mercredi 16 février 2005

Hervé Robbe - < < Rew (Théâtre des Abbesses - 15 Février 2005)

"Commande de Culturgest, Lisbonne 2003 - IRCAM, Centre Georges Pompidou". Initialement consacré au champ "Accoustique - Musique", l'Ircam depuis plusieurs années se diversifie : au sein de son pôle spectacle, les chercheurs et les musiciens collaborent avec des vidéastes, des chorégraphes, des troupes de théâtre, etc. Ici, la rencontre s'est faite entre Hervé Robbe, chorégraphe, Andrea Cera, compositeur, et Vincent Bosc, vidéaste. Oeuvre multimédia, donc.
Le dispositif sur scène est relativement simple : les deux danseurs, Hervé Robbe et la jeune et remarquable Alexia Bigot, ont, pour évoluer, un étroit territoire, délimité dans le fond par un mur de quatre grands écrans, base principale pour la projection des vidéos, et sur le devant, par un autre écran filet, utilisé par moments pour des projections complémentaires.
La danse est toute de rupture, de déhanchements, de plis et de replis, en angles, en jaillissements, à la limite de la brisure, mais basculant d'un déséquilibre à un autre, maintenue dans un mouvement tendu. Peu de tendresse entre ses deux corps, qui s'attirent et se repoussent plus selon des lois de gravitation ou d'électromagnétisme. Habillés d'un short noir et d'un pull marron, ou d'un costume bleu et d'une robe rouge, ils quittent parfois le plateau, le temps de se changer. La vidéo et la musique occupent alors le terrain.
Musique électronique, bruitiste, qui sait avec beaucoup d'intelligence s'arrêter au bord de l'aggressivité, et se renouvelle avec brio tout le long de l'heure de spectacle. On sent que pour Andrea Cera, né en 1969, "musique électronique" ne signifie pas seulement Pierre Henry et "Répons" de Boulez, mais aussi Autechre, ou Amon Tobin. Que puissent se croiser de tels profils à L'Ircam ne peut que lui être bénéfique...
La vidéo de Vincent Bosc est aussi, en partie, oeuvre de recyclage. Multiplication des personnages par clonages, comme dans de célèbres clips ; déformation des corps happés par le mouvement, revisite de Francis Bacon ; imageries médicales de globules sanguins... Et d'autres effets, qui sont ou pas inédits (je connais peu le monde de la vidéo): effets spéciaux de contraction/dilation de morceaux d'espaces au sein d'une photo ; découpage en lanière, puis reconstruction, d'une image fixe ou mobile... Le statut de l'image est le plus souvent légèrement énigmatique, insistant sur son mensonge potentiel : le fixe devient mobile, l'architecture des lieux filmés se révèle impossible, même les images répétées de mort se contredisent (un corps ne peut se scuicider à la fois par pendaison, par ouverture des veines et par coup de feu).
Il y a indéniablement un climat particulier, et brillament tenu. Un suspens, comme une énigme policière à résoudre, dans cette histoire de rencontre apparement fatale. Un beau et riche spectacle. Même s'il entre dans cette mystérieuse catégorie où, bien que fortement intéressé par ce qui se passe, je ne peux que plonger dans un demi-sommeil hypnotisé, ajoutant mes propres images à celles des écrans.

Mise à jour : Sur son site, Andrea Cera a mis des fichiers MP3, mais qui me plaisent moins que ce entendu ce soir-là. Pour donner une idée de l'ambiance musicale, j'ai mis dans la radio.blog "Pot Pourri" des morceaux plutôt sombres de Autechre, Amon Tobin et Skinny Puppy.

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