samedi 13 novembre 2004

Sidi Larbi Cherkaoui - Tempus Fugit (Théâtre de la Ville - 12 Novembre 2004)

Quel décor ! L'arrière de la scène est un écran où sont projetées des images de forêts ou de ciels. Devant cet écran, deux rangées décalées de piliers dont le haut imite des arbres. Un mince courant d'eau court sur les cotés et le devant du plateau. Des plaques au sol se soulèvent pour révéler divers trésors. Certains éléments ne sont qu'à peine utilisés, mais les piliers sont essentiels au spectacle. Les danseurs/acteurs/chanteurs s'y accrochent, y grimpent et en redescendent de diverses manières, se balancent de l'un à l'autre, parfois à l'aide de cordes, parfois pas. Jungle urbaine, labyrinthe, ils se métamorphosent au gré des saynètes.

Quelle troupe ! Il y a les musiciens du groupe Weshm, menés par le chanteur Najib Cherradi, qui, avec un violoncelle, un qanoun, et un set de percussions, jouent des musiques très diverses, dans le temps (du moyen-age au temps des cerises), et dans l'espace (beaucoup de musiques arabes, mais aussi africaines ou corses).
Il y a aussi une chanteuse, Christine Leboutte. Mais qui est aussi danseuse. Et les danseurs doivent aussi chanter, parfois la tête en bas.
Ces performeurs multi-disciplinaires viennent des Ballets C de la B(ballets Contemporains de la Belgique, apprens-je à cette occasion ; je trouve ça décevant, comme explication, je croyais que c'était une allusion aux Bijoux de la Castafiore, allez savoir pourquoi !).
Venus d'horizon divers, ils aiment le danger, et les manifestations explosives. Sauts enchainés jusqu'à l'épuisement, solos frénétiques, acrobaties hip-hop, jeux du cirque, ils se nourissent d'influences multiples, et recrachent le tout avec une générosité débridée.

Le titre est curieux, car il n'est pas tellement question de temps (même si l'écran dit "quatre ans plus tard" ou "quelques années plus tôt"). Il est surtout question de brassage géographique et culturel. De nombreuses danses "locales" sont évoquées, depuis une parodie de Bollywood, à une danse africaine qui se transforme en quadrille irlandais, pour s'achever en duo amoureux et douloureux.
Les saynètes se succèdent avec une belle densité, et une profusion de sens qui peut malheureusement desservir le propos général, donnant une impression de déballage superficiel de thèmes rabachés, genre "one world for all of us". Mais je ne suis pas sur que Sidi Larbi Cherkaoui ait un "discours" à tenir sur l'état du monde. Il constate, et rapporte, tissant une scénographie autour d'anecdotes racontées par les membres de la troupe.
On a un asiatique découvrant la joie d'être grand chanteur, et la douleur quand s'achève le quart d'heure de gloire. Une femme coincée au milieu d'hommes qui en dansant la frappent. La même ou une autre, qui voilée, se voit rapetisser, transformée en naine. Une femme inanimée, réveillée par un baiser, qui seul la maintient en vie le long d'un tango, jusqu'à ce qu'elle aspire à son tour son partenaire.
La plus belle scène se joue sur "Le Temps des Cerises". Sous les arbres des piliers, tombent des feuilles mortes, des confettis de neige, ou de l'eau, et les chanteurs passent ainsi d'une saison à l'autre en passant d'un pilier à l'autre. Réunis tous sous des parapluies et des tentures, ils forment une belle unité de races et de cultures, bientôt interrompus par un pinailleur d'accentuation, qui explique que sans accents circonflexes et O ouverts, le temps des cerises deviendra le temps des bananes, puis se lance dans une suite de propos racistes, machistes, homophobes, de plus en plus délirants.
Cliché ? Si on veut. Mais peut-être simplement constat des difficultés, et acceptation lucide.

En conclusion, de la danse spectaculaire, de la musique excellente, des émotions fortes de diverses natures, des moments extraordinaires, demander en plus un discours politique pointu est peut-être trop exiger.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

nous sommes une classe de terminale qui faisons danse pour le baccalauréat et Tempus Fugit de Mr Cherkaoui nous serait très utile pour notre développement créatif. Nous cherchons donc à tout prix un enregistrement du spectacle, en auriez-vous un?

Cordialement,
les terminales du lycée Victor Hugo à Marseille

bladsurb a dit…

Non.
Un extrait de 3 minutes est dispo sur Youtube, qui vient d'Arte
(dommage, c'était il y a 15 jours !)