Cecil Taylor, Amiri Baraka - Diction & Contra-diction (Cité de la Musique - 20 Avril 2011)
Il n'y aura pas de duo, finalement : 20 minutes d'attente, 30 minutes d'Amiri Baraka, 15 minutes d'attente, puis une bonne heure de Cecil Taylor.
Amiri Baraka
Le poète, anciennement connu sous le nom de LeRoi Jones, s'avance vers le micro, fouille dans sa besace à la recherche de papiers incertains, balance sans grande conviction quelques phrases contre Sarkozy en Libye, finit par trouver les poèmes cherchés, et les lit (et s'il manque une page à l'un d'eux, tant pis). Si les paroles ont vieilli (on peut encore citer Lénine, Staline, Mao, comme de grands penseurs de la Révolution, sans ironie ?! Et dans ce texte sur l'attentat des Twin Towers, comment doit-on entendre les échos complotistes sur les Israéliens prévenus à l'avance, ou sur l'invention du Sida ?! Et pas un mot sur Obama, il préfère taper sur Bush, ces temps-là étaient plus simples à analyser ... ), la musique est encore vive, celle qu'il chantonne entre deux couplets (Afro-Blue, par exemple), ou plus simplement celle des mots, qu'il scande, déclame, projette vers le public en variant les effets, et qui me fait penser à certains Gil Scott-Heron parce qu'ils doivent puiser aux mêmes sources (prêcheurs évangélistes ?). Donc, si on n'écoute pas les paroles avec attention, on peut apprécier le flot très efficace ; mais pour son oeuvre de poète, le sentiment est à un léger embarras, à entendre une ancienne gloire dont le "radicalisme" consiste à s'accrocher à une grille de lecture obsolète et obscurcie de raccourcis gênants.Cecil Taylor
Après cette première partie, il y avait matière à avoir un peu peur : après tout, Cecil Taylor aussi écrit des poèmes, et préfère parfois les réciter que de jouer au piano. Mais non, cette fois, il approche en flageolant un peu du clavier, installe une partition (mais que contient cette feuille qu'il inspecte de temps en temps ? quelques mélodies, quelques idées jetées en vitesse peut-être, comme une anti-sèche ?), puis joue. Et la force est toujours là. Celle des mains et des bras, toujours capable de danser sur les touches à toute vitesse, de boxer des descentes de clavier en clusters, de tenir le rythme et l'intensité pendant plus d'une heure. Mais la force de la musique, surtout, qui explore des registres que je ne lui connaissais pas sur les disques des années 80. La première atmosphère est en effet très bucolique, printanière, pleine du plaisir de la vie qui surgit, joyeuse, comme étonnée et ravie. Puis c'est un nocturne, mystérieux, même si cette nuit est bien constellée d'étoiles, pleine d'énergie qui traverse en vagues puissantes la relative quiétude contemplative des espaces infinis. Après un grand bloc de musique, il se lève et laisse quelques applaudissements marquer une pause avant de se rasseoir pour d'autres pièces plus courtes, et où quelques tics de langages commencent à s'installer (une boucle rythmique et mélodique, dont il s'échappe par un brusque crescendo vers l'aigu, par exemple). Et puis soudain, ça lui suffit (et nous aussi, en fait : cette musique c'est du concentré, et après une heure, on est largement rassasié, en danger de saturation), et il quitte la scène si rapidement que Baraka n'a pas atteint les dernières marches de l'escalier pour le rejoindre, qu'il est déjà sorti.Ailleurs: Damien, Criss-Cross ...
Spotify: Cecil Taylor – Air Above Mountains, Cecil Taylor – Silent Tongues
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