Berliner Ensemble - Lulu (Théâtre de la Ville - 5 Novembre 2011)
En ce moment à Paris, une Lulu peut en cacher une autre, et tandis que la version d'Alban Berg se joue à l'Opéra, la pièce originelle de Wedekind est donnée au Théâtre de la Ville. Ou plutôt, la version de Robert Wilson et de Lou Reed, puisque la pièce représentée ici, quoique inspirée parait-il de la "Lulu des origines", bouscule la chronologie en débutant par quelques premières évocations de la mort de l'héroïne, et se trouve rythmée par des chansons de Lou Reed, interprétées par une poignée de musiciens dans la fosse et les acteurs sur la scène.
Ces chansons sont certainement le point faible du spectacle. Non seulement elles ne brillent pas particulièrement par leur force ou leur originalité, mais en plus elles ne collent pas du tout avec l'atmosphère générale donnée par les costumes, les maquillages, les décors, etc. Les effets de distanciation, pourquoi pas. Mais là, il y a tentative de téléportation temporelle, une greffe qui échoue totalement entre les mélodies rock modernes de Lou Reed et la stylisation si particulière de Bob Wilson.
De l'histoire de Lulu, je n'ai pas compris grand-chose. C'est l'inconvénient d'être à une place qui aurait été incroyablement réjouissante pour d'autres spectacles, milieu du premier rang, quand les seuls sous-titres disponibles sont affichées bien tout en haut de l'espace scénique. Regarder ou lire, il faut choisir. Mais même sans cela, la présence des chansons de Lou Reed me semble avoir nécessité quelques coupures dans l'intrigue, et je ne me repère guère entre tous ses hommes successifs. Quant à la Comtesse, son rôle me semble bien peu clair. Et quand je lis le synopsis (L'Esprit de la Terre / La Boîte de Pandore), de larges morceaux semblent avoir été omis (le passage par la case prison, par exemple).
Mais si le spectacle n'est vraiment pas sans défauts, il n'est pas non plus sans quelques qualités ! Angela Winkler est une Lulu au sourire douloureux, aux yeux d'enfant prêt à pleurer, aux rires d'oiseau, présence tranchante et tremblante, fragile et fantomatique, plus que fantasme. Parmi ses compagnons, son père s'avère le plus répugnant, et le Jack de Londres exhibe une silhouette effilée et un charme de fou dangereux à la puérilité attendrissante assez envoutant.
Si les décors de la partie allemande n'excitent guère d'émotions (c'est du Wilson bien estampillé, avec néons et sièges étranges), son Paris, en lustres et cyprès, éveille beaucoup plus la curiosité, et me fait penser, je ne sais pourquoi, à du Paul Delvaux (mais un monologue répétitif récité en voix-off monocorde m'énerve assez vite) ; quant à Londres, perdue dans un brouillard qui efface les pieds, avec cette galerie d'hommes déchus en fond de scène, elle plonge dans un sordide bien réussi.
Mais cela ne suffit pas à renouer avec les éclatants succès du Berliner Ensemble de l'an dernier ...
Ailleurs: MusicaSola
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