Aka Moon et invités - 15 years (Cabaret Sauvage - 9 Septembre 2007)
Se faire saluer par le vendeur de disques présent à l'entrée d'un "Bonsoir Mr Hatology" en référence aux soi-disant nombreux disques que j'achète dans cette collection au comptoir de la Cité de la Musique promettait une soirée particulière. Elle fut de fait extraordinaire.
Pour fêter leurs 15 ans de pérégrinations musicales et transcontinentales, les trois compères d'Aka Moon ont invités certains de leurs compagnons de voyage. Presque 10 personnes sur scène, pour une évocation, dixit Fabrizio Cassol, de diverses périodes de leur carrière. Et autant d'occasions de rencontres, de confrontations, d'échanges.
Ça commence par un duo, entre Baba Sissoko, griot malien, voix et percussion, et Tcha Limberger au violon ; Limberger, venu du jazz manouche, s'évade plus du coté de l'Inde, et discute avec l'Afrique, qui se répondent et se trouvent sans avoir à se dénaturer. Puis Stéphane Galland démarre. Il saura ce soir rester presque sobre, tant le plateau est suffisamment riche, il ne peut se permettre de présenter à tous ses musiciens un sol aussi accidenté que d'habitude. Du coup, la vedette sera peut-être plus Michel Hatzigeorgiou, impérial d'énergie et d'enthousiasme. Son solo habituel, avec boucles enregistrées en direct, et explorations du coté des frottages et sons électroniques, se prolongera ce soir par l'adjonction d'un duo vocal magnifique, Baba Sissoko d'un coté, Magic Malik de l'autre, atmosphère magique, mystique et sereine. A la flûte, Malik aura déjà eu son heure de gloire, en duo avec la guitare de Nelson Veras, échange de liquidités frémissantes.
Tous ces univers musicaux se frottent et complètent leurs couleurs dans de splendides échanges. Seul le percussionniste indien Sivaraman aura plus de mal à se couler dans le format, habitué à des cellules et développements plus longs, si bien que son premier solo met bien longtemps avant de vraiment démarrer. Mais il se rattrapera par la suite, avec entre autre un solo vocal où il se moquera aussi du langage gestuel de Cassol.
Car celui-ci tente de diriger tout ce petit monde, lançant les thèmes bien sur, mais aussi demandant à l'un ou l 'autre de prendre un solo, d'allonger une séquence ou de couper court.
Un mot sur Adam Woolf, à la saqueboute (trombone baroque) : son apport fut indécelable, il ne se mettra pas une fois du concert en avant ; n'était-il là que comme rappel de l'expérience VSPRS à laquelle il participa ?
Après plus de deux bonnes heures de musique, et un petit rappel, ils quittent la scène, nous laissant un peu groggys mais ravis, et promettent de revenir plus tard pour fêter la fin du festival, dont c'est effectivement le dernier soir. Je quitte les lieux les oreilles remplies de notes, pour traverser le parc illuminé dans la nuit. Moment de plaisir plein.
3 commentaires:
Intéressante chronique !
Je voudrais compléter ton retour sur ce qui m'a semblé de loin le meilleur concert de ce festival, qui déjà dans l'ensemble a placé la barre très haut et nous a offert de superbes moments de musique.
Indépendamment de la qualité de la musique produite, je crois que ce qui restera longtempsde ce concert est cette impression de bonheur, du plaisir de jouer effectivement incarné par l'omniprésence d'un Michel Hatzigeorgiou, à la fois jouisseur et maîtrisé. Les échos que j'ai eu des quelques amis présents témoignent tous de cette joie qu'ils ont su faire partager.
Et musicalement, c'était quand même très fort. Arriver à faire coexister les univers de l'africain Cissoko, du manouche Limberger et de l'indien Sivaraman sans dénaturer au global la musique d'Aka Moon est en soi extraordinaire. Bien sûr, un Malik ou un Nelson Veras peut s'intégrer dans n'importe quel contexte musical. Bien sûr, cela s'est fait au détriment des solos monstrueux de Galland ou des envolées de Cassol, ce qu'un bis en trio aurait pu compenser. Je retiens quand même des improvisations hallucinantes, notamment en trio Veras/Hatzi/Galland, dont on aimerait qu'elles ne s'arrêtent jamais.
Contrairement à ce que tu écris, je trouve que Sivaraman, qui évolue habituellement dans un monde musical très codifié, s'est quand même bien fondu dans l'ensemble. Effectivement la plupart de ses solos ont été fait en dehors des morceaux, ou accompagnés d'une simple ligne de basse en boucle, mais pour autant ça ne m'a pas gêné car cela fait aussi partie de la musique d'Aka Moon qui intègre dans ses morceaux et ses improvisations les mêmes concepts de développement des rythmes. Et puis, le côté anachronique et bon esprit du personnage ont ajouté une dimension très plaisante au concert.
Quant à Adam Woolf, qui joue d'un trombone baroque au milieu d'un jazz du XXIè siècle, il a écopé du rôle peut-être ingrat de celui qui ne joue que pendant les thèmes. Après tout, ce n'est pas un improvisateur. Ceci étant dit, j'ai vraiment apprécié ce qu'il a fait. D'abord parce qu'il jouait les thèmes toujours en place, et pour avoir essayé de les jouer c'est déjà un bel exploit (il n'y a qu'à voir Malik et les autres se planter régulièrement). Et son son se fondait très bien dans l'ensemble, en donnant au final à la section Cassol/Malik/Woolf le son d'un big band de poche bien équilibré.
Alors j'aurais aimé qu'ils nous offrent un bis en trio. J'aurais aimé que Steve Coleman vienne taper un solo. J'aurais aimé qu'ls jouent toute la nuit. Mais au final, j'ai vraiment passé un super moment de musique, et même d'humanité.
Pour Sivaraman, c'est essentiellement son premier solo qui m'a géné, avec un préambule d'accordage qui coupait l'élan des morceaux précédents, qui m'avaient déjà bien fait décoller.
Pour Woolf, je n'ai tout simplement pas réussi à distinguer sa partie des autres ! Bravo pour ta fine oreille !
A part ça, pas envie d'ouvrir ton propre blogue ?
(Enfin, le concert est dispo sur dimeadozen. Joie !)
Un grand merci pour le lien !
Pour ce qui est d'ouvrir un blog, on verra, peut-être quand les concerts d'Aka Moon auront lieu une fois par mois.
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