La Rose et la hache (Théâtre de l'Odeon Ateliers Berthier - 23 Novembre 2004)
Sympathique salle : pendant que l'Odéon se refait une beauté, le théâtre de l'Europe s'est installé dans cette ancienne fabrique, dont les murs bruts et la hauteur sous plafond donnent de l'authenticité à une avant-salle pleine de recoins et de charmes, avec un bel espace sans doute prévu pour les entractes, et une salle toute classique, aux fauteuils un peu étroits mais confortables, et une belle pente.
La scène, on n'en voit pas grand-chose, plongée qu'elle est quasi tout du long dans une obscurité mortuaire.
Lugubre spectacle, à l'hérédité chargée. D'abord le "Richard III" de Shakespeare, où un effroyable monstre escalade dans le sang la traitrise et l'infamie toutes les étapes nécessaires à s'installer sur le trone d'Angleterre. Ensuite il y a Carmelo Bene, qui a démonté la chronologie et conceptualisé le personnage. Enfin, nous avons aujourd'hui Georges Lavaudant qui mèle la pièce originelle et les idées de Bene.
Cela donne une série de scène, comme des instantanés, des souvenirs revécus, des fragments figés dans un lent cauchemar éveillé : des banquets, des rencontres, des ordres donnés pour assassiner tel ou telle, tous les efforts de Richard pour se donner un destin, ou peut-être simplement une vie.
Le dispositif est minimal, pour du Shakespeare. 3 acteurs (où Georges Lavaudant lui-même joue la mère de Richard), 2 actrices. Un décor unique, une longue table envahie de verres et de carafes, à demi pleins de vin rouge. Et au centre du dispositif, Richard, interprété par Ariel Garcia Valdès.
Il est clairement habité par ce rôle, déjà joué il y a 25 ans. Comme j'ai loupé cet épisode précédent, je ne peux que juger la performance actuelle. Et étrangement, sa façon de ricaner, de hurler, de maudire, de se déplacer en claudiquant, me font penser sans arrêt à Daniel Auteuil, croisement entre une version sous acide de "La Reine Margot" et ses prestations cabotinantes genre "Ma vie est un enfer".
Autre problème, certaines affèteries de mise en scène m'irritent, voire m'accablent. Pour donner un air de cauchemar à l'ensemble, les habits et les maquillages doivent enlever tout charme, même toute beauté. Il y a du coup beaucoup plus de hache que de rose. La scène de séduction de Lady Anne par Richard est amoindrie par le fait qu'Anne ne possède aucun attrait...
Mais surtout, les scènes sont séparées par de courts intermèdes dansés, ou bougés. Jean-Claude Galotta est chargé de la chorégraphie. L'auteur de "Ulysses", une des plus belles invitations au voyage que je connaisse, réduit à ses interruptions au ridicule parfois mal maitrisé ? Tristesse.
En conclusion, un spectacle court, une heure seulement, intéressant, avec des moments grandioses, mais un peu survendu par la presse. Sans doute ceux qui avaient vu le même spectacle il y a 25 ans, ou le travail de Garcia Valdès et Gevaudant chez Shakespeare entretemps, auront plus d'outils pour apprécier.
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