'aigu), je ne saurais dire pour une analyse plus profonde des thèmes ou des tonalités.
Pour conclure, une excellente soirée ; pour les années prochaines, un Boesmans pourrait être envisagé dans la programmation des prosélytes lyriques !
Ailleurs : Corley, Palpatine
2 commentaires:
Je suis content que cela t'ait plu. À Chennai, point d'opéra, mais un peu quand même de bharata natyam.
Waw, chapo pour la sabliérisation de ta critique ! ;-)
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