C'est guidé par un commentaire de Samizdjazz que je retrouve cette salle, connue dans des années plus Rock, et occupée par des publics plus tumultueux (Front 242 en 1993, ou les Neubauten en 1990...). Et même si les fauteuils rouges ne courent cette fois aucun danger, le public semble plus jeune que celui d'autres lieux du Jazz.
En première partie, un duo étonnant, composé du guitariste Nelson Veras et du batteur Stéphane Galland. Galland se montre ici moins explosif que chez Aka Moon, plus affable, même si question technique, cela reste un feu d'artifice, en ruptures, ralentissements et accélérations, intermèdes percussifs, petits décrochages continuels, la panoplie habituelle, mais gardée sous controle.
En face, Nelson Veras, jeune guitariste brésilien, encore timide, planqué derrière sa frange. J'aime en général les guitaristes qui triturent le son de leur instrument, avec des boites à effets et autres pédales multiples. Ce ne sera pas le cas ce soir. Sous ses doigts légers naissent des notes rondes, un peu liquides, en chapelets chatoyants, tranquillement charmants, longues lignes mélodiques rapides alternées de silences attentifs.
La rencontre entre cette guitare, toute d'élégance languide et d'exubérance tranquille, et cette batterie, énergie fractale et pulsions echevelées, est étrangement fructueuse.
Concernant Bojan Z, contrairement à d'autre, c'est pour moi une découverte, je ne le connaissais que comme sideman de Henri Texier dans le Azur Quartet (il y a une version live de "BZ The Bee" dans ma radio blog "Jazz" ; BZ, c'est lui...).
Voguant avec maestrio entre ses trois claviers, qu'il surplombe de son allure de boxeur, feintant, contrattaquant, dansant de la tête, il croise les influences, jugées parfois incompatibles, à tort, la preuve ! Parfois peintre, avec des mélodies et des accords "à la Debussy" ou "à la Bill Evans", parfois guerrier, avec des déchainements de puissance "à la McCoy Tyner", le tout agrémenté d'un peu de musique balkanique, difficile de prédire comment va tourner un morceau !
Pour l'accompagner, le bassiste Rémi Vignolo multiplie les solos, courbé sur le corps de la contrebasse, et balance ses lignes avec une féroce énergie. Le batteur Nasheet Waits possède tout le vocabulaire du batteur de Jazz, swinguant et bondissant, carressant les peaux si c'est nécessaire, mais préférant les attaquer avec une détermination de rocker, dans des démonstrations de puissance impressionnantes.
Par moments, ils semblent tous trois engagés dans une cavalcade effrénée que rien ne peut stopper, et qui finit par lasser. Mais dès qu'ils laissent admirer le paysage, c'est magnifique, vraiment l'air du grand large dans les steppes balayées par le vent.
En final, Bojan Z offre ce qu'on appelle un bon vieux blues des familles, sur son piano électrique Rhodes, dont les notes glissent vers le faux lorsqu'on les enfonce, ce qui donne un son extraordinaire, sorte de clavecin bastringue, dont il maitrise parfaitement les dérives sournoises.
Concert voyage, et un grand, grand plaisir.