dimanche 29 octobre 2023

Xavier Le Roy - Le Sacre du printemps, Trio et Solo (Théâtre des Abbesses - 15 Octobre 2023)

L'idée de départ est génialement simple : un chef d'orchestre communique par les mouvements de son corps avec son orchestre pour lui donner des indications de jeu mais aussi des sentiments, des ressentis, des sensations ; donc c'est de la danse. Pour mettre cet aspect en avant, prendre la partition archétypale et si souvent chorégraphiée du Sacre du printemps de Stravinski est un excellent choix, qui offre tant de rythmes et tant de détails que l'interprète peut aller chercher d'un geste de la main, imiter d'un glissement de bras ou d'une torsion de tout le corps.

Xavier Le Roy - Le Sacre du printemps, Trio

J'ai commencé par la version en trio, où les interprètes passent à tour de rôle, démarrant puis arrêtant la bande d'un geste bien marqué, avant de laisser la place au suivant. Il y a des recouvrements, certains passages sont joués deux fois, par deux personnes différentes. Si bien que cela ressemble à un concours d'orchestre, et comme là, chacun à son style, plus ou moins fluide ou heurté, doux ou dynamique, agressif ou retenu (ma préférée, c'est Scarlet Yu). Cela ensuite se complique, avec plusieurs chefs sur scène en même temps, et une bataille pour la place centrale à la fin. Bref, une grande idée au départ, et une excellente déclinaison le long de la presque heure, c'est parfait.

Xavier Le Roy - Le Sacre du printemps, Solo

Pour la version en solo, lui aussi commence dos aux spectateurs, comme si l'orchestre imaginé était sur la scène (vide), pour se retourner au bout de quelques minutes, nous plaçant nous spectateurs à la place des musiciens. Le début est un peu désordonné, comme si le chef était en retard sur la musique. Je pensais à un fait exprès, peut-être une réflexion sur l'age, mais Xavier Le Roy s'excusera pendant les applaudissements : il a cru voir dans le public une personne essayant de sortir de la salle et n'y parvenant pas, et cela l'a durablement désarçonné. Mais il se reprend vite, et lui bien sur joue toute la partition, sans manques et sans reprises. On se rend compte alors qu'il y a myriades de détails qu'aucun du trio ne reprenait, qu'ils remplaçaient par des répétitions. C'est plus impressionnant, mais les différences entre les membres du trio ajoutaient une intéressante profondeur.


vendredi 20 octobre 2023

Gérard Grisey - Les Espaces acoustiques (Philharmonie de Paris - 13 Octobre 2023)

On commence par Odile Auboin en solo, puis c'est L'EIC dirigé par Pierre Bleuse, et enfin arrivent les élèves du CNSMDP : ça devient un classique. Que dire de neuf ? Qu'en fin de semaine, la tendance de cette musique à me faire très agréablement somnoler est accentuée. Que le coté organique est très présent, entre les rythmes en battement de cœur et les grandes respirations orchestrales qui nous plongent parfois en apnée. Que parfois, on plonge carrément dans le bruit, aussi. Que Bleuse aime la mise en scène, ici dans le prologue où Aubion est isolée dans les hauteurs. Que cette oeuvre laboratoire prend parfois un peu trop son temps, dans des gestes qui maintenant qu'ils ne surprennent plus pourraient être resserrés - une oeuvre de son temps, quoi, qui marque brillamment une époque mais ne la transcende pas.

les espaces acoustiques

Ailleurs : Vincent Guillemin, Pierre Rigaudière ...


jeudi 19 octobre 2023

Birds on a Wire - Le Chant des oiseaux (Philharmonie de Paris - 30 Septembre 223)

Dès l'introduction du concert, les deux dames de Birds on a Wire interpellent le public et le somment de réagir comme si on était dans une petite salle, ce qui n'est pas le cas de la Philharmonie, et privilégient l'intimité, même quand le dispositif scénique se veut plus imposant.

Il faut dire qu'au départ, ce duo excelle dans la petite forme. Rosemary Standley nous fait voyager de sa voix colorée et multiple, d'une langue à l'autre, d'un continent à l'autre ; Dom La Nena l'accompagne au violoncelle, avec une technique de boucles à la pédale si confondante de naturel qu'on ne s'étonne jamais d'entendre à la fois de l'archet, des pizzicati, et des frappes rythmiques, alors qu'elle n'a, ça alors, que deux mains.

birds on a wire - le chant des oiseaux

Mais pour ce concert anniversaire de leur 10 ans ensemble, elles ont vu un peu plus grand, et ont invité la Maîtrise de Radio-France a participé à plusieurs titres. Ces arrangements sont un peu trop simples à mon goût, et les effets de mise en scène restent également assez rudimentaires (mais bon, ce n'est que la Maîtrise, et non le Chœur, on ne peut pas en demander autant ...).

Heureusement, la magie opère, entre bossa brésilienne, cantilène baroque, ritournelle enfantine, folk irlandais, l'atmosphère recueillie apportée par les choristes se teinte de plus en plus de légèreté et d'allégresse, le dialogue s'installe comme il peut avec un public pourtant souvent trop distant, et le plaisir s'installe durablement. Très agréable soirée.

birds on a wire - le chant des oiseaux

Spotify : tout autant que leur oeuvre commune, j'aime aussi leurs productions séparées.

Birds on a Wire - Ramages, Rosemary Stanley, Ensemble Contraste - Schubert in Love, Dom La Nena - Leon

dimanche 8 octobre 2023

EIC - James Dillon, In Between Mnemosyne (Cité de la Musique - 14 Septembre 2023)

Pour son concert de rentrée et l'inauguration de son mandat, le nouveau chef Pierre Bleuse a choisi un programme mono-oeuvre, en la pièce "Polyptych: Mnemosyne... Acts of Memory and Mourning" de James Dillon, de plus d'une heure, pour une trentaine de musiciens, et choisit de la mettre en scène, en installant l'EIC au milieu de la salle de concert, et la plupart des musiciens (exception pour les pianos et les percussions) sur un support tournant, qui fera un tour complet au long de l'exécution (ce qui une fois le principe compris permet de savoir rapidement où on en est sans regarder sa montre).

Mais l'essentiel est bien sur dans cette musique, composée de cinq actes, chacun divisés en deux ou trois parties. Mais il n'y a pas vraiment de ruptures de ton. Tout du long une musique qui refuse le spectaculaire ou l'éclat, au profit d'une profonde intériorité aux lumières changeantes, un long voyage recueilli et captivant, une musique de chambre à l'intimité élargie.

C'est à la fois personnel (le décès de sa mère juste avant l'invasion de l'Ukraine) et accessible (comme la musique de Dillon en général, alors qu'il est proche de la New Complexity, on est très loin de Brian Ferneyhough !).

Commencer cette année de retour en salle de concert par une oeuvre qu'il me tarde de pouvoir réécouter et approfondir au disque, c'est de bonne augure ...

 eic - in between mnemosyne

Ailleurs : Alain Cochard, Jérémie Bigorie, Patrick Jézéquel ...