dimanche 3 avril 2011

Accentus - Schoenberg Pintscher Stockhausen (Cité de la Musique - 2 Avril 2011)

Arnold Schoenberg

Pour commencer, l'ensemble Accentus enchaine quatre morceaux de Schönberg. Le premier est le plus déroutant : alors que Schönberg a écrit tant d'excellentes pièces vocales, pourquoi Franck Krawczyk a-t-il éprouvé le besoin de transcrire "Farben", la troisième des cinq pièces pour orchestre op. 16, toute en frémissements orchestraux ? D'atonale, elle devient atone, et les soupirs et souffles ne lui donnent guère plus de vie. Avec "Dreimal tausend Jahre", on retrouve une écriture chorale à la fois dodécaphonique, en contrepoint, et au lyrisme assez intense. Un chant de joie, calme et recueilli, pour fêter la naissance de l'état d'Israël. "De Profundis", dernière oeuvre achevée de Schönberg, offre un visage très opératique, mélangeant les techniques pour accentuer la dramaturgie : passages parlés ou déclamés, lignes vocales largement déployées, passage soliste tendu d'émotion, cris, on est proche du grand spectacle, mais la douleur reste du langage schönbergien tardif, où l'émotion refuse toute expression post-romantique mais n'en fulgure pas moins sous les contraintes dodécaphoniques. Ces deux pièces dataient de 1949-1950, la dernière, "Friede auf Erden", revient en 1907. On retrouve une tonalité, le ré mineur ! Contrepoint, calme, montée en intensité, intemporel.

Matthias Pintescher - She cholat ahavah ani

Il s'agit du Cantique des Cantiques, et d'une création française. Mais elle ne m'accroche pas. Les explications du livret n'aident guère : "J'imagine que ce texte est un script dans le champ abstrait de la composition". De Pintscher, je préfère donc largement les oeuvres orchestrales et concertantes, et pour le Cantique des Cantiques, j'ai de loin préféré la version John Zorn. Pour cette pièce, Laurence Equilbey a laissé la direction à Pieter-jelle de Boer, plus carré dans son attitude, alors qu'elle est toute penchée vers ses chanteurs, et plus ondulante des bras.

Karlheinz Stockhausen - Welt-Parlament

Mazette, quelle pièce ! Il serait temps que le cycle d'opéras "Licht" soit enregistré, ou même joué ! Cette première scène de "Mittwoch aus Licht" allie beauté de la musique, humour, surprises, intensité dramaturgique ...
La scène est divisée en deux gradins, les filles d'un coté, les garçons de l'autre, mais laissés vide pour l'instant, seul le chef (Laurence Equilbey revenue) est là, sous une estrade où s'installe le "président" de l'assemblée. Tous les chanteurs et chanteuses arrivent, équipés de métronomes électroniques qui tiquent taquent à diverses allures, habillés de couleurs vives et parfois fantaisistes, se saluent, déblatèrent, finissent par s'installer dans les gradins.
Le président déclare la séance ouverte, "Parlement du monde : l'amour est ici notre thème". On a après cela deux matériaux musicaux superposés : un fond sonore, de syllabes superposées en flux rythmique et harmonique lentement changeant, du sombre vers le clair, assez fascinant, et des interventions d'un à trois protagonistes, qui descendent des gradins, balancent quelques vérités sur l'amour, péremptoires et plus ou moins fondées, que le président accueille avec enthousiasme et solennité (ou rejette, parfois, et sans grande raison ...). Les membres d'Accentus qui à cette occasion descendent dans l'arène en profitent pour faire leur numéro, regard menaçant, parade de séduction, trémoussements ... Ce sont des pointes d'humour délicieuses, renforcées encore par la subite irruption d'une des hôtesses d'accueil de la Cité annonçant (sans chanter !) que la voiture immatriculée "ML 2011" (comme Mittwoch aus Licht) doit être déplacée, ce qui provoque le départ précipité du président de l'assemblée, remplacé, jusqu'à ce qu'il revienne, par la colorature, élue par acclamation de ses pairs.
La tension entre le fond sonore riche et mouvant, dans lequel on plonge avec bonheur, et les irruptions solistes, qui nous en sortent temporairement et permettent de ne pas s'y noyer, donne une puissance formidable à la pièce, qui ne faiblit pas d'un bout à l'autre (38 minutes).

accentus à la cité de la musique

Spotify: Accentus – Schoenberg: Choral Works, Pierre Boulez – Schoenberg: Choral Music

1 commentaire:

Joël a dit…

Cologne n'est pas si loin...