dimanche 11 novembre 2007

Visions wagnériennes - Noord nederlands Orkest (Cité de la Musique - 10 Novembre 2007)

Richard Wagner - Prélude de Lohengrin

Ah, ce doux murmure des cordes, tendre et douloureux, entendu cette fois sans public finissant de s'installer ou papotant en attendant la suite, bonheur ; quand les textures s'épaississent, le charme s'évanouit quelque peu. Et s'arrêter ainsi au prélude est un peu frustrant.

karlheinz Stockhausen - Formel

Curieux destin pour cette pièce : Stockhausen l'a d'abord censurée, parce que "trop thématique", avant de la ressortir du placard 20 ans plus tard, quand il s'aperçoit qu'elle contient en racine la musique qu'il compose désormais. C'est de la jolie musique, où on sent des principes de construction déclinés de manières variées (échos ralentis ou accélérés, passant d'un pupitre à l'autre, inversés ou transposés, ce genre de choses), qui donne une surface assez changeante, mais au bout d'un moment, on a l'impression de tourner un peu en rond, à force d'explorer toujours la même matrice de toutes les transformations possibles. Agréable mais lassant.

Iannis Xenakis - Eridanos

On prend un fragment d'ADN, on utilise un grand orchestre à cordes pour en jouer l'hydrogène et l'oxygène, et un ensemble de cuivres pour carbone et phosphore. Grands tutti, pulsations, oppositions de masses orchestrales, c'est bien du Xenakis, impressionnant et décapant ; cela pourrait ressembler aux phénoménales pièces orchestrales de Scelci, si au-delà de l'aspect plein-la-vue existait une aspiration plus mystique, qui ici me manque : qu'a à dire cette musique ?

Richard Wagner - Enchantement du vendredi saint

Un extrait de 5 minutes de Parsifal, c'est un brin ridicule. Hors contexte, le début en est râpeux, et le développement peu compréhensible, sans le travail thématique qui le baigne certainement dans sa durée d'opéra.

Charles Ives - Universe Symphony

Le gros morceau de la soirée. Michel Tabachnik prend le micro pour quelques explications préalables, bien utiles pour comprendre l'organisation de la pièce, donnée en création française, vues les difficultés de mise en place de la structure nécessaire.
Il y a en effet 3 ensembles orchestraux sur scène, chacun avec son chef ; deux autres dans les gradins latéraux, avec leur chef également ; et un au fond de la salle, qui suit le chef principal par écran interposé ; enfin, tout autour de la salle, une vingtaine de percussionnistes. Chaque chef et chaque percussionniste est muni d'une oreillette qui lui transmet son tempo, tous différents et asynchrones (on conçoit l'utopie de Ives de concevoir pareille contrainte en 1915 ! Avait-il un quelconque espoir de pouvoir un jour entendre son oeuvre en concert, ou cet aspect ne l'intéressait-il pas ?).
Début dans le noir, avec un fond de cordes basses, venant de l'arrière. Puis les percussions s'éveillent peu à peu, palpitent, tremblent, crépitent, bourgeonnent, brillent, fusionnent, s'embrasent, frétillent, flamboient, cavalent, fracassent, chacune simple séquence, mais en superpositions aléatoires étincelles et feux d'artifice, fusions foudroyantes et illuminations instantanées, ordre et chaos intimement mêlés, Varèse rencontre Ligeti, Cage salue Stockhausen, cette partie presque purement rythmique dure sans doute un gros quart d'heure, et c'est du jamais-entendu jamais-vécu, être assis au milieu d'un tel maelström sensoriel, l'esprit tourbillonnant d'un rythme à l'autre, à droite à gauche ou derrière soi, la naissance de l'univers en live, rien de moins.
Lorsque les orchestres se mettent de la partie, je suis moins envouté, car le mélange des timbres n'atteint pas les mêmes sommets d'inouï, on retombe dans du plus banal, malgré les décalages rythmiques, qui ne donnent guère qu'une impression de confusion. Jusqu'à l'apothéose apocalyptique, où tous entrent dans la danse, magma musical où tous fusionnent et se fondent, explosion extatique de rythmes et de sons, moment monumental, charivari cathartique, déflagration démiurgique ...
Expérience extraordinaire que l'écoute (faible mot - les rythmes ne se reçoivent pas que par les oreilles, mais aussi par les os - c'est de la musique qui se ressent autant qu'elle s'écoute) de cette pièce, qui ne sera pas sans doute reproduite de sitôt. Le public acclame Tabachnik, l'orchestre hollandais, et les percussionnistes de La Haye.

Ailleurs : Simon Corley

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