Alexandra Grimal Trio (Le Triton - 2 Décembre 2023)
Après un tour dans la petite salle, ce soir c'est dans la grande que se produit Alexandra Grimal, à la tête d'un trio, avec Jozef Dumoulin au piano et autres claviers électroniques plus ou moins identifiables, et Yuko Oshima à la batterie, qu'elle utilise essentiellement comme un set de percussion. Jozef Dumoulin installe les climats et les structures musicales, parfois en accords joués au piano, parfois avec des nappes synthétiques, parfois en samplant et rejouant ses camarades, l'éventail des possibilités et des combinaisons est assez large. Alexandra Grimal alterne entre ses deux saxophones, avec toujours ses courtes phrases qui me semblent grimper et descendre des escaliers à toute vitesse, et son goût pour le silence quand il s'invite. Et Yuko Oshima multiplie les jeux, ici des éponges métalliques qui imitent la pluie, ici des bols posés en désordre sur les peaux des fûts, là un genou qui vient étouffer une résonance, là une baguette qui vient frapper la grosse caisse à contre-temps de la pédale.
Le livret prévenait : "Un trio d’une grande puissance, créant des paysages sonores aussi subtils et ténus que denses et abstraits, repoussant les limites pour décloisonner les formes d’improvisation, d’écriture et d’être ensemble." Et j'ai en effet la sensation d'un territoire inédit à défricher, avec des passages très calmes qui me rappellent ceux de Kankû (mais dont on profite bien mieux dans la parfaite sonorisation du triton...), des temps suspendus et lisses d'une belle plénitude (mais pas forcément sereins), et des éclats plus vifs et plus bruyants ; aussi, un trio qui ne cherche pas la fusion, mais peut-être plus la coexistence (où il y a de la connivence, mais pas de télépathie), chacun gardant son langage et son champ d'application, et s'acceptant dans les différences de style.
A quelques moments, Grimal chante, ça ressemble à des berceuses, où sa voix fragile émeut et excelle. Elle indique que c'est un nouveau groupe, un nouveau répertoire, mais n'est-ce pas presque systématiquement le cas avec elle ? On verra s'il y aura une réalisation discographique et une continuation de cette aventure ... A la sortie, quelques cacochymes habituels de la salle s'en vont furieux que ce n'était pas du "Vrai Jazz", et leur énervement me réjouit !
Ailleurs : Damien
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