mercredi 26 mai 2004

Varèse - Eötvös (Cité de la Musique - 25 Mai 2004)

Edgard Varèse - Ecuatorial


L'architecture de l'oeuvre est directement visible sur la scène. Au fond, une martiale rangée de percussionnistes. A gauche, une phalange de cuivres tranchants. A droite, un choeur d'hommes bien massif (le Choeur de l'Armée française, impeccables en uniformes). Et devant tout ça, deux joueuses d'ondes Martenot.
Inspirée de monuments précolombiens, la musique évoque de façon relativement convaincante des rituels barbares, grandioses, austères et sanglants.
Malheureusement, sans doute suis-je trop près de la scène pour bénéficier du mixage approprié ; du coup, les cuivres escamotent le choeur, peu audible, et les ondes se superposent en lézardes rapidement exaspérantes. La version initiale, pour Theremin, aurait eu l'avantage d'un impact visuel plus amusant.

Edgard Varèse - Déserts (avec vidéo de Bill Viola)


Un des chef-d'oeuvre emblématiques de Varèse. Une ascèse, avec ces accords de cuivres construits par étages, ces percussions hantées par le vide, ce statisme paradoxal... Et ces interpolations électroniques, concassages de sons bruts industriels, aujourd'hui filtrés par le temps et par la technique de l'époque, recouverts d'une irrésistible patine Vintage.

Depuis la vidéo de Bill Viola, ces interpolations sont réhabilitées, même si leur fonction n'est sans doute plus du tout celle que leur avait assignée Varèse ! Ce n'est plus un agrandissement de la furie orchestrale dans le monde concret, mais au contraire une prolongation purement mentale de la solitude affolante.

Aux passages instrumentaux, la vidéo accole des représentations de transformations d'énergie, dans une gradation de l'antédiluvien (courants marins, conquète de l'air, éclairs...), vers la civilisation, avec des rappels et des parallèles (incendies, lampadaires, arbres...). Et lors des passages électroniques, elle montre un homme qui s'asseoit, mange une soupe, fait tomber un verre d'eau. Le bruit semble très clairement venir de sa tête, remplie du tumulte énorme du mental.
Vers la fin, l'homme se fracasse dans l'énergie du monde. Une lampe allumée au fond de l'océan conclut par une note d'humour étrange.

Vidéo magique, profonde et pourtant si immédiatement lisible ; Varèse/Viola, une rencontre de ... génies ? (mot galvaudé, mais là...)

Peter Eötvös - Chinese Opera


Eötvös rend hommage à quatre metteurs en scène :
- Peter Brook, dans une intro trop rapide pour que je remarque quoi que ce soit
- Luc Bondy, dans un tableau aux raffinements fort travaillés, un souci des textures diaprées et des couleurs acidulées, un charme un peu stérile
- Klaus Michael Grüber, dans un développement plus lourd, une continuation mais dans un ton plus emphatique et un résultat plus ... théâtral (!)
- Patrice Chéreau, dans une conclusion qui se rapproche finalement de Varèse, par l'utilisation hiératique des percussions, le dégraissage des jeux instrumentaux, les scansions affirmées, puis adoucies.
Par cette dernière partie, l'oeuvre échappe au seul exercise de décoration, pour trouver une force plus authentique. Mais il reste quand même trop de sucre, et pas assez d'os.

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