Romano/Vignolo/Zulfikarpasic (Sunside - 20 Août 2005)
Samizdjazz y était hier, et son billet fait résolument le tour de la question. Je me contenterai de quelques remarques :
- La liste des morceaux semble très proche entre les deux soirées ; les seules différences que je repère sont qu'ils ont joué "Song for Elis" dans le deuxième set, et qu'il a chanté, en final, avant "Estate", "Les clowns", une chanson de Giani Esposito.
- Dans le premier set, j'ai particulièrement aimé le morceau "Pétionville" (sur la banlieue de Port-Au-Prince), où Bojan Z. s'est lancé dans de la haute voltige, constamment à la limite de la rupture harmonique, comme flirtant à distance avec la mélodie pour soudain y retomber pleins pieds, créant une tension constante presque douloureuse, d'une rare intensité.
- Le travail autour de "Caravan" fut jubilatoire, comme un patchwork de styles et d'ambiances, où le thème ellingtonien, parfois sensuel, parfois virevoltant, parfois abrupt, servirait de couture
- Aldo Romano présente assez étrangement ses morceaux, entre le désir d'indiquer la part d'intime qu'il y a mis, et une répugnance à le faire. Nous n'eûmes pas droit au couplet sur les chanteurs français, mais à l'évocation des circonstances d'écriture de "Anny's Lullaby", chanson écrite pour sa compagne alors en instance de rupture, comme un test pour savoir à sa réaction si leur histoire allait ou non continuer (le résultat n'a pas été dit) ; mais cela fut dit au milieu de digressions, de reculs, de reprises, comme une timidité assez paradoxale mais finalement touchante.
- Dans le deuxième set, le pic d'émotion fut pour moi "Groznjan Blue" de Bojan Z., délicatement poignant.
- Le final fut riche en anecdotes. Comme Bojan Z. ne connaissait pas "Les Clowns", Aldo Romano lui indique les deux accords, puis précise qu'il lui faut la tierce, parce qu''il n'est pas comme Henri Texier, et demande la confirmation de la présence du Mib dans son accord de Ré ! "Private joke" assurément.
- "Estate" est encore plus étonnant. Une corde du piano ayant laché, une note devient pratiquement injouable, la pédale d'effet lui donnant une couleur particulièrement métallique. Bojan Z. utilise alors cet effet comme sur un piano préparé, y martelant un petit rythme, comme une cloche oubliée dans le souvenir évoqué par la chanson. Du grand grand art d'improvisation...
- S'ils font un disque ensemble, je suis sur qu'ils devront se coltiner des comparaisons avec le premier trio mythique de Bill Evans ; les parentés de Rémi Vignolo et de Scott LaFaro, d'une part, et de Aldo Romano et de Paul Motian, d'autre part, sont indéniables, même si cela ne donne qu'une partie de leur palette. Mais c'est dire la qualité de leur jeu.
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