Grisey Pauset Boulez Manoury (Cité de la Musique - 16 Février 2013)
Gérard Grisey - Modulations
Pour arriver aux 33 musiciens requis, il a fallu gonfler l'EIC de quelques musiciens supplémentaires. Je ne me souvenais que de loin de cette pièce, ce qui me permet de la redécouvrir avec bonheur : le départ pétaradant qui se calme rapidement, les longues dérives harmoniques typiques de la musique spectrale (et ici, certains passages flottent de manière effectivement fantomatique), le silence total au centre (cela, je ne m'en rappelais pas du tout !), et au cours de ce voyage au sein de paysages finalement fort variés, une respiration, profonde, et un apaisement du temps. De la grande musique.Brice Pauset - Vita Nova (sérénades)
Ah, les textes de Brice Pauset, quel bonheur : "Dans ce nouveau morceau (que je dois encore composer au moment où j'écris ces lignes), un dialogue d'emblée voué à l'échec tentera de s'imposer malgré tout entre un violon soliste déployant ostensiblement un vaste répertoire d'artifices rhétoriques, et un ensemble conçu comme un choeur de signes vocaux désincarnés." Comprenne qui peut, même si de fait, je retrouve certains éléments. A la violoniste soliste Hae-Sun Kang sont dévolus des traits virtuoses, mais qui tournent à vide, et c'est voulu. En tête de l'orchestre sont placés une mandoline, une guitare et une harpe, ce qui donne idée de la texture. Le début m'énerve, mais finalement Hae-Sun Kang met une telle précision dans son jeu que ça en devient fascinant, et les cadences sont belles, du coup, je finis par aimer ça, et j'en suis tout surpris !Pierre Boulez - Dérive 1
Si Pierre Boulez avait pu diriger comme prévu, au lieu d'être remplacé par Alejo Pérez, peut-être l'EIC aurait mis plus d'intensité dans cette courte et bien connue partition, où cette fois je goûte plus les mélodies finales, dessinées à travers l'espace par de petites grappilles de notes.Philippe Manoury - Gesänge-Gedanken
A force d'écrire des opéras, Manoury sait écrire pour les voix, et cette nouvelle oeuvre, en création française, ressemble à un chef d'oeuvre. C'est la cantatrice alto Christina Daletska qui est au centre. Elle chante des extraits de divers opus de Nietzsche, et me semble y mettre de plus en plus d'émotions, à moins que ce ne soit moi qui me laisse envoûter par son chant, pas tonitruant, fragile même par moments, mais habité. Autour d'elle, la musique sait ne pas être trop violente, même quand elle se répète en stridulations rythmiques, et se pare de mystères, de touches d'exotismes, de délicatesses camouflées. Le dernier texte est le "Was spricht die tiefe Mitternacht" déjà utilisé par Mahler pour son chant nocturne de la 3ème symphonie ; et à plusieurs reprises je songe au "Pierrot lunaire", par la variété de l'orchestration et surtout par le travail sur la voix, hallucinée ; et ces comparaisons ne l'écrasent pas !Ailleurs : Michèle Tosi, Joël