Richard Wagner - Lohengrin (Opéra Bastille - 23 Mai 2007)
C'est l'histoire d'une fille qui, accusée d'avoir tué son petit frère, rase les murs, abandonnée de tous.
Surgit un prince charmant d'un jardin extraordinaire encombré de baobabs, de pensées et de violettes (entre autres ; on voit pas tout ...), qui la tire d'affaire vite fait.
Dès le lendemain, ils s'épousent, se disputent grave, et se séparent. Mais le petit frère réapparaît, alors tout va bien. Genre.
(Bon anniversaire à Akynou, avec ... juste un peu de retard !...)
Le décor, c'est blockhaus au moyen-âge, quelque part entre Gergovie et Tchernobill, massif, pas beau, mais efficace pour mettre en place l'ambiance. Valery Gergiev donne un beau prélude, en textures transparentes et diaphanes qui se complexifient et se durcissent peu à peu, jusqu'à la puissance presque tonitruante des cuivres. Mais le public qui continue de s'installer bruyamment gache un peu le plaisir par de multiples interruptions. L'orchestre méritera ses longs applaudissements, qui ne ménagera pas toujours les chanteurs, surtout quand le double le choeur ; les solistes auront bien du mérite à trouver leur place malgré tout !
Vedette absolue de la soirée : Waltraud Meier, Ortrud maléfique et magnifique, qui dose à tout moment ses effets, invoquant avec puissance Wotan et Freia, puis aussitôt jouant la victime malheureuse devant Elsa. Du grand art, dans la conduite vocale, dans le jeu théâtral, dans la présence charismatique. Muette pendant presque tout le premier acte, on ne voit déjà quasiment qu'elle, qui observe les événements, s'énerve, tente de secouer son mari, etc. En Telramund, Jean-Philippe Lafont lui renvoie impeccablement la balle. Lui aussi sait doser les couleurs, mettre de la haine quand il faut, mais aussi de la peur, ou de la douleur. Dans ce couple à la Macbeth, a-t-il conscience de ses crimes ? La première scène du deuxième acte semble un prodigieux exercice d'auto-persuasion, sa femme commençant "et si on disait que le combat était truqué parce qu'il aurait utilisé de la magie ?", et lui plongeant dans l'idée "mais oui, moi qui croyait avoir été battu à la loyale, en fait, le fourbe a triché, surement !". Sa mort, par contre, reste assez mystérieuse, lui débarquant inopinément dans la chambre à coucher des nouveaux mariés pour y rencontrer l'épée de Lohengrin que vient de lui tendre opportunément sa femme. Mais comme j'ai un peu dormi dans ce deuxième acte, j'ai peut-être échappé à la justification de l'action.
En Lohengrin, Ben Heppner. Armure plus éblouissante encore que le sourire de Robert Kennedy, ou costume qui ne masque guère son bedon, sa prestation me sidère vraiment dans le troisième acte, où il explique son histoire devant un choeur allongé sur la scène comme un parterre de petits enfants pour les endormir, qu'il chante comme un immense lied, avec une vigueur, une fraicheur, une intensité absolument admirables, quand il sort d'un rôle aussi exigeant et long (plus de 3 heures de musique ; ce n'est pas le crépuscule des dieux, mais quand même !).
Après toutes ces louanges, le cas plus compliqué de Mireille Delunsch. Annoncée malade, mais bon ... A l'éreintement brutal par Luc Décygnes dans le Canard, je préfère les nuances de Didier van Moere : la fragilité du chant fonctionne dans le premier acte, comme une caractérisation d'une Elsa complètement paumée, hagarde de douleur, incapable de se défendre correctement ; de même, sa simplicité un peu plate dans le deuxième acte ne gêne pas outre mesure, expliquant comment elle se fait embobiner si facilement par Ortrud ; mais lors de la scène de ménage avec son époux, ça ne fonctionne plus du tout. Et c'est plus un problème de travail sur le personnage, sur ses motivations, sur ses ressorts psychologiques, qui manque, plus que de puissance vocale affaiblie par la grippe, ce que le jeu théâtral aurait pu compenser au besoin.
En relisant le billet Namenlos de Philippe[s], je m'aperçois que la fin a été un peu escamotée : Elsa mourant dans les bras de son frère ? A la place, on a ce petit garçon plantant un arbre. (edit - source Gilda : elle fait bien la morte sur un coin de scène ; mais cela reste peu explicite).
C'était la première fois que j'assistais à un concert dans le cadre des Prosélytes Lyriques, nous étions sans doute une bonne vingtaine de plus ou moins blogueurs, d'autres compte-rendus devraient apparaître dans vos agrégateurs (Palpatine en avant-coureur, Gilda qui ose un jeu de mots qu'Aurèle avait déja tenté devant une Fuulion dibitative, et d'autres qui ne tarderont pas, surement ...).
Enfin, ceux qui voudraient parler de tournevis ou d'avis de passage de la poste dans les commentaires, sont les bienvenus, ce tirage était vraiment difficile !
5 commentaires:
Je suis ES-PAN-TEE. Bravo !
WOW, t'es trop fort ! bravo. et puis, tu n'es pas en retard, tu es le premier :-)
Concernant Mimi, il est évident que dans une salle de cette dimension, avec un orchestre un peu bruyant, et surtout aux côtés de voix de la taille de Meier-Heppner-Laffont, la pauvrette devait souffrir.
Dommage, parce qu'à Bordeaux, dans des conditions plus propices, son Elsa était véritablement nuancée et bouleversante, avec l'inventivité des phrasés qu'on lui connaît, jusque dans ses faiblesses les plus criantes.
Nous verrons lors de la retransmission radio...
J'adore trop comment ça déchire sa race la façon que tu racontes le pitch du mefil. :-)
Alors le gag c'est qu'un enchaînement de circonstances m'a conduite à revoir une seconde fois ce Lohengrin. J'y étais un peu moins pas et suis parvenue à faire attention à un peu plus qu'aux décors, lumières et mouvements de foule qui m'avaient fascinée la première fois. Waltraud fut somptueuse. Quelle adorable super-méchante que voilà !
Ordonque le gag c'est qu'en fait Elsa ne meurt finalement pas, elle fait tout bien comme si et s'applatit en bas à gauche mais tout le monde se précipite vers le fond voir la sorte de Petit Prince Brabantesque qui issoit du cygne et à ce moment là elle se redresse et chante quelque chose de probablement très profond et dramatique mais qui m'a laissé une impression de "hé oh, je suis en train de mourir là, vous pourriez au moins faire attention à moi".
(bon il faut dire qu'un commentaire à voix haute d'une dame du rang derrière le nôtre "OH qu'il est mignon !" en voyant apparaître l'apprenti jardinier m'avait collé une humeur pas sérieuse, mais bon voilà quoi. La première fois j'avions cru qu'Elsa avoit mouru mais c'était même pas vrai juste pour semblant. :-)
http://gutenberg.spiegel.de/wagner/lohengrn/lohen32.htm
http://perso.orange.fr/extatic/lohengrin_0607.pdf
Elle dit donc finalement "mon époux ! mon époux ! Ah !", avant de "glisser lentement des bras de Godefroi jusqu’à terre,
inanimée".
Je disais "elle fait la morte", ça reste valide !
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