lundi 12 mai 2008

Tokyo Sinfonietta pour Présences (Cité de la Musique - 11 Mai 2008)

J'avais abandonné depuis des années le festival annuel Présences, suite de concerts donnés habituellement à la Maison de la Radio, gratuits, et archi-bondés. Pour cause de travaux de désamiantage, le festival s'est cette année éparpillé temporellement et spatialement, se délocalisant en week-end séparés à Lille, Montpellier, Toulouse, avant de s'achever à Paris, à la Cité, avec si peu de publicité que la salle était à moitié vide.
Le Tokyo Sinfonietta est un équivalent japonais de l'EIC ou de l'Ensemble Modern : une petite troupe de solistes ayant vocation à jouer de la musique contemporaine. La scène est curieusement disposée en paliers successifs, comme des gradins pour choeur, ce qui fait que l'essentiel des musiciens, de plain-pied avec le public, en devient peu visible. Cela vaut aussi pour le chef d'orchestre, Yasuaki Ikatura.

Akira Nishimura - Corps d'arc-en-ciel

Le livret annonce 10 minutes environ, mais elles furent largement dépassées. Musique fort belle, toute en irisations, transparences, flamboyances, déploiements, drapures, avec des textures proches des micro-tonalités Ligetiennes, et des couleurs travaillées qui me firent penser à Benjamin. Voyage évoquant la transformation du corps en lumière ("niji no karada" en mystique bouddhiste), cette oeuvre, dont le caractère asiatique me passionne bien plus que ne le fait Takemitsu par exemple, me donne envie d'en découvrir d'autres de ce compositeur.

Jean-Luc Darbellay - Mégalithe

Le titre l'indique, ce sera primitif, monumental, et vaguement mystique, planté dans la terre (grognement caverneux de la contrebasse, gongs sous-terrestres) et dressé vers le ciel (nappes éthérées des cordes, hurlement des cuivres façon "nuit étoilée"). Puissant et efficace. Mais à ce projet s'en accole un autre : ceci est un concerto pour cor, joué par le fils du compositeur, Olivier Darbellay. Et cette part ne me convainc pas du tout, j'ai l'impression que ce cor ne sait guère où il va, ni dans ses interactions avec l'orchestre, ni dans les cadences solistes. Là encore, les 12 minutes du livret seront largement dépassées.

Jean-Louis Agobet - Sectio

Voilà de la musique qui s'oublie rapidement. 14 sections, chacune comme un concerto, pour chaque musicien. Et également, évocation des quartiers très disparates de Tokyo. OK. Mais les moments intéressants sont du coup noyés dans le zapping rapide, et le tout s'oublie à mesure que ça s'écoute.

Pierre Boulez - Dérive 1

Après les trois créations de la première partie (deux mondiales, une française), le répertoire est à l'honneur de la seconde. Cette "dérive 1", bien connue dans les mains de l'EIC, permet d'apprécier la tonalité de cet ensemble Tokyo Sinfonietta. Les pupitres sont plus fondus les uns dans les autres, au bénéfice d'un climat général tamisé, où les interventions solistes brillent moins. C'est frappant sur la fin de l'oeuvre, où les interventions pointillistes du pianiste sont comme entourés d'un halo des cordes. Une sorte de vision impressionniste. Cela relativise aussi la beauté onirique des oeuvres précédentes, c'est aussi l'orchestre qui leur donne cet aspect-là.

John Adams - Chamber Symphony

J'avais détesté John Adams suite à l'écoute de "El Dorado" dans un concert Présences, normal que ce même festival me réconcilie avec lui. Pourtant, ça commence mal. "Mongrel Airs" débute par un rythme binaire martelé sur une cloche, et des thèmes qui se succèdent sans m'accrocher. Mais "Aria with walking bass", par contre ... La contrebasse y joue son rôle Jazz : fournir la structue rythmique et harmonique fondamentale. Elle s'y adonne avec swing, dans un tempo mi-lent prometteur. Et le reste de l'orchestre s'agglomère en une sorte de chaos ordonné plus proche de Charles Ives que de Schoenberg (en fait, je ne voie absolument pas le rapport avec la seconde école de Vienne dans cette partition, censée être née de la fusion accidentelle de cette musique dodécaphonique et de la musique des dessins animés des années 50, liées parce que toutes deux "hyperactives, insistantes, acrobatiques, et agressives"). C'est grinçant comme du Stravinsky néoclassique, drôle, virtuose, d'allure foutraque mais pas n'importe nawak. Et la troisième partie, "Roadrunner", sera bien sur beaucoup plus rapide, tanguant dans les virages, virevoltant au-dessus du vide, pleine d'invention et de surprises, en changements rapides, mais non aléatoires. Bref, de la musique fun, qui fait bouger les pieds et la tête.

Ailleurs : Corley

1 commentaire:

Anonyme a dit…

FAUX, la salle était au 2/3 pleine, ce qui pour une grande salle à cette date est un exploit ...
un auditeur (visiblement nous n'étions pas au même concert ...)