mercredi 13 décembre 2023

Alexandra Grimal Trio (Le Triton - 2 Décembre 2023)

Après un tour dans la petite salle, ce soir c'est dans la grande que se produit Alexandra Grimal, à la tête d'un trio, avec Jozef Dumoulin au piano et autres claviers électroniques plus ou moins identifiables, et Yuko Oshima à la batterie, qu'elle utilise essentiellement comme un set de percussion. Jozef Dumoulin installe les climats et les structures musicales, parfois en accords joués au piano, parfois avec des nappes synthétiques, parfois en samplant et rejouant ses camarades, l'éventail des possibilités et des combinaisons est assez large. Alexandra Grimal alterne entre ses deux saxophones, avec toujours ses courtes phrases qui me semblent grimper et descendre des escaliers à toute vitesse, et son goût pour le silence quand il s'invite. Et Yuko Oshima multiplie les jeux, ici des éponges métalliques qui imitent la pluie, ici des bols posés en désordre sur les peaux des fûts, là un genou qui vient étouffer une résonance, là une baguette qui vient frapper la grosse caisse à contre-temps de la pédale.

Le livret prévenait : "Un trio d’une grande puissance, créant des paysages sonores aussi subtils et ténus que denses et abstraits, repoussant les limites pour décloisonner les formes d’improvisation, d’écriture et d’être ensemble." Et j'ai en effet la sensation d'un territoire inédit à défricher, avec des passages très calmes qui me rappellent ceux de Kankû (mais dont on profite bien mieux dans la parfaite sonorisation du triton...), des temps suspendus et lisses d'une belle plénitude (mais pas forcément sereins), et des éclats plus vifs et plus bruyants ; aussi, un trio qui ne cherche pas la fusion, mais peut-être plus la coexistence (où il y a de la connivence, mais pas de télépathie), chacun gardant son langage et son champ d'application, et s'acceptant dans les différences de style.

A quelques moments, Grimal chante, ça ressemble à des berceuses, où sa voix fragile émeut et excelle. Elle indique que c'est un nouveau groupe, un nouveau répertoire, mais n'est-ce pas presque systématiquement le cas avec elle ? On verra s'il y aura une réalisation discographique et une continuation de cette aventure ... A la sortie, quelques cacochymes habituels de la salle s'en vont furieux que ce n'était pas du "Vrai Jazz", et leur énervement me réjouit !

alexandra grimal trio Ailleurs : Damien

mercredi 15 novembre 2023

Jeanne Added - By Your Side (Philharmonie de Paris - 3 Novembre 2023)

C'est le premier concert de Jeanne Added dans le cadre de sa carte blanche à la Philharmonie cette année (elle reviendra deux fois), et elle commence par le plus habituel, présentant son dernier album, et un peu plus. En effet, deux heure trente n'est pas une durée classique pour elle, et pour habiter cette durée, elle a clairement découpé la soirée en trois parties, avec, et c'est la première fois que je la vois faire cela, des changements de tenue !

jeanne added à la philharmonie le 3/11/2023

On commence par une version un peu plus courte et un peu plus pêchue des concerts qu'elle a donnés l'an dernier pour la sortie de l'album (un des concerts tombés dans la période de silence de ce blogue). Même tenue noire, pantalon et haut moulant, même dispositif scénique avec des escaliers montant à un long balcon surplombant les musiciens poussés sur le bord de scène, mêmes chorégraphies avec les deux choristes. Elle enchaîne les morceaux les plus énergiques, positifs et dansants, parfois en medley, ou juste un peu allongés mais sans grands changements par rapport aux versions studios. C'est fichtrement efficace, et c'est impressionnant comme elle a construit en quelques années une ribambelle de tubes. Galvanisant et jouissif. Et fin du premier acte.

jeanne added à la philharmonie le 3/11/2023

Elle revient tout en rose, en robe avec de longues manches, mais en latex (ou genre latex). Girlie but queer ... Et rapidement, en chantant du Sinéad O'Connor (un titre que je ne connaissais pas), elle descent de scène, traverse la foule du parterre, s'installe sur une petite estrade au milieu du public, troque sa guitare électrique contre une guitare sèche, et se lance, en compagnie des deux choristes et de la claviériste dans une session acoustique, pleine de reprises, des titres les plus émouvants et lents, demandant à un moment au public de lui souffler les paroles, c'est détendu, intime, très touchant.

jeanne added à la philharmonie le 3/11/2023

Pour le troisième acte, retour sur scène, où les musiciens alignés prennent plus de place, et où les morceaux ont le plus été retravaillés, souvent plus secs, plus tranchants, plus longs. Un "It" puissant et rageur. Une version de "Lydia" de référence. Une énergie qui vient des tripes et qui donne envie de hurler. Un set sombre et lumineux, bouleversant. 

jeanne added à la philharmonie le 3/11/2023

Et c'est déjà la fin. Un titre en plus, comme ça, a cappella, je ne sais plus lequel, avec toute la troupe (désolé, pas de livret distribué, je n'ai pas trouvé leurs noms) et c'est terminé. 

Un concert somme, qui fonctionne comme un marqueur d'étape, déployant un univers musical mais aussi scénique, une ambition artistique et le plaisir de communiquer avec son public, qui trouve dans la grande salle de la Philharmonie (pleinement remplie) sa jauge idéale (et un son parfait).

Certains des concerts de sa nouvelle carrière souffraient d'une alternance un peu trop rapide entre les moments chauds et froids, lents ou rapides, entre le fun et le poignant. Ce soir, la division en parties bien distinctes permet de creuser successivement chacun des climats, et cela fonctionne à merveille. Sans doute son meilleur concert (post Jazz), et qui fera date.

Spotify : J'ai récupéré la liste des morceaux joués, qui montre que mes souvenirs sont déjà trompeurs ; pas grave, dans ces chroniques, la sensation m'est plus importante que la vérité. J'ai transcrit cette setlist en playlist.

lundi 13 novembre 2023

John Zorn - Masada & Beyond (Philharmonie de Paris - 2 Novembre 2023)

New Masada Quartet

A l'approche de ses 70 ans, John Zorn s'est offert une nouvelle version de son légendaire quartet, en changeant tout le monde, sauf lui-même. Si Jorge Roeder à la contrebasse et Kenny Wollesen à la batterie apportent certainement leur couleur particulière, le changement le plus visible est d'avoir échangé un trompettiste contre un guitariste - Julian Lage. Cela permet d'élargir le spectre musical, qui puise dans le même corpus musical, ritournelle klezmer que les stridences soudaines du saxophone font flamboyer, chaos ordonné de la main de Zorn qui guide les brusques arrêts et départs, berceuse, que sais-je, et puis soudain surgit un blues, que la guitare rend âpre et suintant bien comme il faut. C'est tout pareil que le prermier Masada, mais en différent, et on s'y sent chez soi, mais avec une nouvelle déco. Assez jubilatoire, en fait.

new masada quartet

Heaven and Earth Magick

C'est un quatuor bien coupé en deux. Aux extrémités, le pianiste Steve Gosling et la vibraphoniste Sae Hashimoto jouent sur partition, un jeu de boucles avec des ruptures, assez raffiné. Et au milieu, le batteur Ches Smith et le contrebassiste Jorge Roeder malaxent à l'improviste des rythmiques concassées. C'est  intéressant, on ne s'ennuie pas, mais je ne me relèverai pas la nuit pour ça.

heaven and earth magick

Simulacrum

On passe à du plus brutal. John Medeski à l'orgue, Matt Hollenberg à la guitare, Kenny Grohowski à la batterie. Du son lourd, mais finalement pas tant que ça. Le guitare joue parfois au bassiste, mais ne sature jamais vraiment. Le batteur pourrait remplir bien plus fortement son espace, et la frappe est souvent plutôt lente. C'est Medeski à l'orgue qui me semble le plus véhément. Bon, c'est  intéressant, on ne s'ennuie pas, mais je ne me relèverai pas non plus la nuit pour ça.

simulacrum

Spotify : Tzadik est revenu sur Spotify ! Je préfère le premier disque du New Masada Quartet au deuxième volume. Et Zorn affiche en 2023 une moyenne d'un nouvel album par mois ...

Ailleurs : Damien, qui aussi explique ici pourquoi le livret annonçait une Barbara Hannigan absente sans qu'on nous en dise un mot : elle était bien prévue, mais a chanté la veille la pièce prévue pour ce soir.

mercredi 1 novembre 2023

Nederlands Dans Theater – Tao Ye / Sharon Eyal & Gai Behar (Théâtre de la Ville - 21 Octobre 2023)

 Tao Ye - 15

15 danseurs et danseuses forment un triangle sur scène, et répètent une même phrase chorégraphique très énergique, avec frappes de corps et cris, tous synchrones, tous habillés pareil, les individualités presque complètement gommées (même si la position fixe des interprètes dans le triangle crée de facto une hiérarchie, avec un meneur en pointe et ceux du fond quasi invisibles depuis ma position dans le bas de la salle).

La musique adopte exactement la même démarche que la danse, elle évolue lentement, gardant son caractère de transe, et impulse ou suit les modifications chorégraphiques : passage au sol, puis de nouveau debout, performance physique remarquable de toute la troupe. Le plus grand changement a lieu vers la fin, où les interprètes glissent le long des cotés du triangle, brisant ainsi la hiérarchie évoquée précédemment.

C'est plus impressionnant qu'émouvant, cela dit. Une démonstration de force, mais qui porterait quel discours ?

Nederlands Dans Theater – Tao Ye / 15

Sharon Eyal & Gai Behar - Jakie

La scène est tout aussi vide que précédemment, mais il y a un jeu sur les lumières plus complexe et subtil, avec du brouillard qui crée des premiers et des arrières plans. On a toujours une troupe, là aussi tous habillés pareils, mais il y a toujours des exceptions, des solistes détachés, et une exacerbation des différences de morphologie : ainsi au départ, on semble voir un géant parmi des lutins. 

Les scènes sont presque oniriques, quoique très physiques et exigeantes, il y a plus de poésie, de mystère, de tensions dramatiques. Je retrouve par moments des sensations forsythiennes de mouvements paradoxaux issus du corps de façon inattendue. Il se pourrait qu'une histoire soit racontée, que je n'ai pas comprise - mais qui m'a happé quand même.

Nederlands Dans Theater – Sharon Eyal & Gai Behar / Jakie

Ailleurs : Jean-Frédéric Saumont


dimanche 29 octobre 2023

Xavier Le Roy - Le Sacre du printemps, Trio et Solo (Théâtre des Abbesses - 15 Octobre 2023)

L'idée de départ est génialement simple : un chef d'orchestre communique par les mouvements de son corps avec son orchestre pour lui donner des indications de jeu mais aussi des sentiments, des ressentis, des sensations ; donc c'est de la danse. Pour mettre cet aspect en avant, prendre la partition archétypale et si souvent chorégraphiée du Sacre du printemps de Stravinski est un excellent choix, qui offre tant de rythmes et tant de détails que l'interprète peut aller chercher d'un geste de la main, imiter d'un glissement de bras ou d'une torsion de tout le corps.

Xavier Le Roy - Le Sacre du printemps, Trio

J'ai commencé par la version en trio, où les interprètes passent à tour de rôle, démarrant puis arrêtant la bande d'un geste bien marqué, avant de laisser la place au suivant. Il y a des recouvrements, certains passages sont joués deux fois, par deux personnes différentes. Si bien que cela ressemble à un concours d'orchestre, et comme là, chacun à son style, plus ou moins fluide ou heurté, doux ou dynamique, agressif ou retenu (ma préférée, c'est Scarlet Yu). Cela ensuite se complique, avec plusieurs chefs sur scène en même temps, et une bataille pour la place centrale à la fin. Bref, une grande idée au départ, et une excellente déclinaison le long de la presque heure, c'est parfait.

Xavier Le Roy - Le Sacre du printemps, Solo

Pour la version en solo, lui aussi commence dos aux spectateurs, comme si l'orchestre imaginé était sur la scène (vide), pour se retourner au bout de quelques minutes, nous plaçant nous spectateurs à la place des musiciens. Le début est un peu désordonné, comme si le chef était en retard sur la musique. Je pensais à un fait exprès, peut-être une réflexion sur l'age, mais Xavier Le Roy s'excusera pendant les applaudissements : il a cru voir dans le public une personne essayant de sortir de la salle et n'y parvenant pas, et cela l'a durablement désarçonné. Mais il se reprend vite, et lui bien sur joue toute la partition, sans manques et sans reprises. On se rend compte alors qu'il y a myriades de détails qu'aucun du trio ne reprenait, qu'ils remplaçaient par des répétitions. C'est plus impressionnant, mais les différences entre les membres du trio ajoutaient une intéressante profondeur.


vendredi 20 octobre 2023

Gérard Grisey - Les Espaces acoustiques (Philharmonie de Paris - 13 Octobre 2023)

On commence par Odile Auboin en solo, puis c'est L'EIC dirigé par Pierre Bleuse, et enfin arrivent les élèves du CNSMDP : ça devient un classique. Que dire de neuf ? Qu'en fin de semaine, la tendance de cette musique à me faire très agréablement somnoler est accentuée. Que le coté organique est très présent, entre les rythmes en battement de cœur et les grandes respirations orchestrales qui nous plongent parfois en apnée. Que parfois, on plonge carrément dans le bruit, aussi. Que Bleuse aime la mise en scène, ici dans le prologue où Aubion est isolée dans les hauteurs. Que cette oeuvre laboratoire prend parfois un peu trop son temps, dans des gestes qui maintenant qu'ils ne surprennent plus pourraient être resserrés - une oeuvre de son temps, quoi, qui marque brillamment une époque mais ne la transcende pas.

les espaces acoustiques

Ailleurs : Vincent Guillemin, Pierre Rigaudière ...


jeudi 19 octobre 2023

Birds on a Wire - Le Chant des oiseaux (Philharmonie de Paris - 30 Septembre 223)

Dès l'introduction du concert, les deux dames de Birds on a Wire interpellent le public et le somment de réagir comme si on était dans une petite salle, ce qui n'est pas le cas de la Philharmonie, et privilégient l'intimité, même quand le dispositif scénique se veut plus imposant.

Il faut dire qu'au départ, ce duo excelle dans la petite forme. Rosemary Standley nous fait voyager de sa voix colorée et multiple, d'une langue à l'autre, d'un continent à l'autre ; Dom La Nena l'accompagne au violoncelle, avec une technique de boucles à la pédale si confondante de naturel qu'on ne s'étonne jamais d'entendre à la fois de l'archet, des pizzicati, et des frappes rythmiques, alors qu'elle n'a, ça alors, que deux mains.

birds on a wire - le chant des oiseaux

Mais pour ce concert anniversaire de leur 10 ans ensemble, elles ont vu un peu plus grand, et ont invité la Maîtrise de Radio-France a participé à plusieurs titres. Ces arrangements sont un peu trop simples à mon goût, et les effets de mise en scène restent également assez rudimentaires (mais bon, ce n'est que la Maîtrise, et non le Chœur, on ne peut pas en demander autant ...).

Heureusement, la magie opère, entre bossa brésilienne, cantilène baroque, ritournelle enfantine, folk irlandais, l'atmosphère recueillie apportée par les choristes se teinte de plus en plus de légèreté et d'allégresse, le dialogue s'installe comme il peut avec un public pourtant souvent trop distant, et le plaisir s'installe durablement. Très agréable soirée.

birds on a wire - le chant des oiseaux

Spotify : tout autant que leur oeuvre commune, j'aime aussi leurs productions séparées.

Birds on a Wire - Ramages, Rosemary Stanley, Ensemble Contraste - Schubert in Love, Dom La Nena - Leon

dimanche 8 octobre 2023

EIC - James Dillon, In Between Mnemosyne (Cité de la Musique - 14 Septembre 2023)

Pour son concert de rentrée et l'inauguration de son mandat, le nouveau chef Pierre Bleuse a choisi un programme mono-oeuvre, en la pièce "Polyptych: Mnemosyne... Acts of Memory and Mourning" de James Dillon, de plus d'une heure, pour une trentaine de musiciens, et choisit de la mettre en scène, en installant l'EIC au milieu de la salle de concert, et la plupart des musiciens (exception pour les pianos et les percussions) sur un support tournant, qui fera un tour complet au long de l'exécution (ce qui une fois le principe compris permet de savoir rapidement où on en est sans regarder sa montre).

Mais l'essentiel est bien sur dans cette musique, composée de cinq actes, chacun divisés en deux ou trois parties. Mais il n'y a pas vraiment de ruptures de ton. Tout du long une musique qui refuse le spectaculaire ou l'éclat, au profit d'une profonde intériorité aux lumières changeantes, un long voyage recueilli et captivant, une musique de chambre à l'intimité élargie.

C'est à la fois personnel (le décès de sa mère juste avant l'invasion de l'Ukraine) et accessible (comme la musique de Dillon en général, alors qu'il est proche de la New Complexity, on est très loin de Brian Ferneyhough !).

Commencer cette année de retour en salle de concert par une oeuvre qu'il me tarde de pouvoir réécouter et approfondir au disque, c'est de bonne augure ...

 eic - in between mnemosyne

Ailleurs : Alain Cochard, Jérémie Bigorie, Patrick Jézéquel ...

mardi 26 septembre 2023

Paceo, Karapetian x Carrington (Cité de la Musique - 8 Septembre 2023)

Je n'ai pas assisté à la première partie, aux horaires incompatibles avec les miens. De plus, pour l'instant, des concerts de deux heures me suffisent amplement, je ne veux pas risquer l'overdose.

Anne Paceo - S.H.A.M.A.N.E.S

anne paceo - s.h.a.m.a.n.e.s

C'est entourée de complices habituels qu'elle avait enregistré l'album S.H.A.M.A.N.E.S, et on les retrouve aussi ce soir, à l'exception de Marion Rampal, remplacée par Cynthia Abraham. Si Tony Paeleman n'est pas dans un bon soir, le guitariste Pierre Perchaud nous gratifie de quelques excellents solos, mais c'est Christophe Panzani au saxophone qui assure brillamment l'essentiel de la matière instrumentale. 

Tout l'album y passe, bien sur, dans le désordre, ce qui me permet de bien repérer mes morceaux préférés, quand l'intro me donne des frissons : "Wide Awake", "Piel", et surtout "Wishes", où tout le monde passe aux percus, pour seconder la frappe tellurique de Paceo. La fin de concert, sur "Dive into the unknown", est absolument charmante, avec le public qui participe d'un "ohmmm" plutôt constant et réussi, et où on se délecte des voix enchevêtrées d'Isabel Sörling, Cynthia Abraham, et Anne Paceo.

Donc, merci madame Paceo, pour ce concert (elle s'étonne des rires du public quand elle commence ses discours pour un "merci" : c'est que c'est nous qui devrions le leur dire, et non l'inverse !).

anne paceo - s.h.a.m.a.n.e.s

Yessaï & Marc Karapetian x Terri Lyne Carrington

Yessaï & Marc Karapetian x Terri Lyne Carrington

Je ne connais aucun de ces protagonistes, et c'est une belle découverte. Yessaï Karapetian aux claviers, Marc Karapetian à la basse électrique, et Terri Lyne Carrington à la batterie, improvisent ensemble une musique entre Jazz et post-Rock façon Godspeed, une matière dense et épaisse mais vibrante d'énergie et pulsante de lumières sombres. Des morceaux longs, des idées simples, beaucoup d'écoute, pour un résultat organique, qui saisit et nous transporte. C'est puissant.


Yessaï & Marc Karapetian x Terri Lyne Carrington

lundi 25 septembre 2023

Laurent Bardainne & Tigre d'eau douce (Grande Halle de la Villette - 31 Août 2023)

Laurent Bardainne & Tigre d'eau douce

"Hymne au soleil" est un album solaire, moelleux, et confortable, et ce concert poursuit dans la même veine, le bonheur d'une fusion réussie entre lounge, funk, jazz ...

Ce sont presque les mêmes musiciens sur scène qu'en studio : à la batterie, Philippe Gleizes, beaucoup plus économe que dans Band of Dogs par exemple, surtout qu'il est accompagné de Fabe Beaurel Bambi aux percussions ; à la basse, Sylvain Daniel, et à l'orgue Arnaud Roulin (qui était déjà, comme Philippe Gleizes, aux cotés de Laurent Bardainne il y a 15 ans ...).

Mais le maître essentiel de cette formation, c'est Laurent Bardainne, qui lance les mélodies, puis s'envole dans des explorations douces ou énergiques mais toujours captivantes. Il en est tout essoufflé quand il essaie de parler au public !

Enfin, pour compléter, il y a deux choristes, Laetitia Ndiaye et Sarah Charles, mais de la salle on ne les entend quasiment pas ! (sur la vidéo du concert,il n'y a pas ce souci). Cela ne sera réparé qu'au début de "Oiseau", on a du coup pu bénéficier de leurs "Oh Yeah", ouf !

Laurent Bardainne & Tigre d'eau douce + Jeanne Added

Musique très agréable, mais qui peut lasser au bout d'un moment. Bardainne rompt opportunément la monotonie par des invités, et en premier, Jeanne Added ! Mais si elle souffre moins que les choristes (mais quand même un peu) du problème de balance, c'est sans doute le choix de la reprise, "I Love You" de Billie Eilish, qui ne m'emballe pas (je préfère fortement les "I Love You" de Added elle-même dans "Lydia" ...). Autrement plus intéressante est un peu plus tard la reprise (à la demande de Added, précise Bardainne) d'une chanson de Poni Hoax, "Everything Is Real", pour laquelle l'orchestre change profondément de son (facile quand on a des talents de cet acabit sur scène !).

Et cet impeccable voyage se termine par "Oiseau", avec Bertrand Belin, et Jeanne Added en choriste de luxe, et c'est parfait.

Laurent Bardainne & Tigre d'eau douce + Jeanne Added, Bertrand Belin


Ailleurs : le concert en vidéo

Ce n'était que la première partie du concert du soir, mais je n'ai assisté qu'au début de la deuxième partie, où Mulatu Astatké, entouré d'un excellent petit big band, joue une musique que je ne connais pas du tout, et la ponctue de solos qui me semblent interminables. Je préfère finalement m'arrêter là.

vendredi 19 mai 2023

Alexandra Grimal, Joëlle Léandre (Le Triton - 13 Mai 2023)

Voici deux musiciennes que j'ai souvent vu improviser, mais jamais ensemble, et qui ont des approches assez différentes de cet exercice.

Pour Joëlle Léandre, c'est une pratique très habituelle - et parfois, c'est un peu la routine. Elle possède dans son répertoire mental un ensemble d'idées de départ qui peuvent toujours servir à allumer le feu, s'il veut bien prendre. Drone, déclarations bougonnes, jeu percussif, archer tenu à l'envers, c'est solide, mais pas toujours inédit.

Pour Alexandra Grimal, le danger n'est pas la redite, mais plutôt le silence. Quand elle n'a rien à dire, elle a tendance à se taire, et attend l'occasion ou l'inspiration. De fait, elle bouscule peu Léandre, qui déroule ses paysages habituels, et elle s'y place comme elle peut, complémentant un drone, proposant une cascade mélodique, variant entre ses deux saxophones.

Finalement, le moment le plus intéressant sera vers la fin, quand Grimal passe à la voix, ponctuant une cantilène au soprano par des interjections "I ... accept ... silence". 

Et puis, comme Léandre qui avait passé tout l'après-midi à l'IRCAM est fatiguée, et qu'il fait de plus en plus chaud sur la scène, et qu'elles ont rempli le quota d'une heure, c'est la fin.


alexandra grimal, joëlle léandre

mardi 9 mai 2023

Louis Sclavis Quartet - Les cadences du monde (Le Triton - 6 Mai 2023)

J'étais passé, je crois bien, totalement à coté de cet album "Les cadences du monde", inspiré du recueil de photos "L’Usure du monde“ de Frédéric Lecloux, lui-même reprenant le périple relaté dans "L'usage du monde" par Nicolas Bouvier.

La formation est gentiment aventureuse, avec d'un coté Louis Sclavis alternant entre clarinette et saxophone, de l'autre le percussionniste Keyvan Chemirani, essentiellement au zarb et parfois au bendir, et au milieu, deux contrebassistes, Anna Luis et Bruno Ducret, qui eux aussi alternent, entre pizzicati rythmiques de Jazz et jeu à l'archet plus mélodique.

Cela fait finalement pas mal de possibilités, et elles sont toutes explorées lors des improvisations en duos ou en trios (les solos proprement dits sont rares), qui émaillent les compositions par ailleurs très écrites (avec suivi sur partition).

Bien sur, on voyage, vu le concept de départ, et on louvoie entre le monde du Jazz, de la World, du classique (auquel se rattache plutôt Anna Luis). Je ne suis pas emporté par un torrent d'émotions, mais c'est un concert fortement agréable.


les cadences du monde

lundi 17 avril 2023

Schoenberg Berg Boulez (Cité de la Musique - 16 Avril 2023)

Arnold Schoenberg - Musique d'accompagnement pour une scène de film

Gentille pièce apéritive, qui utilise du dodécaphonisme pour évoquer des ambiances de "danger menaçant, angoisse, catastrophe". Trop facile. 

Alban Berg / Emilio Pomàrico - Altenberg-Lieder

Ces 5 courtes pièces écrites à partir de cartes postales envoyées par Peter Altenberg sont ici transcrites pour petit ensemble (genre, l'EIC, donc), par Emilio Pomàrico. Je ne les connais pas suffisamment pour commenter la transcription - mais le petit moteur rythmique de la première page est très bien rendu.

Pierre Boulez - Improvisations sur Mallarmé I et II

L'Ensemble Intercontemporain, dirigé par Matthias Pintscher, avec Yeree Suh en cantatrice. Impeccable, dans le genre rien à dire. Sur-titrages très efficaces.

EIC, Matthias Pintscher, Yeree Suh


Pierre Boulez - Dérive 2

Chaque écoute de cette longue pièce de 45 minutes est pour moi différente : d'un ennui assez profond à la redécouverte enthousiaste. Ce soir, c'est entre les deux. La rivière toute vibrante me semble quand même assez uniforme, mais sans être monotone, et dans les soli de la deuxième partie, je n'entends vraiment que celui de violoncelle. Agréable, mais quand même un peu longuet.

Ailleurs : Bruno Serrou, Patrick Jézéquel, Jérémie Bigorie

dimanche 12 mars 2023

Rising Stars - Vanessa Porter, Daniel Mudrack - Folie à deux (Amphithéâtre de la Cité - 8 Mars 2023)

Voilà un programme fort original, concocté par la percussionniste Vanessa Porter, musicienne mais aussi performeuse, accompagné par Daniel Mudrack aux claviers (et à la batterie) ; elle choisit des pièces contemporaines, mais en les replaçant dans un contexte lui permettant de raconter une histoire de "folie à deux", ce phénomène psychologique où une personne souffrant de troubles mentaux entraîne une personne proche dans son délire. Ce programme a fait l'objet d'un album, mais qui ne propose pas exactement les mêmes pièces, ni le même ordre.

Vanessa Porter - Folie

Petite pièce ambiente, tranquille, douce. Où on relève quelques caractéristiques qui seront de rigueur pour tout le reste : Vanessa Porter joue tout sans partition, et sur des sets de percussions assez minimalistes. L'accompagnement par les sons de Daniel Mudrack fait partie ici de la pièce, et était déjà amorcé par une sorte de drone ambiant pour l'entrée des spectateurs dans la salle. Par la suite, il établira des ponts d'une pièce à l'autre, proches parfois de la musique concrète.

Emil Kuyumcuyan - Shapes

Pour vibraphones, à quatre maillets, des boucles aux rythmes troublés, comme une routine perturbée, avec des moments d'absences. L'interprétation de Vanessa Porter est très intense, concentrée et investie.

Vinko Globokar - ?Corporel

La pièce n'est pas dans l'album, et pour cause, c'est une performance physique, visuelle, théâtrale, autant que sonore - à la limite de la Tanztheater. Allongée sur le sol et se relevant peu à peu, elle se frappe les jambes, le torse, se griffe les bras comme pour s'expurger d'une présence parasitaire, se tapote le crane et balbutie des mots, comme une longue crise. Impressionnant.

David Lang - The Anvil Chorus

Le set est ici bricolé avec des objets divers, regroupés en "sons longs" et "sons brefs", certains frappés à la main et d'autres aux pieds. C'est du minimal réussi, captant l'attention sans fléchir, avec des process proliférants et entrant parfois en conflits.

Georges Asperghis - The Messenger, Corps à corps

Il y a du texte : dans" The messenger", cela parle "de manière récurrente de silence, et de notre regard qui se détourne de la crise des migrants" ; dans "Corps à corps", des syllabes au départ inventées forment peu à peu un discours discernable (en français : "avant 10 heure, ils étaient déjà tous autour du cadavre"). Je suis surtout fasciné par son jeu au zarb, qui parle tout autant qu'elle, et par la puissance charismatique de son jeu physique, comme voulant intensément raconter une histoire, mais bloquée, empêchée, et utilisant son instrument pour que ça sorte enfin.

Entre les deux, Daniel Mudrack se met à la batterie, et y reprend des éléments de langage rythmique développés par Asperghis pour ces deux pièces.

Alexander Sandi Kuhn - A Deux

Après toutes ces émotions, une petite pièce au vibraphone, plus lente et plus mélodique, pour revenir à un état plus zen.

folie à deux

mardi 7 mars 2023

Pierre-Laurent Aimard- Etudes pour piano de Ligeti (Cité de la Musique - 5 Mars 2023)

Pierre-Laurent Aimard jouant les études de Ligeti, ça me ramène à un concert au Conservatoire d'Art Dramatique (en 1994, donc ?), qui figure en haute place dans mon panthéon personnel des concerts "j'y étais".

Ce soir, pas de nouvelle étude en création : tout a été dit. Mais comme alors, Aimard désobéit à l'ordre des numéros, et propose son propre parcours : 

- troisième livre : études 15, 18, 16, 17

- premier livre : études 2, 1, 3, 4, 5, 6

- deuxième livre : études 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14

Ca tombe bien, le troisième livre me semble le plus faible, et c'est le deuxième qui me plait le plus. C'est aussi la première fois que je ressens comme de la redite : combien de fois avons-nous droit à une montée le long du clavier, dans des rythmes impossibles, qui vient se fracasser dans les notes les plus aiguës, avant de repartir de tout en bas ? Mais le principal reste le bonheur de retrouver les déplorations sinueuses de "Automne à Varsovie", les acrobaties de "L'escalier du diable", ou les déchirements glacés de "Cordes à vide", etc.

Aimard joue tout d'un bloc, avec à peine une pause bouteille d'eau entre chaque livre, et dans le silence recueilli et concentré d'une salle pleine. Explosion méritée d'applaudissements à la fin. Pas de bis.

aimard joue ligeti

Ailleurs : Bruno Serrou


Roberto Negro, Emile Parisien - Les Métanuits (Studio de la Philharmonie de Paris - 4 Mars 2023)

 Les Métanuits, c'est la transcription pour duo piano et saxophone des "Métamorphoses nocturnes", le premier quatuor à cordes de Ligeti. La création de ce programme a eu lieu au Triton, et les deux compères terminent une petite tournée, avant la sortie de l'album chez Act Music dans quelques semaines.

En plus du changement d'instruments, il y a aussi glissement dans le monde du Jazz, avec improvisations obligatoires. Et ça se sent dès les premières phrases, où en à peine quelques inflexions, on passe du texte original à l'univers musical personnel de Parisien. A partir de là, ça s’enchaîne, les moments de mystère et les passages furieux, avec les envolées vertigineuses du saxophone, les martellements circulaires du piano, des déferlements impressionnants de clusters et des apaisements au bord du silence.

La durée a plus que doublé, mais on en aurait bien repris un peu. Negro, qui se charge des discours, propose de s'attaquer en bis au deuxième quatuor de Ligeti, mais ne le fait pas, c'est bien dommage.

Bref, c'était très bien, et le disque va être passionnant pour étudier les décalages effectués.

On peut se préparer avec cette vidéo Emile Parisien & Roberto Negro - Les Métanuits.


samedi 11 février 2023

Chin, Höller , Grisey (Auditorium de Radio France - 8 Février 2023)

Première fois depuis fort longtemps que je retourne au festival Présences à la Maison de la Radio (2007, me dit ce blogue ...), et première fois tout court que je visite cet auditorium (inauguré en 2014 ...), tout rond, tout en bois, très accueillant, chaleureux, réconfortant (mais avec des coursives d'accès aux loges curieusement étroites).

Unsuk Chin - Six Etudes pour piano

On sent fortement l'empreinte des études de Ligeti, et comme en écho, on entend un peu de Nancarrow et juste des traces de Debussy. Mais sans l'extravagance, le cynisme, ou le romantisme désespéré du maître hongrois. Plutôt une jovialité enthousiasmée où règne le plaisir du jeu, sans ambition démesurée.

Bertrand Chamayou est parfait, rend simple la virtuosité, et nous charme.

York Höller - Sonate pour piano n° 4 (création)

Une sonate d'une dizaine de minutes, d'une écoute agréable mais sans rien de mémorable : ça s'écoute et puis ça s'oublie.

Gérard Grisey - Vortex Temporum

J'avais oublié que l'effectif pour cette pièce était si serré : autour du piano soliste, on a un trio à cordes (violon, alto, violoncelle) et une paire de vents (flûte, clarinette). Ce soir, ce sont des élèves du CNSMDP, réunis dans l'ensemble Next, qui s'y collent. Le niveau individuel est tout à fait correct, mais la fusion dans un son unique manque encore (c'est très sensible pour le trio à cordes - mais comme pour un quatuor, il faut sans doute des années de pratique, qu'ils n'ont pas eu le temps d'avoir, pour arriver à une vraie cohésion).

Le solo de Bertrand Chamayou, bondissant d'un bord à l'autre du clavier, et sautant énergiquement sur son siège, suffit cela dit à mon bonheur.

ensemble next - vortex temporum

Ailleurs : Jérémie Bigorie

 

mardi 31 janvier 2023

Christophe Marguet Quartet - Echoes of Time (Le Triton - 28 Janvier 2023)

Le quartet est tout nouveau, offrant ce soir son deuxième concert, après celui clôturant la résidence qui lui a donné naissance. Mais si les titres des morceaux sont encore provisoires, la mise en place est déjà impeccable, et l'étendue du répertoire étonnante. Un seul set, mais de presque deux heures !

Le projet, c'est une batterie et des cordes : violon, guitare, contrebasse. C'est aussi la réunion de musiciens qui se connaissent déjà bien, s'étant certainement croisés maintes fois au cours de leurs longues carrières : au violon, Régis Huby, flamboyant, aidé d'une palanquée de pédales d'effets, pour donner de l'ampleur spatialisée impressionnante ; à la guitare, Manu Codjia, louvoyant entre eau et feu ; à la contrebasse, Hélène Labarrière, souple quand il faut, et dansante souvent ; et enfin, à la batterie, Christophe Marguet, au jeu dense et intense, au point que ses solos sont en fait à peine un cran plus pêchus que son jeu de fond.

Il y a des morceaux très atmosphériques et endormis, et au contraire des presque chaotiques et furieux, mais ceux que je préfère sont la poignée de chansons dans une énergie élevée mais pas extrême, avec un drive très entraînant. Un fort bon concert, en somme.

christophe marguet quartet - echoes of time

dimanche 29 janvier 2023

EIC - Varèse, Rihm (Philharmonie de Paris - 22 janvier 2023)

 Edgard Varèse - Déserts (avec vidéo de Bill Viola)

Sur l’œuvre elle-même, je n'ai rien à ajouter à la description que j'en faisais lors ma découverte de la vidéo de Viola. Sauf que depuis, les interpolations ont été numérisées et nettoyées de leur patine vintage. Et c'est ce qui me surprend le plus ce soir : l'intégration de ces passages purement bruitistes au milieu des passages instrumentaux est parfaite, sans solution de continuité. Et cette pièce en devient presque trop propre. En tous cas, je suis moins happé que d'habitude par les grincements, les convulsions, les déflagrations immobiles : je la contemple de loin, comme un bel objet, admiratif.

déserts


Wolfgang Rihm - Jagden und Formen

Depuis mes écoutes précédentes, en concert comme en CD, l’œuvre a évolué. Pas fondamentalement : cela reste une course poursuite, avec des parties très agitées et d'autres plus calmes, et un constant réaménagement des effectifs instrumentaux. Comme les solistes de l'EIC sont déployés en arc de cercle autour du chef Matthias Pintscher, il est passionnant de suivre la façon dont la musique contamine les musiciens, commençant par les violons à gauche, gagnant peu à peu vers le centre, puis bondissant d'un coup tout à droite, etc. Cela dure une heure, mais pas un instant je ne m'ennuie. Les mélodies et les rythmes s’enchaînent, titillent l'oreille d'une soudaine reprise partielle d'un thème déjà entendu, avant de repartir vers d'autres couleurs. Splendide.

Ailleurs : Michèle Tosi,

 

samedi 21 janvier 2023

Cinéma 2022

 Bon, les choses commencent à reprendre une allure plus habituelle - même si on n'est toujours pas dans des temps post-COVID : je continue de porter le masque dans les salles de cinéma. Mais au moins ma carte illimitée redevient rentable.

Jujutsu Kaizen 0 ; The Batman ; Contes du hasard et autres fantaisies + ; En corps ; Doctor Strange in the Multiverse of Madness + ; Frère et sœur ; Hit the road + ; Les Crimes du futur - ; Compétition officielle ; Decision to Leave + ; Thor: Love and Thunder - ; La Nuit du 12 ; As Bestas ; Leila et ses frères ; Revoir Paris + ; La Conspiration du Caire ; Black Panther: Wakanda Forever ; Armageddon Time ; Les miens