mardi 31 décembre 2024

Cinéma 2024

26 films, basses eaux ; je ne vais plus au cinéma le soir, du coup week-end quand je prends le temps et vacances parisiennes pour rattraper un peu, le rythme n'est pas idéal. J'ai continué à écrire sur l'instance Mastodon "piaille" un fil de mini-critiques de chacun de ces films, qui commence donc par celle de "Wonka".

Wonka, Priscilla, Making of, Reality, May December, La Zone d'intérêt, Dune 2 +, Le Mal n'existe pas +, Borgo, Le Tableau volé, Le Deuxième acte, Marcello Mio, Furiosa, Deadpool & Wolverine, Santosh +, Le roman de Jim -, Emilia Perez +, City of Darkness, Les Graines du figuier sauvage +, Quand vient l'automne -, Juré n° 2, Anora +, Flow +, Vingt Dieux, La plus précieuse des marchandises, En fanfare.

dimanche 15 décembre 2024

Béla Bartók - Le Château de Barbe-Bleue (Philharmonie de Paris - 29 Novembre 2024)

Une excellente version ce soir de ce chef d’œuvre. Si Matthias Goerne interprète un barbe-Bleue quasi marmoréen et sobrement sombre, si Aušrine Stundyté incarne elle une Judith exceptionnelle d'intensité lyrique et dramatique dans tous les aspects successifs de ce rôle exigeant, ceux qui m'ont le plus emballé ce sont les solistes de l'Orchestre Philharmonique de Radio-France dirigé par Mikko Franck, qui à mon siège semblent bondir dans mon oreille, les bois, les harpes, les percussions, me surprennent tout à tour et je découvre nombre détails qui me ravissent. De la récitation initiale d'outre-tombe par József Gyabronka aux éclats de la cinquième porte avec cuivres spatialisés sur les balcons, jusqu'aux figements mortifères de la conclusion désespérée, l'odyssée émotionnelle est pleinement respectée et m'embarque la tête et le cœur.

Ailleurs :José Pons, Christine Ducq, Patrice Imbaud ...

Écoute : Sur France Musique


samedi 14 décembre 2024

Karlheinz Stockhausen - Donnerstag aus Licht Acte 3 (Philharmonie de Paris - 26 Octobre 2024)

Le premier choc est la disposition scénique, l'orchestre étant disposé en gradins sur le plateau, dégageant un espace central où se tiendront comédiens chanteurs et danseurs (chaque rôle est en effet tenu par trois personnes différentes pour incarner chacun de ces aspects). Et régulièrement, la mise en scène bousculera le train-train d'une représentation d'opéra, avec par exemple des choristes dans la salle, ou soudain une intervention tonitruante de Lucifer depuis les balcons. Rien de révolutionnaire, mais de quoi relancer l'attention. Ce qui vaut aussi pour la musique, toujours aussi mystérieusement équilibrée entre une écriture exigeante, savante, sophistiquée, et un flux qui s'écoule comme une évidence, parfois comme une improvisation, quelque-chose de très naturel. Le point le plus faible sera la chorégraphie, qui n'est pas le cœur de métier de Stockhausen, et n'apporte pas grand-chose, dommage pour l'aspect "art total". Le point fort est le final, une fois sorti de la Philharmonie : alors qu'on commence à quitter l'édifice, un appel de trompette surgit, puis un autre lui répond, venant des contre-bas, ou du toit, combien sont-ils cachés ainsi on ne sait pas, mais cela crée une ambience poétique, splendide dans sa simplicité et magique dans son déroulé, qui nous accompagne longtemps alors qu'on s'éloigne.

Tout ce travail de l'ensemble Le Balcon, dirigé par Maxime Pascal, pour couvrir peu à peu les sept journées de Licht, reste d'un niveau exceptionnel.

Ailleurs : Claire-Marie Caussin, David, Thomas Cepitelli ...

dimanche 3 novembre 2024

Pierre-Laurent Aimard - Les maîtres de l'intime (Cité de la Musique - 13 Octobre 2024)

Qui sont ces "maîtres de l'intime" ? Essentiellement, Kurtag (dans ses "Jeux") et Schubert (des "Valses", des "Danses" ...), et pour agrémenter, un peu de Mozart, de Webern, de Schoenberg ... Le tout monté dans un récital d'un peu plus d'une heure, sans interruption. Pour ne pas lasser, Aimard alterne entre plusieurs pianos, queue, quart-de-queue, debout, disséminés sur scène ou dans la salle. Lors du passage de l'un à l'autre, de la musique continue de se faire entendre (en spatialisation).

Bon. C'est pas désagréable, cet alignement de petites pièces modestes, fragiles, un peu évanescentes. Mais ça ne laisse pas grand souvenir non plus. La mise en scène ajoute sa part d'arbitraire (pourquoi tel piano pour telle oeuvre ?) et de moderne un peu factice.

Mahler 5 - Originalklang (Philharmonie de Paris - 15 Septembre 2024)

En 2022 le chef Philip von Steinaecker se lance avec le Mahler Academy Orchestra dans un vaste projet consistant à retrouver la sonorité orchestrale connue par Gustav Mahler lors de la création de ses oeuvres. Un des aspects principaux est de retrouver les instruments d'époque, parfois même les véritables instruments commandés et achetés par Mahler chef d'orchestre. Puis de réinterpréter les indications laissées sur les partitions, en fonctions des jeux possibles sur ses instruments.

Pendant plus d'une demi-heure, Arnaud Merlin nous présente certains de ces instruments, avec explications complémentaires par le musicien qui l'utilise, et démonstration des différences, aux timbales, à la trompette, etc. C'est un peu long (certains intervenants sont très bavards ...) mais très intéressant. Les sonorités sont en général plus boisées et moins tranchantes, et se foncent plus facilement les unes dans les autres.

Plus vient la 5ème symphonie elle-même, dans ces nouveaux habits, moins rutilante, plus apaisée, toujours magnifique. Une seule écoute ne saurait suffire pour dépatouiller tous les changements, et si on préfère l'ancienne ou la nouvelle version. Mais la démarche est passionnante, le résultat plus que convainquant, et j'attends maintenant le disque.

mahler 5 - originalklang

lundi 12 août 2024

Sasha Waltz + EIC - In C (Philharmonie de Paris - 19 Juin 2024)

Le moment que j'ai préféré est sans doute la mise en place, avec les musiciens de l'EIC se mêlant temporairement aux danseurs avant de rejoindre leurs pupitres. Ensuite, les choses se déroulent de façon assez facile. Dans un coin de la scène, l'EIC joue donc "In C" de Terry Riley, enchaînant tout en souplesse les 53 cellules, mais sans en donner une lecture particulière ni ajouter quoi que ce soit, si bien que le résultat est assez plat et dévitalisé. Devant eux, les danseurs et danseuses enchaînent pareillement 53 phrases chorégraphiques, selon exactement le même principe : des boucles de mouvement, suffisamment simples pour être accessibles à tous, et chaque interprète devant passer de l'une à la suivante quand iel sent que cela est le plus opportun. Mais là aussi, le résultat est plutôt décevant, plus divertissant et décoratif que transcendant.sasha waltz + eic - in c

 

Ailleurs : , A voir et à danser

samedi 10 août 2024

Protest Songs (Cité de la Musique - 11 Juin 2024)

De dos, dans la pénombre, s'alignent quatre silhouettes : Jeanne Added, Camélia Jordana, L (Raphaële Lannadère) et Sandra Nkake. A cappella, elles enchaînent chansons de protestations bien connues, morceaux de leur propre répertoire, et textes récités. Le spectacle est bien huilé, mais reste bizarrement froid ; dans le contexte politique français particulier (entre deux tours d'élections législatives anticipées), il n'y a pas d'écho (sans doute parce que la portée des chansons retenues est d'une bien autre ampleur que nos petits problèmes locaux) ; et les tentatives de participation du public ne fonctionnent pas vraiment (le public ne connaît pas assez les paroles de "Here's To You", et la mélodie de "SOS Méditerranée" est trop compliquée). Le moment que je préfère est celui qui déroge au principe de la soirée : pour "A War is coming", Jeanne Added va chercher sa basse - version minimaliste, rageuse, puissante.


protest songs

dimanche 16 juin 2024

Elodie Sicard, Bertrand Chamayou - Cage 2 (Studio de la Philharmonie de Paris - 4 Juin 2024)

Pour jouer des pièces pour piano préparés de John Cage, dont les noms ne sont pas indiqués dans le livret (qui cite juste le cycle "Sonates et interludes), ce que trouve fort regrettable, il y a sur scène quatre pianos, entre lesquelles se déplacent Bertrand Chamayou, ainsi que la préparatrice Anna Paolina Hasslacher. 

Et au milieu, il y a Elodie Sicard qui danse. Cela tient parfois au mime (je mesure un objet, je le porte dans mes bras), ou à la pantomime (je suis une enfant), parfois c'est plus abstrait. Sur une pièce qui martèle un rythme proche du Sacre du Printemps, elle se cache derrière ses cheveux comme une évocation de Sadako. Bref, sa danse est assez variée.

Tout est enchaîné. Les applaudissements ne retentiront qu'à la fin du spectacle, et ils seront nourris. Je suis moins enthousiaste, gêné par les manques du livret, par les sonorités peu différentiables des différentes préparations pour piano (tout sonne comme des gamelans, plus ou moins ...), et par des chorégraphies qui essaient de répondre à a la musique, au lieu de vivre pleinement à coté et d'apporter du coup plus de relief, comme le faisait le complice de John Cage Merce Cunningham. Un peu déçu.

cage 2

Ballet de l'Opéra national du Rhin - Spectres (Théâtre de la Ville - 25 Mai 2024)

Lucinda Childs - Songs from before

De hauts panneaux verticaux et coulissants en verre zébré divisent la profondeur de la scène en couloirs successifs, où se croisent des hommes et des femmes qui traversent le plateau, et parfois engagent un pas de deux. A partir de là, tout est affaire de variations : présence, absence, transparence partielle et superposition des panneaux, nombre de couples sur la scène, intensité et durée des pas de deux ... Et c'est un petit bijou, un plaisir constamment renouvelé. Ca m'a fait penser aux "Beach Birds" de Cunningham : une liberté très contrôlée mais qui donne l'impression d'un déroulé très naturel, fascinant et relaxant. (De la musique de Max Richter et surtout des textes de Haruki Murakami récités par Robert Wyatt, je n'ai par contre gardé aucun souvenir).

lucinda childs - songs from before

Bruno Bouché - Bless-Ainsi soit-il

Deux hommes, figurant Jacob et l'Ange, s'enlacent et s'agrippent, s'accrochent et se combattent. Un pianiste présent sur scène joue du Bach, caution chic. Sauf que tout ça me semble assez cliché et me laisse bien indifférent. 

 bruno bouché - bless-ainsi soit-il

William Forsythe - Enemy in the Figure

Un chef d’œuvre qui reste un chef d’œuvre. La musique, le décor, la lumière, la scénographie, et la danse qui surgit, explose, se cache, rebondit, tout est magique, exaltant et mystérieux. J'en vois ce soir des emprunts, ici à un échauffement de gymnastes, là à une troupe de danse en répétition, et je lis ailleurs que certaines séquences sont en partie improvisées - peut-être parce que le niveau technique est tel qu'il faut rendre la partition accessible à des corps moins aiguisés. Tout est beau, polysémique et envoûtant ; cette corde qu'on agite sur le sol : ligne de vie, pulsion cardiaque, lien ? Je vois que chaque personnage a un nom (Betsy, Isabel, Thomas, Christopher ...) : faut-il trouver un sens à tout ça, une histoire, une signification derrière certains costumes particuliers ? Mais on est si vite happé, transporté, à scruter les ombres et savourer chaque mouvement, qu'un éventuel décodage devient impossible, et inutile.

william forsythe - enemy in the figure

Ailleurs : Delphine Goater, Agnès Izrine ...

jeudi 16 mai 2024

Jeanne Added - The Joni Mitchell Songbook (Philharmonie de Paris - 21 Aril 2024)

Sur la scène se déploie en arc de siècle la petite troupe d'accompagnateurs de luxe de cette soirée : le saxophoniste et arrangeur Vincent Lê Quang, le pianiste Bruno Ruder, la contrebassiste Sarah Murcia, le violoncelliste Vincent Courtois, et le guitariste Marc Ducret. Et au centre, Jeanne Added, dans une longue robe blanche qui malgré les apparences ne l’empêchera pas de sauter un peu partout quand l'envie lui prendra.

Ce qui me frappe d'abord, c'est l'humilité et le respect des reprises. On est loin des exercices de funambule de "Yes is a pleasant country" où le matériel de départ était découpé et remonté au gré des émotions. Ici, les musiciens, pourtant tous éminents improvisateurs facilement radicaux, sont d'abord au service des chansons, qui sont magnifiquement arrangées par Vincent Lê Quang, et livrées avec une sincérité totale par Jeanne Added, dont la voix reproduit avec maestria la fluidité virevoltante, libre et d'allure si naturelle, de Joni Mitchell. Contrebasse et violoncelle nous font oublier l'absence de batterie ou percussion, piano et guitare parfois s'amusent à déguiser de mystère les introductions, mais se restreignent à ne pas flamboyer outre mesure quand la mélodie vocale commence.

C'est là la limite de l'exercice : un peu plus de folie aurait peut-être été la bienvenue. On la sent poindre dans l'ultime chanson, un bouleversant "Both Sides Now", où les solos se font plus tranchants, et où la voix de Jeanne Added retrouve certains phrasés plus personnels.

Mais avant cela, "Free Man in Paris", "Woodstock", "River", tout est beau, au bord des larmes mais avec un grand sourire, un grand bonheur.

jeanne added - joni mitchell songbook 

Ailleurs : Maxim François, Damien

vendredi 10 mai 2024

Boris Charmatz + TanzTheater Wuppertal - Liberté Cathédrale (Théâtre du Châtelet - 7 Avril 2024)

Après la mort de Pina Bausch, c'est Boris Charmatz qui a repris les rênes de la troupe de Wuppertal, et voici leur première création, qui est née dans une église, avant d'être reprise dans un hangar industriel, et ce soir dans un théâtre du Châtelet totalement reconfiguré pour l'occasion, avec une scène qui empiète largement sur le parterre, et est entouré de toute part de gradins, tandis que seuls les premiers rangs des étages sont occupés.

liberté cathédrale - avant

Dans cet espace redéfini au milieu des spectateurs, les danseurs et danseuses s'engouffrent dans une explosion de danse assez chaotique, ça court, ça se croise, ça crie, ça chante, peu à peu les interjections vocales s'organisent en phrases musicales - du Beethoven, mais je n'ai pas reconnu, et de toute façon est-ce important ?

Les tableaux suivants (il y en a 4 au total) creusent une dialectique ensemble / seuls, et peut-être ordre / chaos, mais je ne me suis jamais senti interpellé, ou même invité à entrer dans une réflexion ou une contemplation. Les corps s'agitent, beaucoup, sans rien proposer de vraiment spectaculaire ou novateur, en figures parfois isolées, parfois en collisions, parfois en groupes plus organisés. Le public est pris à partie, de façon parfois agressive, et sans qu'on puisse tout suivre ou tout comprendre, puisque de ma place je ne peux vraiment voir que quelques-unes de ces interactions. Un texte sur "aucun homme n'est une île" est récité, comme s'il était particulièrement important. Au silence succède une pièce d'orgue saturée (de Phill Niblock).

Bref, les costumes raffinés ont disparu (à la place, tenues de sport ou trucs bizarres), le patchwork de personnalités marquantes a disparu (il n'y a personne que je pourrais identifier la prochaine fois), la danse a disparu (au profit de gestuelles juxtaposées, dont n'émane rien). Flop.

liberté cathédrale - après

Ailleurs : Amélie Bertrand, Marie Gracia

dimanche 24 mars 2024

EIC - Ombres et lumières (Cité de la Musique - 21 Mars 2024)

Kaija Saariaho - Couleurs du vent

Pièce de 9 minutes pour flûte solo, on y sent passer le souffle de la vie, dans une respiration parfois anxieuse, mais en quête de lumières.Une improvisation écrite en quelques jours dans un climat d'émotions intenses, dit Saariaho dans le livret. Et ça transparaît bien. Emmanuelle Ophèle excelle, as usual.

Michaël Levinas - Les Voix ébranlées / Prière d'insérer

Mais d'où sortent ces sons ? Levinas explique organiser "les voix ébranlées" en une passacaille, puis un choral, où la passacaille reste en arrière-fond. Le climat est très étonnant, où on ressent cette forme très classique, mais totalement déguisée par une altération des échelles et des spectres, pour donner quelque-chose de flottant, d'étrangement familier mais énigmatique et fantomatique, bref, c'est assez captivant.

"Prière d'insérer" est un postlude apaisant qui ressemble à une berceuse, un peu plat en comparaison.

Kaija Saariaho -Semafor

Saariaho change sa façon d'écrire pour cette pièce. Moins de glissandi et d'envols, plus d'ostinatos percussifs et de progressions à marche forcée. Le résultat ne me convainc guère, on perd en poésie onirique sans gagner grand-chose en échange.

Frédéric Durieux - Theater of Shadows II

En création mondiale , cette oeuvre de 15 minutes fait son effet ! Volontiers spectaculaire, pleine de bruits et de fureurs, mais soigneusement contrôlée par la cheffe Marzena Diakun, elle fait défiler de nombreux épisodes, au gré d'un instrumentarium très diversifié (dont des tuyaux - mais l'EIC a l'habitude ...). J'aurais aimé être en meilleure forme pour en apprécier encore davantage les charmes bigarrés et puissants.

ombres et lumières

Ailleurs : Jérémie Bigorie

 

lundi 4 mars 2024

Les Ballets russes, avec films (Philharmonie de Paris - 28 Février 2024)

Pour raviver l'idée somme toute assez classique de jouer en suivant les trois ballets russes de Stravinski, il fut décidé de les accompagner par des films projetés au-dessus de l'orchestre. Le résultat n'est pas totalement convaincant, sans doute à cause des films choisis, qui tentent d'attirer l'attention vers eux au détriment de l'attention portée à la musique.

L'Oiseau de feu / Rebecca Zlotowski

"Constellations" de Zlotowski est en fait un remix de son film "Planetarium", où brillent en 4K les visages magnifiques de Natalie Portman et Lili-Rose Depp, dans une histoire de séduction, de magie, et de cinéma. Le rapport avec"L'Oiseau de feu", que l'Orchestre de Paris nous offre  dans de splendides couleurs et transparences, est circonstanciel et anecdotique. L'embrasement orchestral final, par exemple, n'a pas d'équivalent cinématographique : visuellement on reste dans la continuité, et scénaristiquement parlant, on ne comprend pas suffisamment les enjeux entre les personnages pour que les retrouvailles des deux héroïnes puisse nous bouleverser à la hauteur de la musique.

Petrouchka / Bertrand Mandico

Je suis surpris, et content, de finalement connaître aussi bien cette oeuvre, à en anticiper les rebonds et les brusques tournants. Le film : "La divergence des images", avec Nathalie Richard, propose sur deux écrans une histoire de défilé de mode fétichiste dans un sous-sol blafard, avec des relents d'abus divers ; mais la pire idée est d'ajouter des sous-titres, et là c'est le drame : écouter la musique ou lire les sous-titres (assez petits de mon rang dans les hauteurs) il faut choisir. Et comme l'image est fascinante par nature, elle gagne souvent, sans malheureusement ajouter grand-chose.

Le Sacre du printemps / Evangelina Kranioti

Pour la musique, Klaus Mäkelä conduit l'Orchestre de Paris avec toute la fougue de sa jeunesse (pas encore 30 ans), et c'est très bien. Le film quant à lui mélange plusieurs matériaux : des images élémentales, glace, feu, jungle, sans aucun doute ce qui fonctionne le mieux ; des images plus sociologiques, portraits ou foules, dont un impressionnant groupe d'enfants masqués en Hulk grimaçant, brandissant des poupons cloutés sur des perches ; et enfin, une sorte d'histoire de SDF découvrant les pouvoirs magiques d'un masque de carnaval (enfin, c'est ce que j'en ai compris).

A chaque fois que ces films tentent de raconter une histoire, elle entre en conflit avec l'histoire racontée par la musique, par d'autres moyens, qui obligent à devoir choisir quelle histoire on veut tenter de suivre. Des images sans narration, plus dans l'instant et dans la sensation, auraient sans doute mieux convenu ; de fait, ce sont les passages les plus "Bill Viola" du dernier film qui étaient les plus compatibles avec une écoute attentive et simultanée de l'orchestre. Pour le reste, l'image est surtout venu gâcher le plaisir apporté par la musique.

stravinski et grand écran

Ailleurs : Patrick Jézéquel


samedi 2 mars 2024

Hommage à Kaija Saariaho (Philharmonie de Paris - 15 Février 2024)

Kaija Saariaho - Aile du songe, pour flûte et orchestre de chambre

C'est ce soir la création française de cette version pour orchestre de chambre, et c'est l'EIC qui s'y colle, dirigé par Aliisa Neige Barrière, qui est la fille de Kaija Saariaho. J'aime beaucoup cette version, où on retrouve les couleurs rêveuses et les mystères vaporeux propres à Saariaho, avec l'élégance et la précision de l'EIC, au-dessus desquels plane et tournoie dans les airs Sophie Cherrier, impeccable comme d'habitude. 

Je ne sais si les tempi très ralentis (on passe de 18 minutes à près de 30 !) sont liés à cette version, ou au choix de la cheffe. Cela perturbe mes voisins qui tentaient de se repérer dans l’œuvre au temps passé, mais je valide, surtout pour "Aérienne" qui devient plus onirique ("Terrestre" aurait pu être plus tendu).

Jean Sibelius - Les Océanides

Place à l'Orchestre de Paris, et à Esa-Pekka Salonen. "Océanides", dit le livret, c'est comme la Mer de Debussy, mais dans un langage romantique tardif tonal ; autrement dit en version chiante. Je zappe.

Kaija Saariaho - Notes on Light, pour violoncelle et orchestre

Je n'accroche pas, ce soir. De ma place, l'orchestre est trop présent par rapport au violoncelliste, le dédicataire et fidèle Anssi Karttunen. Et pour résumer mon impression : tout est pesant, rien ne frémit.

Magnus Lindberg - Kraft

J'ai souvent entendu parler de cette oeuvre, sans comprendre pourquoi elle était si souvent évoquée, l'écoute sur disque me donnant le sentiment d'un truc assez bruyant et plutôt confus, comme tant d'autres.

Mais c'est une pièce qu'il faut vivre en concert, où cela devient une expérience autrement marquante ! Les musiciens qui changent de places et d'instruments, le charivari plus ou moins contrôlé, les soli qui parfois se superposent et se confrontent, les effets de spatialisation (purement orchestraux ou aidés par l'IRCAM), l'énergie qui pulse et déborde, on rejoint les meilleurs moments de Xenakis ou de Varèse ! Le livret cite le compositeur : "Seul l’extrême est intéressant, l'hypercomplexe combiné avec le primitif" ; on sent bien la tension entre ces deux pôles. Un grand et jouissif moment, que ni le CD ni même la vidéo ne peuvent retranscrire correctement.

Ailleurs : Olivier Brunel, Patrick Jézéquel. Le concert est disponible en vidéo pendant 6 mois.