samedi 8 avril 2006

Adriana Mater (Opéra Bastille - 7 Avril 2006)

Pour ma deuxième visité à Bastille (la première fois, c'était pour du Bério, même pas un opéra, il y a sans doute une dizaine d'années...), je continue d'être surpris par l'aspect labyrinthique des accès à la salle et de la numérotation des sièges (porte, bloc, rang ... Sans guides ni personnel d'accueil visible, de nombreuses personnes errent dans les escaliers, hésitant entre les diverses possibilités...), et par l'impeccable visibilité (pas de colonnettes !).
Depuis L'Amour de Loin, quoi de neuf dans chez Saariaho ? Question lignes vocales, aucun progrés, plutôt le contraire. Elles ne montrent ni beauté musicale, ni efficacité dramatique, et semblent juste bonnes à porter le texte ; les meilleurs moments sont proches de la prosodie ; pourquoi ne pas tenter pour le prochain opéra une simple déclamation sur fond orchestral ? Les pires moments sont ceux qui reproduisent trop ostensiblement les formules déjà amplement répétées de "L'Amour de Loin", car l'intrusion de cet univers-là dans celui-ci ne fonctionne pas du tout.
Puisqu'entre les deux opéras, l'équipe est la même (Saariaho, Maalouf, Sellars), on sent la volonté de changer radicalement de sujet : fini l'amour courtois au Moyen-Age, voici le temps de la guerre, des viols et de la vengeance. Une femme est violée par un soldat de son camp, elle garde l'enfant qui, devenu adulte et apprenant la vérité, décide de tuer ce père monstrueux.
Sujet fort, mais empaté par des tirades parfois platement triviales, parfois s'essayant sans grand succés au poétique, ou tombant dans le moralisme bon marché (si l'acmé de la pièce est le refus du fils de tuer le père, rompant ainsi la logique du sang, pourquoi lui faciliter la tache en rendant cet homme aveugle, brisé par les remords, pathétique et quasi déjà mort, au point que lui laisser la vie sauve est une manière de continuer à le faire souffrir ?). Sans compter les moments simplement ridicules (quand un homme armé, violent, et qui ne désire qu'abuser du corps d'une femme, proclame "je veux monter sur le toit", il n'est pas bon pour elle de lui répondre "si tu veux pénétrer ma maison, il faudra d'abord me passer sur le corps" ; les chances qu'il obéisse ne sont pas nulles).
La mise en scène joue, sujet oblige, le réalisme, en volonté là aussi de rompre avec l'opus précédent : du sable au lieu de l'eau, un village balkan plus ou moins rasé au lieu de tours étincelantes. Parce qu'il faut bien un peu de spectaculaire pour justifier le prix des billets, les murs seront en sorte de plexiglas, illuminables en différentes couleurs, pour que toute la scène puisse briller de rouge ou de jaune. C'est parfois beau, mais souvent banal.
Reste la musique. Dès l'intro, elle impose un climat saturé de couleurs, qui restent lors de la première scène bien confuses. Et le traitement des scènes de crise est complètement raté : le viol est ainsi décrit par un martellement rythmique au volume sonore impressionnant, mais d'une pauvreté d'invention étonnante. Cela s'arrange par la suite, la scène de la grossesse, pleine de doux rythmes entêtants, la confrontation du père et du fils, où la musique se joue étale comme un océan lourd de menaces sous sa surface lisse, les trilles des clarinettes ou les claquements monstrueux des contrebasses, offrent des moments de beauté magnifiques.

Autres avis : Gvgvsse, Herlin, Ionarts[us].

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