dimanche 12 mars 2023

Rising Stars - Vanessa Porter, Daniel Mudrack - Folie à deux (Amphithéâtre de la Cité - 8 Mars 2023)

Voilà un programme fort original, concocté par la percussionniste Vanessa Porter, musicienne mais aussi performeuse, accompagné par Daniel Mudrack aux claviers (et à la batterie) ; elle choisit des pièces contemporaines, mais en les replaçant dans un contexte lui permettant de raconter une histoire de "folie à deux", ce phénomène psychologique où une personne souffrant de troubles mentaux entraîne une personne proche dans son délire. Ce programme a fait l'objet d'un album, mais qui ne propose pas exactement les mêmes pièces, ni le même ordre.

Vanessa Porter - Folie

Petite pièce ambiente, tranquille, douce. Où on relève quelques caractéristiques qui seront de rigueur pour tout le reste : Vanessa Porter joue tout sans partition, et sur des sets de percussions assez minimalistes. L'accompagnement par les sons de Daniel Mudrack fait partie ici de la pièce, et était déjà amorcé par une sorte de drone ambiant pour l'entrée des spectateurs dans la salle. Par la suite, il établira des ponts d'une pièce à l'autre, proches parfois de la musique concrète.

Emil Kuyumcuyan - Shapes

Pour vibraphones, à quatre maillets, des boucles aux rythmes troublés, comme une routine perturbée, avec des moments d'absences. L'interprétation de Vanessa Porter est très intense, concentrée et investie.

Vinko Globokar - ?Corporel

La pièce n'est pas dans l'album, et pour cause, c'est une performance physique, visuelle, théâtrale, autant que sonore - à la limite de la Tanztheater. Allongée sur le sol et se relevant peu à peu, elle se frappe les jambes, le torse, se griffe les bras comme pour s'expurger d'une présence parasitaire, se tapote le crane et balbutie des mots, comme une longue crise. Impressionnant.

David Lang - The Anvil Chorus

Le set est ici bricolé avec des objets divers, regroupés en "sons longs" et "sons brefs", certains frappés à la main et d'autres aux pieds. C'est du minimal réussi, captant l'attention sans fléchir, avec des process proliférants et entrant parfois en conflits.

Georges Asperghis - The Messenger, Corps à corps

Il y a du texte : dans" The messenger", cela parle "de manière récurrente de silence, et de notre regard qui se détourne de la crise des migrants" ; dans "Corps à corps", des syllabes au départ inventées forment peu à peu un discours discernable (en français : "avant 10 heure, ils étaient déjà tous autour du cadavre"). Je suis surtout fasciné par son jeu au zarb, qui parle tout autant qu'elle, et par la puissance charismatique de son jeu physique, comme voulant intensément raconter une histoire, mais bloquée, empêchée, et utilisant son instrument pour que ça sorte enfin.

Entre les deux, Daniel Mudrack se met à la batterie, et y reprend des éléments de langage rythmique développés par Asperghis pour ces deux pièces.

Alexander Sandi Kuhn - A Deux

Après toutes ces émotions, une petite pièce au vibraphone, plus lente et plus mélodique, pour revenir à un état plus zen.

mardi 7 mars 2023

Pierre-Laurent Aimard- Etudes pour piano de Ligeti (Cité de la Musique - 5 Mars 2023)

Pierre-Laurent Aimard jouant les études de Ligeti, ça me ramène à un concert au Conservatoire d'Art Dramatique (en 1994, donc ?), qui figure en haute place dans mon panthéon personnel des concerts "j'y étais".

Ce soir, pas de nouvelle étude en création : tout a été dit. Mais comme alors, Aimard désobéit à l'ordre des numéros, et propose son propre parcours : 

- troisième livre : études 15, 18, 16, 17

- premier livre : études 2, 1, 3, 4, 5, 6

- deuxième livre : études 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14

Ca tombe bien, le troisième livre me semble le plus faible, et c'est le deuxième qui me plait le plus. C'est aussi la première fois que je ressens comme de la redite : combien de fois avons-nous droit à une montée le long du clavier, dans des rythmes impossibles, qui vient se fracasser dans les notes les plus aiguës, avant de repartir de tout en bas ? Mais le principal reste le bonheur de retrouver les déplorations sinueuses de "Automne à Varsovie", les acrobaties de "L'escalier du diable", ou les déchirements glacés de "Cordes à vide", etc.

Aimard joue tout d'un bloc, avec à peine une pause bouteille d'eau entre chaque livre, et dans le silence recueilli et concentré d'une salle pleine. Explosion méritée d'applaudissements à la fin. Pas de bis.

Ailleurs : Bruno Serrou


Roberto Negro, Emile Parisien - Les Métanuits (Studio de la Philharmonie de Paris - 4 Mars 2023)

 Les Métanuits, c'est la transcription pour duo piano et saxophone des "Métamorphoses nocturnes", le premier quatuor à cordes de Ligeti. La création de ce programme a eu lieu au Triton, et les deux compères terminent une petite tournée, avant la sortie de l'album chez Act Music dans quelques semaines.

En plus du changement d'instruments, il y a aussi glissement dans le monde du Jazz, avec improvisations obligatoires. Et ça se sent dès les premières phrases, où en à peine quelques inflexions, on passe du texte original à l'univers musical personnel de Parisien. A partir de là, ça s’enchaîne, les moments de mystère et les passages furieux, avec les envolées vertigineuses du saxophone, les martellements circulaires du piano, des déferlements impressionnants de clusters et des apaisements au bord du silence.

La durée a plus que doublé, mais on en aurait bien repris un peu. Negro, qui se charge des discours, propose de s'attaquer en bis au deuxième quatuor de Ligeti, mais ne le fait pas, c'est bien dommage.

Bref, c'était très bien, et le disque va être passionnant pour étudier les décalages effectués.

On peut se préparer avec cette vidéo Emile Parisien & Roberto Negro - Les Métanuits.


samedi 11 février 2023

Chin, Höller , Grisey (Auditorium de Radio France - 8 Février 2023)

Première fois depuis fort longtemps que je retourne au festival Présences à la Maison de la Radio (2007, me dit ce blogue ...), et première fois tout court que je visite cet auditorium (inauguré en 2014 ...), tout rond, tout en bois, très accueillant, chaleureux, réconfortant (mais avec des coursives d'accès aux loges curieusement étroites).

Unsuk Chin - Six Etudes pour piano

On sent fortement l'empreinte des études de Ligeti, et comme en écho, on entend un peu de Nancarrow et juste des traces de Debussy. Mais sans l'extravagance, le cynisme, ou le romantisme désespéré du maître hongrois. Plutôt une jovialité enthousiasmée où règne le plaisir du jeu, sans ambition démesurée.

Bertrand Chamayou est parfait, rend simple la virtuosité, et nous charme.

York Höller - Sonate pour piano n° 4 (création)

Une sonate d'une dizaine de minutes, d'une écoute agréable mais sans rien de mémorable : ça s'écoute et puis ça s'oublie.

Gérard Grisey - Vortex Temporum

J'avais oublié que l'effectif pour cette pièce était si serré : autour du piano soliste, on a un trio à cordes (violon, alto, violoncelle) et une paire de vents (flûte, clarinette). Ce soir, ce sont des élèves du CNSMDP, réunis dans l'ensemble Next, qui s'y collent. Le niveau individuel est tout à fait correct, mais la fusion dans un son unique manque encore (c'est très sensible pour le trio à cordes - mais comme pour un quatuor, il faut sans doute des années de pratique, qu'ils n'ont pas eu le temps d'avoir, pour arriver à une vraie cohésion).

Le solo de Bertrand Chamayou, bondissant d'un bord à l'autre du clavier, et sautant énergiquement sur son siège, suffit cela dit à mon bonheur.

Ailleurs : Jérémie Bigorie

 

mardi 31 janvier 2023

Christophe Marguet Quartet - Echoes of Time (Le Triton - 28 Janvier 2023)

Le quartet est tout nouveau, offrant ce soir son deuxième concert, après celui clôturant la résidence qui lui a donné naissance. Mais si les titres des morceaux sont encore provisoires, la mise en place est déjà impeccable, et l'étendue du répertoire étonnante. Un seul set, mais de presque deux heures !

Le projet, c'est une batterie et des cordes : violon, guitare, contrebasse. C'est aussi la réunion de musiciens qui se connaissent déjà bien, s'étant certainement croisés maintes fois au cours de leurs longues carrières : au violon, Régis Huby, flamboyant, aidé d'une palanquée de pédales d'effets, pour donner de l'ampleur spatialisée impressionnante ; à la guitare, Manu Codjia, louvoyant entre eau et feu ; à la contrebasse, Hélène Labarrière, souple quand il faut, et dansante souvent ; et enfin, à la batterie, Christophe Marguet, au jeu dense et intense, au point que ses solos sont en fait à peine un cran plus pêchus que son jeu de fond.

Il y a des morceaux très atmosphériques et endormis, et au contraire des presque chaotiques et furieux, mais ceux que je préfère sont la poignée de chansons dans une énergie élevée mais pas extrême, avec un drive très entraînant. Un fort bon concert, en somme.



dimanche 29 janvier 2023

EIC - Varèse, Rihm (Philharmonie de Paris - 22 janvier 2023)

 Edgard Varèse - Déserts (avec vidéo de Bill Viola)

Sur l’œuvre elle-même, je n'ai rien à ajouter à la description que j'en faisais lors ma découverte de la vidéo de Viola. Sauf que depuis, les interpolations ont été numérisées et nettoyées de leur patine vintage. Et c'est ce qui me surprend le plus ce soir : l'intégration de ces passages purement bruitistes au milieu des passages instrumentaux est parfaite, sans solution de continuité. Et cette pièce en devient presque trop propre. En tous cas, je suis moins happé que d'habitude par les grincements, les convulsions, les déflagrations immobiles : je la contemple de loin, comme un bel objet, admiratif.

Wolfgang Rihm - Jagden und Formen

Depuis mes écoutes précédentes, en concert comme en CD, l’œuvre a évolué. Pas fondamentalement : cela reste une course poursuite, avec des parties très agitées et d'autres plus calmes, et un constant réaménagement des effectifs instrumentaux. Comme les solistes de l'EIC sont déployés en arc de cercle autour du chef Matthias Pintscher, il est passionnant de suivre la façon dont la musique contamine les musiciens, commençant par les violons à gauche, gagnant peu à peu vers le centre, puis bondissant d'un coup tout à droite, etc. Cela dure une heure, mais pas un instant je ne m'ennuie. Les mélodies et les rythmes s’enchaînent, titillent l'oreille d'une soudaine reprise partielle d'un thème déjà entendu, avant de repartir vers d'autres couleurs. Splendide.

Ailleurs : Michèle Tosi,

 

samedi 21 janvier 2023

Cinéma 2022

 Bon, les choses commencent à reprendre une allure plus habituelle - même si on n'est toujours pas dans des temps post-COVID : je continue de porter le masque dans les salles de cinéma. Mais au moins ma carte illimitée redevient rentable.

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