Cycle Pierre Boulez 1 (Salle Pleyel - 28 Novembre 2007)
Anton Webern - Passacaille
Cette année, mes places attribuées dans la salle Pleyel sont assez diverses. Me voici cette fois au deuxième balcon, presque tout au bout d'une des galeries, surplombant du coup l'orchestre, avec vue de profil du chef. Cela me permet d'admirer plus que d'habitude la gestuelle souple et précise de Pierre Boulez, une chorégraphie juste en avance sur la musique, magnifique de concision et d'intensité. Concision et intensité, cela pourrait être une définition de la musique de Webern, si on n'était pas à l'Opus 1, une de ses pièces les plus longues (10 minutes ; l'opus 5 pour quatuor à cordes le dépasse de peu il me semble). Ce n'est pas la "Nuit Transfigurée" de Schoenberg, mais on sent les restes d'un romantisme expressionniste exacerbé, de la torpeur initiale aux déchainements tempétueux. De ma position, c'est un régal d'écoute, chaque instrument isolable et localisable. La coda est d'une beauté rare, émouvante au point de me faire songer au concerto "à la mémoire d'un ange".Olivier Messiaen - Chronochromie
Cette partition allie le meilleur de Messiaen (les couleurs orchestrales d'une richesse fabuleuse, les chants d'oiseaux, la gestion des tempi) et le pire (la très grande difficulté à déceler un plan d'ensemble, la sensation d'un collage bout à bout de séquences merveilleuses en elles-même mais qui ne se suivent que dans un ordre assez indifférent). Comme le livret n'indique pas les noms des musiciens supplémentaires, je ne sais pas si les spectaculaires percussionnistes (claviers et tubes) font ou non partie de l'Orchestre de Paris. La section des cordes excelle dans l'épode, magma labyrinthique complexe et fascinant.Pierre Boulez - Le Soleil des eaux
Première audition (il ne doit pas en exister encore beaucoup, d'oeuvres de Boulez que je n'ai pas encore entendues) ! Deux parties. Pour "la complainte du lézard amoureux", il opte pour une quasi dissociation entre voix et orchestre : soit Elizabeth Atherton lance ses petites ritournelles pleines de permutations assez simples (c'est du Boulez jeune) sur un texte versifié rimé et particulièrement simple d'accès de René Char, soit l'orchestre articule de rapides intermèdes, qui débordent à peine sur la voix. Pour "la Sorgue", la situation est bien plus complexe, avec un choeur qui bourdonne ou qui s'exclame, une soliste qui se tait presque tout le temps, un orchestre raffiné et changeant, cela ne dure que quelques minutes, mais c'est une matière musicale fort dense.Igor Stravinski - Les Soucoupes
En guise d'apéritif avant les Noces, la partie féminine du choeur Accentus nous offre ces quatre chants paysans russes, du folklore revu par les rythmiques stravinskiennes, et l'occasion d'admirer les voix des choristes solistes.Igor Stravinski - Les Noces
Le livret indique l'existence d'une version "pour piano mécanique, harmonium, percussions et deux cymbalums" que j'aimerais entendre un jour ! En attendant, c'est la version pour quatre pianos (et le livret tait les noms des pianistes !), une kyrielle de percussionnistes, un choeur, et quatre solistes. Le problème était déjà présent pour "la Sorgue" mais éclate ici : impossible de cette place particulière d'entendre les solistes, trop en avant de la scène, et dont la voix ne me revient que par écho, par rapport aux autres instruments ; je me concentre du coup sur les constantes mutations des effets obtenus entre les pianistes et les percus, où la douceur d'une mélodie affleure parfois pour être aussitôt écrasée par une danse sauvage et piétinée par le choeur massif. C'est une musique que je connais plus accompagnée par la danse de Preljocaj, si bien que même en son absence, je vois les corps agités de rebonds et manipulés comme des marionnettes : comme quoi le chorégraphe a réussi une traduction particulièrement pertinente de cette musique. Mais c'est aussi une grande joie de l'écouter seule, et la grosse demi-heure passe en un éclair.Ailleurs : guillaume, Palpatine.