Pandit Shivkumar Sharma et Ustad Zakir Hussain (Salle Pleyel - 12 Décembre 2009)
J'ai longtemps pensé que je pourrais facilement me passionner pour la musique indienne, comme j'ai plongé pour la musique contemporaine. Il y a malheureusement un obstacle : la modalité. Cet absence de modulation, ce sur-place harmonique sur de parfois très longues périodes de temps, si j'en comprends les fondements théoriques, j'ai du mal à ne pas m'en insupporter. C'est plus maintenant un univers musical où je m'aventure quand l'occasion se présente, pour évaluer mon degré d'acceptation ou de plaisir ressenti, comme je peux écouter lors d'une saison une ou deux symphonies de Beethoven ou, pourquoi pas, quelques études de Chopin.
Ce concert n'était pas prévu dans mon abonnement, récupéré auprès d'un spectateur non-ubiquite qui lui a préféré un Oratorio de Noël (merci merci Joël !). Si je connaissais le nom du tabliste Zakir Hussain, celui de Shivkumar Sharma m'était totalement inconnu, ainsi d'ailleurs que celui de son instrument, le santur.
Le problème du santur, c'est qu'il s'accorde longuement. Et comme Shivkumar Sharma n'est pas exactement minimaliste dans son jeu, l'instrument soumis à rude épreuve doit être régulièrement réaccordé. Cela rythme le concert. 10 minutes d'accord, 30 minutes de musique. En tout, trois longues plages de raag.
La première partie se joue sans tabla. A l'aide de ses petits maillets, Shivkumar Sharma laisse flotter les lignes, puis les organise, enfin les fait tournoyer. C'est une musique d'eau et de vent. Il frappe, frotte, frôle les cordes, parfois juste entre le son continu et les notes égrainées. Sa maitrise des rebonds est fabuleuse. Mais cette virtuosité reste sereine. Ce n'est pas une démonstration. Pas une initiation non plus. C'est un voyage dans un art porté à un très haut degré. Faute de connaissance et d'habitude, j'ai regardé ce monde musical s'épanouir, tout en restant à l'extérieur.
Pour les deuxièmes et troisièmes parties, Zakir Hussain rejoint le maître. Mais il reste à une place d'accompagnateur de luxe, indispensable mais subordonné (comme un pianiste émérite dans un récital de lied, peut-être ?). Parfois, le santur s'installe dans une boucle, le temps pour Hussain de s'exprimer en soliste, avant de laisser les cordes reprendre le premier plan. Dans leur dialogue, il y a une intensité qui ne laisse guère de place à l'humour, c'est du sérieux, sans doute mystique.
Finalement, la longueur des stagnations modales m'a peu atteint. Si je n'ai pas pu profiter totalement de la prestation, c'est plus par manque de culture ; difficile d'apprécier les développements d'un raga classique, d'en gouter les audaces ou les subtilités climatiques, et impossible d'en noter les références, quand on découvre pour la première fois.
Je découvre à cette occasion qu'il y a beaucoup de musique indienne sur Spotify (le label Sarégâma semble fort copieux !).
Ailleurs: Klari, qui était juste au rang derrière moi, qui a plus su apprécier ; son billet permet aussi de mieux comprendre et donc d'aimer cette musique.
Spotify:
Shiv Kumar Sharma - Call Of The River - 11 meditations on the Santoor
Zakir Hussain - Rhythmic Impressions
Shivkumar Sharma & Zakir Hussain - The Flow Of Time
3 commentaires:
C'est exactement le genre d'argument qui fait que je préfère aller voir des concerts de musique que je connais et dont je peux apprécier les subtilités.
Mais à ce compte, on ne "découvre" jamais rien de vraiment nouveau. J'avais vu les affiches et je pense que je m'y serais ennuyé aussi.
Merci du compte-rendu en tout cas. Très intéressant.
J'aime beaucoup le spectateur non ubiquite et "C'est du sérieux, sans doute mystique". Le lien entre la musique indienne et Chopin ou Beethoven ne me serait pas venu spontanément :-).
En attendant ton billet donne envie de s'intéresser à ce type de musique qui ne nous est pas nécessairement familier.
"Ubiquite" t'était en fait quasiment dédicacé, je suis content que tu l'ais relevé !..
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