lundi 16 septembre 2013

John Zorn - Marathon Zorn @ 60 (Cité de la Musique et Grande Halle de la Villette - 7 Septembre 2013)

Pour ses 60 ans, John Zorn a choisi quelques lieux dans le monde où donner un aperçu de sa créativité au travers d'une série de concerts où se succèdent diverses formations et styles. Les trois étapes sont clairement distinctes :
- à la Cité de la Musique, sera mis en avant l'aspect le plus écrit de sa musique, le plus proche de la musique contemporaine ;
- dans la salle Charlie Parker de la Grande Halle de la Villette, ce sera le Jazz qui sera prédominant, et ses couleurs multiples ;
- et enfin, sous la Nef, l'énergie du Rock.

1.1 Illuminations

Je ne sais plus quel article m'avait poussé à acheter l'album Rimbaud, excellent album qui présente 4 pièces très différentes les unes des autres. La troisième, "Illuminations", jouée ce soir, conjugue une partition pour piano, totalement écrite donc, interprétée avec beaucoup d'allant par Steve Gosling, et une paire rythmique contrebasse-batterie, qui improvise dans un vocabulaire Free Jazz. Trevor Dunn à la contrebasse et Kenny Wollesen à la batterie crée une belle couche de magma pulsatif qui soutient le piano, l'enrobe ou le submerge par moment. Sur la longueur cependant, le dispositif fatigue un peu.

1.2 The Holy Visions

Cinq chanteuses pour des chants rendant hommage à Hildegard von Bingen. C'est une succession d'épisodes variés, où surgissent soudain des mélodies moyenâgeuses, ou des boucles à la Steve Reich. L'ensemble, bien que fort joli, m'envoute moins que le Cantique des Cantiques en 2009 ; et curieusement, je songe à ce que Steve Coleman ferait d'un Five Elements purement vocal.

1.3 The Alchemist

Pour conclure ce premier concert assez court, le quatuor Arditti s'installe sur scène. Et là, c'est le drame : ils sont amplifiés ! Pourquoi, dans cette salle qui lors des Biennales voit défiler bien des quatuors qui s'en passent fort bien, et devant un public pas turbulent du tout, décider de détériorer le son de ces quatre maîtres par des micros et des haut-parleurs ?!? Surtout qu'on ne parle ici ni de spatialisation, ni d'effets électroniques. Juste une partition pour quatuor qui ne présente en plus pas grand-chose d'original, et à laquelle, à cause de cette amplification, j'ai bien du mal à m'intéresser. Déception.

2.1 The Concealed

Les choses plus sérieuses commencent à la Villette, mais pour monter en puissance, il faut commencer léger. Dans ce groupe, il y a une couche rythmique très habituelle chez Zorn, à savoir Trevor Dunn à la basse, Joey Baron à la batterie, Cyro Baptista aux percussions. Les mélodies passent entre John Medeski au piano, Kenny Wollesen au vibraphone, et, le plus souvent jouant comme une paire, Erik Friedlander au violoncelle et Mark Feldman au violon. Jolies mélodies, à la manière Book of Angels, mais étrangement peu de digressions, ou d'improvisations autour. Exposition, échos, redites, réexpositions, tout cela tourne un peu à plat, et sonne comme un gâchis, vus les talents réunis sur scène.

the concealed

2.2 Acoustic Masada

Premier grand choc de la soirée, du coup : le Masada original, avec Greg Cohen à la contrebasse qui vient rejoindre Joey Baron à la batterie, et Dave Douglas qui s'installe à coté de John Zorn. On a l'impression qu'ils n'ont plus aucun besoin d'échauffement, ou de répétition. Dès qu'ils se lancent, la magie opère, et comme le temps est compté, ils foncent et donnent tout, les solos époustouflants, la rythmique qui explose, le Klezmer qui fait danser, le chaos qui se fait dompter, tout est dit en à peine deux ou trois morceaux extraordinaires. Ils en ajoutent deux ou trois en plus, mais rapidement, comme des aperçus. Court mais intense.

acoustic masada

2.3 The Dreamers

De nouveau, Joey Baron, Cyro Baptista, Kenny Wollesen, Trevor Dunn. Jamie Saft aux claviers. Et surtout, Marc Ribot à la guitare. Ce soir, Zorn laisse bien de la place à Ribot, qui en profite, et plonge cette délicieuse musique dans un bain de Blues puissant et jouissif. Avec un peu de Western et de Surf, pour varier les plaisirs. Enorme. La joliesse des mélodies en sort toute ragaillardie, et chaque chanson voit son climat, son paysage particulier, splendidement accentué et mis en relief.

the dreamers

2.4 Bar Kokhba

Et là, joie, le concert ne se termine pas, et reviennent sur scène Joey Baron, Greg Cohen, Cyro Baptista, Marc Ribot, Erik Friendlander, et Mark Feldman, pour le "Bar Kokhba Sextet", une des premières déclinaisons de ce potentiel de musiciens amis qui tournent autour de Zorn. Cette fois, on entend bien mieux Feldman et Friedlander, dans leur lyrisme et leur déchirement, et c'est encore une fois magnifique. Quel fabuleux concert !

bar kokhba

le graffiti

3.1 The Song Project

A la Nef, on est debout, et nombreux, entre la scène et le bar. Ca commence par ce curieux groupe, qui mèlent aux habitués (Wollesen, Medeski, Ribot, Dunn, Baron, Baptista) troix voix, mais qui ne chantent que chacune à son tour. Mike Patton pour l'aspect le plus rock/blues, Sofia Rei pour des couleurs World, et Jesse Harris pour de la Pop sucrée. Les chansons sont en fait des reprises de vieux morceaux de Zorn, mais je ne les connais pas assez (voire souvent pas du tout) pour apprécier ce qu'y apporte l'ajout de texte. C'est assez décousu, agréable par moment, mais peu convaincant dans l'ensemble.

le bar

3.2 Moonchild

Beaucoup dans le public sont venus pour ça : écouter Mike Patton hurler, éructer, gronder, sermonner, beugler, et vociférer de diverses manières. C'est certain, c'est impressionnant. A coté, Joey Baron et Trevor Dunn balancent une rythmique bien lourde et plombée, et John Medeski orne de quelques ambiances un brin sales, à la limite du glauque. C'est impressionnant, mais rapidement répétitif. Et ça en devient barbant. Voire assommant, comme un gros de gourdin entre les oreilles. Remarquable travail des ingénieurs du son, cela dit : si je leur en veux d'avoir amplifié les Arditti à la Cité, le son dans la salle Charlie Parker était parfait de netteté et de relief, et dans la Nef, je ne souffrirai d'aucun sifflement ou compression, alors que le volume sonore est bien conséquent.

la tour

3.3 Electric Masada


Pour finir, on prend les mêmes et on recommence, en y balançant toute l'énergie qui leur reste. Kenny Wollesen et Joey Baron aux batteries, Cyro Baptista aux percussions, Trevor Dunn à la basse, Ikue Mori aux machines électroniques, Jamie Saft aux claviers, Marc Ribot à la guitare, et John Zorn au saxophone. J'ai du mal à apprécier autant que la dernière fois, sans  doute un peu fatigué. Cette musique toujours aussi bouillonnante me semble par moment brouillonne, voire même bruyante. Problème de distance avec la scène, aussi, je suis trop loin des musiciens pour vraiment entrer dans leur fourneau où fondent et flamboient mélodies couleurs et redoutables énergies.
electric masada

Ailleurs : Damien (1 2 3), Belette, Pascal Rozat (1 2 3), Clément Guillou ...

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