Ahmad Jamal Trio (Cité de la Musique - 27 Juin 2004)
Et voilà, dernier concert "par abonnement" de l'année. Ahmad Jamal, encore un pianiste Jazz listé dans les guides comme un "essentiel", et largement inconnu du public (pareil pour Andrew Hill, par exemple).
Et du coup, quelle baffe ! La musique fuse de sous ses doigts avec une générosité, une classe, une fougue extraordinaire ! Il prend un immense plaisir à jouer des thèmes de Broadway (en tous cas, c'est le programme ; il annonce quand même des morceaux dont il est le compositeur...), et nous fait passionnément partager cette joie.
Pour l'accompagner, le batteur Idris Muhammad, au look improbable composé d'un bérêt blanc, de lunettes de soleil aux montures fuschia, d'une barbe-moustache à la George Michael, et d'un chewing-gum, et le bassiste James Cammack. Leurs solos sont rares, intéressants pour Muhammad (une étude des teintes combinées des cymbales...), moins pour Cammack (très applaudi pourtant, alors que je trouve ses solos approximativement maitrisés, et sans grandes idées ; mais les solos de basse m'impressionent rarement).
Par contre, en duo, quelle efficacité ! Une énorme machine à groover, dense mais jamais opaque, énergique et fasteuse sans lourdeur. On est proche du Soul-Funk de Martin et Wood (ceux de Medeski). C'est un engin tout terrain, prêt à foncer sans jamais verser. Ca tombe bien, le pilote qui s'installe aux commandes à envie de voir du paysage.
S'il n'y avait pas de Monk au programme (oui, "Straight, no chaser", c'est bien l'allure de la paire rythmique), son esprit est là, mais digéré, baigné d'autres influence, et recraché dans un style absolument personnel : Ahmad Jamal.
Grand étalage technique : il sprinte quand il veut aussi vite que Cecil Taylor, s'interrompt abruptement comme Monk, lance des lignes fluides aux évidences à la Bill Evans, mais le tout fondu dans son langage, son vocabulaire, qu'il me faudra plus d'un concert pour comprendre et apprécier...
Un point particulièrement saillant, c'est son utilisation de la dynamique. Il alterne des lignes piano avec des staccato fortissimo, frappant si fort que toutes les cordes en tremblent (pédales, surement), ce qui, avec les cymbales "ride" très longues de Muhammad, crée un halo harmonique fort riche.
Bref, pour un concert que j'ai failli ne pas voir (ayant oublié mon billet chez moi, j'ai dû après quelque hésitation en racheter un sur place...), je lui accorde finalement le titre de concert le plus jouissif de l'année.
Place maintenant aux plus rares festivals d'été, aux concerts glanés ça et là, et retour dans le grand circuit des abonnements en Septembre.