lundi 6 décembre 2010

Bach / Gardiner (Cité de la Musique - 4 et 5 Décembre 2010)

Quel Week-end ! Je ne devais assister qu'au concert du Dimanche, et puis l'occasion s'est présentée d'y être également le Samedi, et ce fut donc un festival.

Pour fêter les 10 ans de son Bach Cantata Pilgrimage, Sir John Eliot Gardiner tourne avec son époustouflant Monteverdi Choir et ses excellents English Baroque Soloists, et nous présente, fidèle à la philosophie du pèlerinage, quelques cantates de l'Avent, qu'il complète de quelques concerti.
Je m'aperçois grâce à ce blogue que j'ai déjà vu Gardiner il y a 3 ans, dans un programme Brahms. Je n'en avais guère de souvenirs. Cette fois, j'apprécie davantage son art de diriger, sans baguette, mais très différent de Boulez, plus souple disons, souvent presque chorégraphique, et très expressif, de tout le corps, pas seulement du doigt et de l'oeil !

BWV 61 - Cantate "Nun Komm, der Heiden Heiland"

Ca c'est de l'entrée en matière, magnifique choeur initial, rythmes et tuilages. L'orchestre est essentiellement composé de cordes, avec orgue et clavecin, et de rares et momentanés vents. Le violoncelle qui accompagne les récitatifs sera de bout en bout formidable, support souple et tout confort. Les solistes sortent simplement des rangs du Monteverdi Choir. Le plus formidable est la basse Jonathan Sells, qui dans un récitatif ténu à peine souligné de pizzicati impose un silence et une attention rare du public. Enfin, pour une fois, le choral final est complexe et tout effervescent !

BWV 1060a - Concerto pour violon et hautbois

Très belle prestation de Michael Niesemann, hautbois, et de Kati Debretzeni, premier violon soliste. Ce sont les mouvements allegro qui me séduisent le plus, échanges joyeux et fluides du premier, et rythme effréné du troisième, qui tricote sévère de l'archet ! Puis la violoniste rejoint paisiblement son siège pour reprendre ...

BWV 151 - Cantate "Süsser Trost, mein Jesus kömmt"

Si toutes les voix féminines ne m'emballent pas ce soir, celle de la soprano Zoe Brown fait exception, qui s'épanouit angéliquement dans les longues notes de l'air initial, ornée d'une flûte d'une exquise et douce volubilité. 10 minutes de berceuse d'une beauté confondante. Contraste saisissant quand la basse se précipite pour la remplacer, sautant théâtralement dans l'action, tant scéniquement que musicalement.

BWV 70 - Cantate "Wachet! Betet! Betet! Wachet!"

Voilà une cantate pleine de couleurs, qui démarre par un choeur haletant et l'ajout d'une trompette (baroque, bien sur, un instrument d'une surprenante sobriété d'aspect). L'autre point fort sera le récitatif et air de la basse, alternant entre éclats cataclysmiques à l'orchestration particulièrement furieuse (on parle du jour terrible de la fin du monde ...), et apaisements souverains ("lieu où la joie abonde") ; on est vraiment à l'opéra !

BWV 140 - Choeur "Wachet auf, ruft uns die Stimme"

Et puis, un bis. Et quel bis. Le sommet de la soirée. Comme une bouteille de vin de Cana. Gardiner fait venir sur scène quelques chanteurs qui l'avaient accompagné dans le Pélerinage en 2000, et tous entament ce choeur avec une somptuosité, une grandeur, un équilibre des lignes, un élan, une générosité, qui coupe le souffle et donne la chair de poule. Un moment rare, l'impression d'être transporté ailleurs, un air sublime sublimé par l'interprétation.
"Et voilà" conclut Gardiner dans le silence héberlué, avant le tonnerre d'applaudissement.

gardiner à la cité

BWV 1052 - Concerto pour clavecin

Le concert du dimanche s'équilibre entre cantates et concerti pour clavecin, dirigés depuis son clavecin par Robert Levin, ce qui nous prive de la gestuelle de Gardiner ... Dans ce premier concerto, je reconnais bien le premier mouvement, utilisé en sinfonia avec orgue en introduction de la cantate BWV 146, plus intimiste au clavecin, mais néanmoins très marquante, avec ces airs vigoureux et conquérants et ce solo brillant et incisif. Le troisième mouvement aussi sera repris en sinfonia, dans la cantate BWV 188.

BWV 146 - Choeur "Wir müssen durch viel Trübsal"

C'est la partie pédagogie du concert, qui sera plus bavard que la veille. Gardiner et Previn, tous deux en français, expliquent les reprises par Bach d'une pièce à une autre, et l'illustrent par ce choeur qui reprend le deuxième mouvement du concerto précédent. L'orchestration est effectivement plus différente que s'ils avaient choisi une des sinfonia, qui aurait plus été redondante. Mais je ne suis pas convaincu par cette pièce, qui a des difficultés à trouver son équilibre, entre le choeur lent, les cordes discrètes, et un orgue presque intempestif, et ce pour un air qui ne me touche pas.

BWV 243a - Laudes du Magnificat

Le bien connu Magnificat BWV 243 est issu d'un Magnificat de Noël BWV 243a, qui comprenait quatre courtes pièces spécialement écrites pour Noël, et que Bach a ensuite supprimées pour utiliser cet opus à d'autres occasions. Choix curieux que de nous donner ainsi ces quatre pièces isolées de leur contexte. C'est joli, soit, mais un peu court.

BWV 36 - Cantate "Schwingt freudig euch empor"

C'est une grande cantate en deux parties, qui seront ici séparées par le concerto pour clavecin 1053, et sans récitatifs. Le choeur initial est une petite merveille de vitalité, masquant la virtuosité acrobatique sous une limpidité très désaltérante (ça tombe bien, le bar était fermé pendant l'entracte ...). Si c'est bien un hautbois d'amour qui accompagnait le ténor dans son air, alors c'est la preuve que cet instrument peut jouer juste, et qu'alors c'est beau, un de ces airs tout simples, étagé entre les ponctuations de l'orgue et du violoncelle, la ligne déroulée par le chanteur, et les volutes ajoutées par le hautbois.
Dans la deuxième partie, j'attendais l'air de basse, mais c'est le choeur suivant, par les ténors seuls, en longues notes tenues au-dessus du tumulte bouillonnant de l'orchestre, qui m'emporte. La berceuse suivante, malgré le violon de Debretzeni, me fait moins d'effet que celle de la BWV 151.

BWV 1053 - Concerto pour clavecin

Cette fois-ci, c'est l'air lent du mouvement central, une sicilienne, que je préfère, et qu'on peut retrouver dans la cantate BWV 169.
Comme la veille, ils finiront par le choeur de la BWV 140, mais cette fois-ci sans les chanteurs supplémentaires, et l'effet est moindre. On s'habitue trop vite au prodigieux.

gardiner à la cité - final

Spotify: The Monteverdi Choir, The English Baroque Soloists, John Eliot Gardiner – Bach Cantatas Volume 13 (BWV 61, 62, 36, 70, 132, 147), Johann Sebastian Bach – Bach: Oboe Concertos, The Monteverdi Choir, The English Baroque Soloists, John Eliot Gardiner – Bach Cantatas Vol. 15 (BWV 64, 151, 57, 133), Nikolaus Harnoncourt – Bach: Cantatas BWV 29, 61 & 140, The Academy of Ancient Music & Christopher Hogwood – Bach: Harpsichord Concertos, Triple Concerto, Gächinger Kantorei Stuttgart – The Complete Bach Edition Vol. 140 - Sacred Vocal Works - Magnificat In E-Flat Major, Etc.

5 commentaires:

Klari a dit…

Merci pour la chronique !

En ce qui me concerne, j'attaque la mienne avec un peu d'appréhension. Je ne sais même pas par quel bout commencer..

Philippe[s] a dit…

Ah ! Il faudrait bien que je fasse moi aussi une chronique de ces superbes concerts (surtout le premier, il faut bien le dire)

bladsurb a dit…

Ces concerts auraient réussi à ressusciter (au moins temporairement) l'Escalier ? Excellente nouvelle !

guillaume a dit…

Et pourtant le second concert a eu pour moi (pour nous) quelque chose de, comment dire ? unique.

ptilou a dit…

Comme si on y était ! merci !
je me remets aux cantates avec Spotify...