mercredi 13 mai 2009

Compositeurs d'aujourd'hui : Jonathan Harvey

J'ai longtemps boudé ce disque, suite à un concert où j'avais détesté "Death of Light / Light of Death". Cette chronique me permet de le redécouvrir !

One Evening ...

Dans cette oeuvre se croisent plusieurs préoccupations majeures de Harvey : la fusion instrument / électronique, l'aspiration mystique, l'Inde. Une soprano et une mezzo-soprano chantent des textes choisis autour du thème du "vide transcendantal", entourées d'un petit ensemble instrumental, élargi par de l'électronique.
La première partie, basée sur un texte issu du bouddhisme chinois, commence aux frontières du silence, avant une belle expansion dans des sonorités résonnantes (cloches, harpes, vibraphone), tandis que les voix, d'abord parlantes, fusionnent avec l'électronique dans du monocorde presque statique.
Les parties 2 et 3 utilisent une lettre de Tagore, et un texte anonyme américain. C'est une musique très variée, tour à tour lyrique ou bruitiste, désespérée ou tranquillement dansante, virtuose ou minimale. On s'éloigne du mystique, pris dans le flux chatoyant des événements.

La dernière partie, de loin la plus longue, commence dans un souffle électronique, où les deux chanteuses viennent bientôt échanger autour de "Om Namo Bhagavatyai Âryaprajñâpâramitâyai", issu du Soutra de l'Essence de la Sagesse Suprême. Le mouvement est surtout remarquable pour ses multiples accélérations paradoxales, où les rythmes, parfois électroniques, parfois au tabla, deviennent si rapides qu'ils en deviennent une envolée figée, qui se dissout en couleur texturée.

Advaya

Le titre, explique Harvey, vient de l'enseignement bouddhique, et signifie "qui n'est pas deux", pour désigner une dualité transcendante. En fait, c'est un long solo de violoncelle, entouré d'une partie électronique où tous les sons sont issus du violoncelle lui-même (extensions harmoniques, décompositions de spectres, utilisation en percussions, etc.). C'est une oeuvre intéressante, mais que je trouve trop longue, dans un genre où beaucoup a été écrit au XXème siècle. Certains passages sont brillants, voire fascinants, mais d'autres sonnent banals, déjà entendus ailleurs, parfois avec plus d'intensité émotionnelle (je pense à Scelsi ou Saariaho, par exemple), et certaines sonorités électroniques sont devenues tout simplement moches.

Deah of Light / Light of Death

Cinq instruments, et cinq parties, pour les cinq personnages du retable d'Issenheim de Matthias Grünewald. Un hautbois ou cor anglais incarne à chaque fois le personnage, tandis que les cordes (harpe, violon, alto, violoncelle) représentent son contexte.
"Jésus crucifié" hurle ainsi sa douleur dans des multiphoniques criards et aigus du hautbois, puissamment expressif et douloureux, accompagné de fusées en trémolos, ou presque abandonné ; "Marie-Madeleine", au contraire, rapidement quasiment disparait sous les agitations frénétiques des cordes ; pour "Marie, mère de Jésus", la harpiste passe au tam-tam (dixit le livret ; moi j'entends comme une sorte de gong !), qui sonne comme un glas, tandis qu'un espace vide se déploie, hanté, livide, où erre la mélodie exténuée du hautbois ; "Jean l'apôtre" a droit à une séquence dansante et aérienne que je m'explique mal ; enfin, "Jean-Baptiste" est déjà ailleurs, ou plus tard, dans une référence à l'éternité qui se sert d'ambiances de Gagaku, un prolongement presque apaisé de la partie "Marie, mère de Jésus".
C'est là de la musique ni jolie, ni agréable, mais qui tente d'atteindre l'intensité nécessitée par son sujet (le retable d'Issenheim), et y parvient plutôt. Je ne sais pas pourquoi j'ai tant détesté à la première écoute !

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