mercredi 17 juin 2015

John Niekrasz, Alexandra Grimal (Jazz@Home, 22 Mai 2015)

Cette session de Jazz@Home, la 69ème, se déroule dans l'appartement habituel, où s'entassent quelques dizaines de spectateurs, entre les bibliothèques, les plantes, et le mini-bar où sont rangés les CD des artistes, et où j'en trouve 2 de Grimal que je n'avais pas encore !

jazz@home 69

A la batterie, John Niekrasz propose une jolie palette de climats différents : des effets percussifs avec de drôles de baguettes ou à main nue ; des pluies fines de petites frappes sur tous tomes et cymbales, un matelas sonore où la pulsion n'est pas prédominante ; des passages plus directifs et violents.
Quant à Alexandra Grimal, elle alterne toujours entre ténor et soprano, mais y ajoute ... la voix. Elle chante de plus en plus, interrompant le flux serré de notes jouées par des bribes de notes chantées qui en prolongent les lignes mélodiques enfouies, le plus souvent sans paroles, parfois chantant dans les saxophones pour ajouter des harmoniques et des richesses de textures.
Mais le plus beau passage est sans doute le dernier morceau, où John Niekrasz fait tourner une cymbale sur le sol, et Alexandra Grimal chante une berceuse tzigane. Simple, direct, droit au coeur, imparable.

jazz@home 69

Debussy Mahler Moussorcski (Philharmonie de Paris - 20 Mai 2015)

Claude Debussy - La Mer, trois esquisses symphoniques

Paavo Järvi entraîne l'Orchestre de Paris sur une mer pleine d'intensité et parfois de fureur. Les envolées des cordes qui montent vers les hauts plafonds réflecteurs sont magnifiques. De beau travail.

Gustav Mahler - Lieder orchestrés

Matthias Goerne, qui est la raison pour laquelle beaucoup sont venus ce soir, et qui devait initialement créer un concerto qui était la raison de ma venue à moi, enchaîne quelques lieder malhériens de divers cycles : "Knaben Wunderhorn", "Kindertotenlieder", et "Lieder und Gesänge", ces derniers arrangés par Luciano Berio ! L'alternance de chants connus et d'autres pas du tout me perd un peu ; j'apprécie de réentendre "Urlicht", et "Revelge" où il donne du mordant avec une délectation toujours renouvelée.
Et puis me voilà rassuré : ce genre de voix passe excellemment dans la salle. Seules les sopranos seraient pour l'instant en souffrance ?

goerne chante mahler

Modest Moussorcski - Tableaux d'une exposition

Agréable redécouverte, je connais certaines pages par coeur, d'autres moins.

Ailleurs : Palpatine, La Souris, Stéphane Blemus
Spotify : Les Tableaux, je crois les avoir découverts par cette version Emerson Lake and Palmer ... qui a un peu vieillie ...

mercredi 10 juin 2015

Hofesh Shechter - deGeneration (Théâtre des Abbesses - 15 Mai 2015)

Hofesh Shechter reprend deux de ses premières chorégraphies ("Cult" de 2004 et "Fragments" de 2003), y adjoint une création qui reste dans le même esprit ("Disappearing Act"), et donne le tout à interpréter par de jeunes danseurs et danseuses, aux gabarits variés et à la fougue communicative.
En fait, les éléments de son langage sont déjà là : une danse physique qui mélange grands mouvements et gestes quotidiens, sauts allongés et trépignements ; une scénographie où la lumière est très travaillée, qui découpe l'espace, entre parties claires et celles plongées dans l'ombre, et le temps, en épisodes successifs.
C'est court, dense, fort sympathique, mais sans vraiment m'emballer.

degeneration

Ailleurs : Rick

Antigone - Sophocle / Ivo Van Hove (Théâtre de la Ville - 3 Mai 2015)

L'affrontement entre Antigone et Créon, je le connaissais de mes années scolaires dans la version d'Anouilh, et alors qu'on nous expliquait doctement qu'en tant qu'adolescent et donc rebelle nous étions forcément du coté de la révoltée Antigone, moi je comprenais bien mieux le raisonnement politique de Créon ...
Mais ici c'est la version de Sophocle qui nous est proposée, dans une mise en scène assez simple d'Ivo Van Hove : un décor unique avec un grand mur en fond où sont projetées de nombreuses vidéos, pas toutes utiles d'ailleurs, et un décrochage de niveau qui crée des banquettes.
La plupart des acteurs forment le choeur, s'en détachent le temps de leur scène puis y replonge. Sont épargnés bien évidemment le couple vedette, Patrick O'Kane en Créon, imbu d'autorité, qui a la raison d'état pour lui mais manque cruellement de subtilité, et Juliette Binoche en Antigone, qui joue comme à coté de tous les autres, dans une autre tonalité, beaucoup plus émotionnelle, proche des cris et des pleurs ; mais comme elle dit, sa naissance déjà (d'Oedipe et de Jocaste) avait fait d'elle un monstre, placée en dehors de l'humanité commune.
Que le texte soit dit en anglais s'oublie rapidement, les sous-titres sont bien visibles de ma place. Et je me laisse happer par l'émotion, plus que par les questionnements philosophiques ou politiques. La fin me surprend en larmes, c'est donc que le spectacle était suffisamment réussi dans sa logique.

antigone

lundi 11 mai 2015

Marc Ribot - The docks of New-York (Cité de la Musique - 24 Avril 2015)

C'est une soirée ciné-concert. Dans l'amphithéâtre est projeté le film "The Docks of New-York", un drame de Josef von Sternberg de 1928, sur lequel Marc Ribot improvise de la musique en direct.
J'aime particulièrement le début du film, avec une suite de gueules et d'éclairages expressionnistes et impressionnants dans la soute du bateau qui fait escale. La suite est un beau mélodrame social, où un marin sauve une prostituée du suicide, l'amène dans un bouge et l'y épouse, avant de repartir le lendemain sur les mers, mais finalement la rejoint, pour finir par un séjour en prison.
La musique de Ribot reste en arrière-plan, laissant l'attention principale sur le film. Il rend très bien l'atmosphère poisseuse du bar où la violence éclate régulièrement ; il a plus de mal à rendre intéressantes certaines des scènes du couple.
Je m'attendais sans doute à quelque-chose de plus spectaculaire, mais en fait l'optique choisie est la bonne : cela reste un accompagnement musical.

Berlin Années Folles - Orchestre de Paris, Ute Lemper (Salle Philharmonique - 18 Avril 2015)

Paul Hindemith - Nouvelles du Jour

Courte pièce apéritive, agréable, mais que l'Orchestre de Paris joue je pense un peu trop mollement.

Kurt Weill - Les Sept Péchés Capitaux


La vedette, c'est Ute Lemper. Elle opte pour une version Cabaret, avec micro et gestuelle, sans partition. Dans ce choix, elle est parfaite. Le reste suit.
En bis, elle interprète plusieurs chansons de Kurt Weill. Le chef d'orchestre Thomas Hengelbrock tue tout suspense en déployant en avance la partition de la chanson suivante. Lemper explique le contexte historique des créations, et donne en quelques étapes une idée du parcours du compositeur. La dernière chanson choisie illustre la déception de l'étape américaine de sa carrière.

berlin années folles

Kurt Weill - Suite de l'Opéra de Quat'Sous

Je m'y fais à cette suite, je l'ai préférée à la dernière fois.

Eduard Künneke - Suite dansante

Si le reste du catalogue de ce compositeur est plus marqué "musique légère" que cette pièce, je comprends qu'il soit tombé dans l'oubli. C'est pas désagréable, mais c'est vraiment anecdotique. Sous les mélodies gentilles de Weill, il y a (presque) toujours de l'acidité, qui donne du relief. Ici, je n'entends aucune profondeur particulière derrière les rythmes entraînants et les architectures simples.


Ailleurs : La souris
Spotify : Die 7 Todsunden (Lotte Lenya 1956), Ute Lemper sings Kurt Weill, Musique d'Eduard Künneke (dirigée par lui-même)

Wim Vandekeybus - What the Body does not Remember (Le Centquatre - 13 Avril 2015)

Wim Vandekeybus et sa troupe Ultima Vez reprennent régulièrement cette pièce, leur première, et qui d'emblée frappait fort. Je l'ai déjà vue donnée dans de meilleures conditions que cette salle temporaire construite à l'intérieur du 104, aux rangs serrés, et au public agité, dont de nombreux lycéens à qui seront confisqués préventivement et à leur grande protestation les portables, et qui réagiront bien bruyamment à l'apparition d'une poitrine féminine dénudée. Bref.
C'est une chorégraphie conçue en épisodes successifs, et la plupart d'entre eux partent d'une idée simple qui est variée, ramifiée, détournée. Je me souvenais principalement des briques, qui servent de pavés pour se déplacer, qu'on se jette les uns aux autres parfois sans même se regarder, qui soulèvent une poussière blanche très belle ; et des vêtements, qu'on se chipe, qu'on s'échange, qui changent de pôles et d'épaules, avec des habillages déshabillages en marge du plateau, et beaucoup de traversées en diagonales. D'autres séquences marquent le territoire très physique de la troupe, qui sera sa marque de fabrique les premières années : comme cette section inaugurale en "musique de table", où aux frottements glissements claquements du musicien répondent deux corps de danseurs, comme télécommandés, qui roulent, sautent allongés horizontalement, tout un travail au sol qui était à l'époque révolutionnaire et qui reste impressionnant. Et la séquence finale, en piétinement furieux, armés des chaussures emblématiques, et qui comprend sa part de risque de blessure physique. J'avais par contre oublié une séquence qui préfigure une évolution future, où la violence de physique devient plus mentale : une séance de palpation, qui devient clairement une agression sexuelle.
La pièce est toujours aussi formidable, la troupe actuelle la reprend avec toute la fougue voulue, j'espère la revoir dans 10 ou 15 ans dans une meilleure salle et avec un meilleur public.

ultima vez

Ailleurs : ResMusica