John Zorn - The Dreamers (Cité de la Musique - 24 Juin 2008)
"Easy listening", propose le livret ? Le premier morceau y incline, guitare style Hawaï, percu légère, batterie tranquille, orgue décoratif. De la jolie musique, assurément. Heureusement, les climats varieront beaucoup d'un morceau à l'autre. On passera une soirée sur la plage, à échanger des bières autour d'un feu de camp avec des surfeurs amateurs de gros rock. On assistera à l'agonie d'un volcan vomissant hoquetant des fleuves de lave lourde (atmosphère oppressante, d'une prodigieuse lenteur apocalyptique). On parcourra la steppe et les montagnes, parfois chevauchant à grands galops, parcourant tournoyant dans les airs (voyage épique, aux envols et aux piqués spectaculaires). On se perdra dans les textures kaléidoscopiques d'une boucle rythmique à la fausse simplicité fascinante de finesse. On s'offrira un intermède en forme de trio piano batterie contrebasse. Zorn soufflera un bref moment dans son sax, avant de se rasseoir pour diriger de la tête et des bras son petit monde.
Base rythmique : Joey Baron à la batterie, précis, peu exubérant, délivrant juste la bonne dose d'énergie, total controle (et un long solo d'une parfaite pureté de ligne, intensifiant peu à peu, à peine accélérant, chaque coup comme nécessaire, évident, indispensable : du grand art zen) ; Cyro Baptista aux percussions, couleurs variées, fantaisie, source d'étrangetés ; Trevor Dunn à la basse électrique, solide et groovy. Pour la texture : Jamie Saft aux claviers, essentiellement à l'orgue, et Kenny Wollesen au vibraphone ; leurs interventions ne sont pas toujours évidentes à bien suivre au milieu de toute cette richesse sonore, j'aurai du mal en particulier à bien entendre le vibraphone, mais le son de l'ensemble, avec ces échos multiples des décennies passées, leur doit beaucoup. Enfin, au coeur du dispositif, à la guitare, Marc Ribot, extraordinaire de présence, de puissance lumineuse sans avoir à forcer, capable d'injecter soudain un grand trait de blues dans un cocktail jusque-là tout léger, d'évoquer dix guitares différentes avec une seule, imperturbablement impérial et serein, sans jamais "jouer" au guitar-hero.
Cet ensemble "The Dreamers" ne vise à aucun moment la démesure, mais garde au contraire tout au long du concert la parfaite maitrise de sa performance. Pas de folie, mais une douce nostalgie, qui se dégage de l'orgue 60's, de la guitare parfois bluesy, parfois revival pop 70's, ou des mélodies, imprégnées du klezmer zornien.
Un beau concert, riches d'émotions subtiles.
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