Rising Stars - Vanessa Porter, Daniel Mudrack - Folie à deux (Amphithéâtre de la Cité - 8 Mars 2023)
Voilà un programme fort original, concocté par la percussionniste Vanessa Porter, musicienne mais aussi performeuse, accompagné par Daniel Mudrack aux claviers (et à la batterie) ; elle choisit des pièces contemporaines, mais en les replaçant dans un contexte lui permettant de raconter une histoire de "folie à deux", ce phénomène psychologique où une personne souffrant de troubles mentaux entraîne une personne proche dans son délire. Ce programme a fait l'objet d'un album, mais qui ne propose pas exactement les mêmes pièces, ni le même ordre.
Vanessa Porter - Folie
Petite pièce ambiente, tranquille, douce. Où on relève quelques caractéristiques qui seront de rigueur pour tout le reste : Vanessa Porter joue tout sans partition, et sur des sets de percussions assez minimalistes. L'accompagnement par les sons de Daniel Mudrack fait partie ici de la pièce, et était déjà amorcé par une sorte de drone ambiant pour l'entrée des spectateurs dans la salle. Par la suite, il établira des ponts d'une pièce à l'autre, proches parfois de la musique concrète.
Emil Kuyumcuyan - Shapes
Pour vibraphones, à quatre maillets, des boucles aux rythmes troublés, comme une routine perturbée, avec des moments d'absences. L'interprétation de Vanessa Porter est très intense, concentrée et investie.
Vinko Globokar - ?Corporel
La pièce n'est pas dans l'album, et pour cause, c'est une performance physique, visuelle, théâtrale, autant que sonore - à la limite de la Tanztheater. Allongée sur le sol et se relevant peu à peu, elle se frappe les jambes, le torse, se griffe les bras comme pour s'expurger d'une présence parasitaire, se tapote le crane et balbutie des mots, comme une longue crise. Impressionnant.
David Lang - The Anvil Chorus
Le set est ici bricolé avec des objets divers, regroupés en "sons longs" et "sons brefs", certains frappés à la main et d'autres aux pieds. C'est du minimal réussi, captant l'attention sans fléchir, avec des process proliférants et entrant parfois en conflits.
Georges Asperghis - The Messenger, Corps à corps
Il y a du texte : dans" The messenger", cela parle "de manière récurrente de silence, et de notre regard qui se détourne de la crise des migrants" ; dans "Corps à corps", des syllabes au départ inventées forment peu à peu un discours discernable (en français : "avant 10 heure, ils étaient déjà tous autour du cadavre"). Je suis surtout fasciné par son jeu au zarb, qui parle tout autant qu'elle, et par la puissance charismatique de son jeu physique, comme voulant intensément raconter une histoire, mais bloquée, empêchée, et utilisant son instrument pour que ça sorte enfin.
Entre les deux, Daniel Mudrack se met à la batterie, et y reprend des éléments de langage rythmique développés par Asperghis pour ces deux pièces.
Alexander Sandi Kuhn - A Deux
Après toutes ces émotions, une petite pièce au vibraphone, plus lente et plus mélodique, pour revenir à un état plus zen.
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