Philippe Hersant - Le Château des Carpathes (Salle Pleyel - 11 Mai 2009)
J'ai vu cet opéra il y a ... quelques années, à Paris, en version mise en scène (du moins il me semble ; cette liste des représentations me fait craindre que je confonde avec autre chose !). Je me souvenais de l'histoire, inspirée d'un roman de Jules Verne, qui parle d'opéra et préfigure des enregistrements vidéo en relief, mais absolument rien ne m'était resté de la musique. C'est parce qu'il n'y a en fait rien de mémorable dans cette musique. Sans doute pas stricto sensu tonale, elle est quand même imprégnée d'harmonies, de climats, de couleurs, héritées d'un post-romantisme, mais qui serait en plus anesthésiée, castrée de toute audace.
L'oeuvre commence par un "opéra dans l'opéra", qui s'avère fatal pour l'héroïne. Que cet air soit suranné convient fort bien à l'intrigue. Le problème, c'est qu'on ne sent pas la coupure avec la "vraie" musique de Hersant, et quand cet air revient, à plusieurs reprises, elle se fond parfaitement avec le reste, parce que ce reste est tout aussi daté que cet opéra fictif initial.
C'est du travail propre, et pro, avec de belles parties solistes, pour violoncelle, pour timbales, pour fanfare de cuivres ... mais qu'est-ce qu'on s'ennuie ! Palpatine me réveille gentiment à un moment, mais je repique du nez rapidement, tant toutes ces mélodies gentiment plates, ces arrangements orchestraux si conventionnels, d'une façon générale l'absence totale de surprises (à part l'intervention d'un magnétophone, et une extinction momentanée des lumières ...), me fatiguent les oreilles.
Ailleurs : Klari (en répétition générale), Palpatine, Corley.
3 commentaires:
"castrée de toute audace" peut-être... mais l'audace est-elle la seule chose qu'on puisse apprécier en musique ?
Je disais cela par rapport à la musique post-romantique du XIXème siècle qui, quand elle était écrite, était pleine d'audaces, qui ne peuvent être retrouvées aujourd'hui si on essaie de la copier.
A l'écoute de Mahler, on entend encore la révolution musicale qui bouillonne en elle, toutes les audaces qui la rendent éternellement jeune et fiévreuse. Mais écrire aujourd'hui dans ce langage ne permet que très rarement d'obtenir une telle intensité émotionnelle. La beauté ne nait que d'une impérieuse nécessité de l'âme, et je n'ai pas ressenti chez Hersant cette nécessité d'utiliser un langage musical daté, j'ai eu l'impression d'une simple solution de confort, si ce n'est de facilité. Le résultat est alors, comme bien souvent dans ce cas, de la musique tiède.
Et ça, non, merci. "Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche."
L'audace n'est pas forcément nécessaire à la musique. Bach était-il audacieux ? (vous avez 15 minutes). Mais je veux y entendre un engagement de l'artiste, je veux sentir qu'il n'a pas écrit cette musique pour se distraire ou pour payer ses impôts, mais bien parce qu'il lui était intimement nécessaire de l'écrire de cette manière-là. C'est ce que je n'ai pas entendu chez Hersant.
Je comprends votre point de vue (et moi aussi je préfère Murail et Saariaho à Hersant et Bacri) mais je ne peux l'approuver entièrement. D'abord on n'en finirait pas de dresser la liste des musiciens "passéistes" qui sont restés parce que leur musique était bonne. Ensuite ça n'est pas très gentil pour Mr Hersant ce que vous dites, et certainement pas exact. Ecrire de la musique est long, difficile et très mal payé; par conséquent il y a très peu de compositeurs chez qui l'écriture ne corresponde pas à une réelle nécessité intérieure. Philippe Hersant a appris la musique (post-)sérielle au Conservatoire, l'a pratiqué quelques années, puis il a senti que ça n'était pas sa voie et a cherché autre chose. Une sorte de rupture par rapport à la rupture. C'est son choix, son parcours, on a bien sûr le droit de ne pas aimer sa musique mais on ne peut nier la profondeur et a sincérité de sa démarche.
PS Bach était très audacieux. Ecoutez les modulations de la Fantaisie chromatique et fugue !
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