dimanche 22 décembre 2013

Gérard Grisey - Espaces acoustiques (Cité de la Musique - 14 Décembre 2013)

Les 6 mouvements de ces Espaces acoustiques, qui s'amplifient du solo au grand orchestre, sont séparés en deux parties : l'EIC est seul en scène pour les trois premiers mouvements, puis les élèves du CNSMDP les rejoignent pour les trois suivants.
Grégoire Simon entame le "Prologue" pour alto seul en le découpant en tranches successives, avec des sonorités très différenciées. N'empêche : 17 minutes, c'est long.
"Périodes", pour sept musiciens, est déjà plus prenant, avec une délicatesse de quatuor à cordes augmenté (par un trio flûte clarinette trombone).
"Partiels", pour 18 musiciens, est un mouvement que j'ai eu l'impression de redécouvrir. Dès les grondements initiaux de contrebasse qui se prolongent dans les aigus des violons et flûtes, ce sont des gestes orchestraux qui balaient tout le spectre harmonique, et tout le spectre des couleurs orchestrales. Vers le milieu, le passage en tout-aigu est extraordinaire de brillance. Pascal Rophé, remplaçant mais connaisseur émérite, mène cela parfaitement. L'humour final, avec le non-coup de cymbale théâtralisé, aura sans doute du mal à vieillir ...
Après l'entracte, "Modulations", "Transitoires" et "Epilogue" nous plongent dans un grand orchestre, où tout flotte, tout se transforme et transmute, tout se déplace et se délite pour se reconstruire autrement. J'ai du mal à rester en écoute attentive, happé par le flux et reflux vers des rives oniriques. Plus que les quatre cors, c'est le retour de l'alto, cette fois-ci celui d'Odile Auboin, reprenant le thème initial mais avec plus d'allant et suscitant plus de plaisir, qui refocalise mon écoute.
Un bien beau concert, avant la trêve des confiseurs.

Ailleurs : Michèle Tosi, et une analyse de Partiels via Zvezdo.

mardi 17 décembre 2013

Intégrale des Sequenze de Luciano Berio (Cité de la Musique - 8 Décembre 2013)

Entre 4 et 5 heures de soli successifs, joués par des élèves de Conservatoire ? Quel pari ! Et brillamment relevé. Je ne vais pas faire un compte-rendu détaillé de chaque Sequenza, mais me focaliser sur certaines prestations.

Le voyage commence dans la Grande Salle, avec une ambiance de concert normal (sauf que les enchaînements sont plus rapides que d'habitude, il y a du monde à entendre derrière ...). Début extraordinaire par la Sequenza VI pour alto : Marion Plard n'insiste pas sur la violence du continuo (je me souviens de Christophe Desjardins arrachant le crin par poignées de son archet malmené), mais sur la beauté des passages plus mélodiques, qu'elle joue avec une plénitude de sonorité et une chaleur qui me plaisent énormément. Pour une fois, j'entends sous la Sequenza VIIa pour hautbois jouée par Thomas Hutchinson la note continue jouée au violon en coulisse (la pièce sera redite en fin de parcours, avec support de deux chanteuses : ce sera encore plus beau). Par contre, le piano résonant pour la Sequenza X pour trompette me semble toujours anecdotique. Laura Holm choisit une interprétation fort différente de celle de Cathy Berberian : la voie d'une tragédienne, intense et puissante, plus émotionnelle qu'extravagante. C'est magnifique. Samuel Bricault sera le premier à jouer sans partition, la Sequenza I pour flûte, sobre et lumineux. Cette courte pièce sera suivie de la plus longue, la Sequenza XII pour basson, jouée par Pascal Gallois, seul dédicataire et créateur présent sur place.

On passe ensuite dans la Rue Musicale. Les musiciens précèdent leur pièce d'improvisation en guise d'appel, le temps que les spectateurs convergent de stand en stand. La première pièce est le seul non-solo du cycle : la Sequenza IX, déclinée en version pour clarinette et saxophone, jouée par Raphaël Sévère et Hiroe Yasui ; de cette pièce donnée trois fois, ce sera ma version préférée, la plus enjouée par les effets d'échos et de tuilages du duo. Jessica Jiang commencera sa Sequenza I (elle aussi sans partition) au bord de la librairie, avant d'y entrer en nous y entraînant, Hamelin style, jusqu'aux portes du Musée, où nous sommes divisés en deux groupes.

L'ambiance dans le Musée de la Musique est plus intime, et intimidante, avec les élèves cernés par les instruments d'époque. Je me souviens surtout des dernières pièces, la Sequenza VIII pour violon, au classicisme magnifié par Malika Yessetova, et la ténébreuse et pourtant virevoltante version pour contrebasse de la Sequenza XIVb par Florentin Ginot.

Au final, un immense bravo et merci pour ces élèves déjà si doués et investis, et à la Cité pour la promenade et l'organisation.

la troupe des sequenza

Ailleurs : Michèle Tosi
Spotify : Une version EIC incomplète, et une version intégrale diverse.

mardi 10 décembre 2013

Chostakovitch - Gergiev / 14 et 5 (Salle Pleyel - 2 Décembre 2013)

Dmitri Chostakovitch - Symphonie n° 14

Symphonie de chambre par son effectif de petit orchestre à cordes accompagné de percussions, proche du cycle de lied orchestraux par sa structure en onze parties portées chacune par un poème chanté, et chef d'oeuvre par son émotion intense, mortifère, arrachant de douloureuses beautés aux portes du silence et du néant.
Les poèmes choisis, internationaux d'origine et tous traduits en russe, du Federico Garcia Lorca, Guillaume Apollinaire, Wilhelm Küchelbecker ou Rainer Maria Rilke, ne parlent pas de petits oiseaux chantant dans les arbres, mais d'un sujet quasi unique : la mort. Pour les interpréter, on alterne entre la soprano Veronika Djoeva, excellente, et la basse Mikhail Petrenko, extraordinaire de présence vocale et de puissance émotionnelle ; sa performance est par moment sidérante, et globalement exceptionnelle.
La musique flirte mainte fois avec le silence, où ne frémit qu'un violon transi, s'offre des bouffées de colère qui ne peuvent que retomber face à l'inéluctable, des rythmes macabres au xylophone, des fantaisies dodécaphoniques, mais qui laissent de la grande et belle beauté classique aux lignes vocales. C'est de la musique qui saisit l'âme et le coeur, et qui secoue, si on accepte de l'être ; une suite à la hauteur de la 13ème symphonie "Babi Yar".

symphonie n° 14 de chostakovitch

Dmitri Chostakovitch - Symphonie n° 5

Je retombe sur du terrain connu. Valery Gergiev et l'Orchestre du Théâtre Mariinsky sont ici chez eux.
Le premier mouvement commence impeccable de tension et de puissance, avec quelque-chose de bourbeux qui convient bien ; puis Gergiev accélère, à peine une pause pour une marche ironique, et accélère de nouveau, ça en devient furieux et pétaradant. L'orchestre tient le choc, la musique aussi, finalement. Parmi les solistes, je préfère les vents aux cordes,
Très bon deuxième mouvement, entre petite mécanique précise, et exquises mignardises de couleurs orchestrales. J'admire particulièrement la harpiste, donc chaque intervention, souvent en duo, est d'une parfaite mise en place rythmique qui nourrit l'émotion du moment.
La suite m'accroche moins. Et la fin me déçoit un peu. Oui, ce triomphe est laid, sans gloire, sans même vraiment d'esbroufe, plutôt de pacotille, mais j'y attends aussi une mise à mort, un cri humain de supplicié, que je n'entends pas ici. Tant pis.

Ailleurs : Didier van Moere, qui a la mauvaise idée d'inclure en auto-démarrage la vidéo du concert disponible sur CitéDeLaMusiqueLive.

lundi 9 décembre 2013

Kudryavtsev Lambla / Olympe Trio (La Guillotine - 1er Décembre 2013)

Vladimir Kudryavtsev, Pierre Lambla

Je découvre ces deux musiciens, qui ont expliquent-ils décidé de rejouer ensemble après une trêve de quelques années. Le contrebassiste Vladimir Kudryavtsev est minimaliste et minéral, lyrique et lunaire. Le saxophoniste Pierre Lambla est un peu plus intense, mais moins original. Leur musique est à la fois de paysage et narrative. J'y entends l'océan, le vent et la montagne. Cela sonne comme écrit, et non improvisé, mais je ne sais pas ce qu'il en est vraiment. J'aimerai bien en réentendre, plus longuement peut-être même que cette grosse demi-heure !

kudryavtsev lambla

Olympe Trio

J'étais déjà venu à la Guillotine il y a quelques années pour y entendre cette formaion, mais n'avais eu droit qu'à une prestation, sans doute assez rare cela dit, d'un Olympe Duo. Cette fois, Alexandra Grimal est bien là, encadrée de Sylvain Cathala et de Stéphane Payen. Là, la musique est entièrement improvisée, même si les années d'habitude leur permettent de retrouver instantanément des marques communes. Ce n'est pas du dialogue, c'est de la fusion. Et ce, sur plusieurs modes possibles : par l'harmonie par exemple, avec les trois saxophones jouant en continu dans la même faible épaisseur et travaillant dans le son lui-même ; mais je préfère les travaux plus rythmiques, extraordinaires de complexité instantanée, où chacun part dans son propre flux, mais ceux-ci se conjuguant avec un swing peu commun, proche du M-Base de Coleman, et j'adore ça ! Par moment, l'un ou l'autre se tait, on passe en duo, et la complexité reste de même nature et niveau. Les trois jouent des rôles similaires, sans leadership ni fonction particulière dévolue. Impressionnant et enthousiasmant. Le set dure une bonne heure, ce qui laisse le temps à la chaleur soufflée à l'entracte par un radiateur trop bruyant pour rester en marche pendant la musique de s'évaporer en bonne partie. (voir Grimal dans une salle glaciale, pas une nouveauté ...)

trio olympe

jeudi 28 novembre 2013

Anne Sofie von Otter chante Kurt Weill (Salle Pleyel - 15 Novembre 2013)

Les sept péchés capitaux

Pour ce concert, j'avais une place en arrière-scène, ce qui ne me plait guère en général, et ne convenait pas du tout à ce concert - d'ailleurs, il n'y eut qu'une dizaine de spectateurs à en garnir les rangs. Je décide de m'installer tout en haut pour cette pièce que j'adore, mais dont je n'ai toujours pas trouvé d'interprétation définitive.
Au dernier rang du plus haut balcon, l'orchestre est restitué avec une précision exceptionnelle. Et je me régale du joueur de banjo, des interventions du piano. HK Gruber, à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Radio-France, soigne les détails, sans forcer le trait, ni dans le comique (pas d'improvisation dans le quatuor vocal de la Gourmandise), ni dans le tragique (pas d'effets coup du destin dans l'Envie).
Pour la chanteuse, par contre ... Anne Sofie von Otter utilise un micro, ce qui m'irrite toujours ; j'ai cru que ce serait pour distinguer les deux Anna, celle qui parle de celle qui chante, mais pas vraiment. Et à ma place, sa voix flotte de manière très incertaine, au point d'être peu audible par moments, non par défaut de volume, mais par manque de focalisation. Ce n'est pas trop grave, les couleurs orchestrales et les rythmes parfois très étranges (heu c'est vraiment aussi décalé ?!) suffisent à mon plaisir.

Petite musique de Quat'Sous

Après l'entracte, je me replace au parterre, qui est loin d'être plein. Cette version pour orchestre d'instruments à vents de l'Opéra de Quat'Sous ne me touche pas : pas assez d'innovation dans l'orchestration, et les airs eux-mêmes ne me passionnent pas suffisamment.

Chansons diverses

Anne Sofie von Otter revient pour quelques chansons extraites de diverses pièces de Kurt Weill : "Surabaya Johnny", "I am a stranger here myself", "Speak low", "The Saga of Jenny". On s'approche clairement du cabaret, avec une chanteuse à micro qui vit pleinement les scènes, triste et rageuse ici, espiègle là, exprimant les émotions de la voix, du visage, et du corps. C'est très plaisant. A cette place, je profite mieux de sa voix, et le micro me gène moins dans ce genre de programmation que dans les Péchés Capitaux, où je préfère une approche plus "musique classique".
En bis, HK Gruber s'amuse à surprendre le public en se retournant soudain pour chanter, si on veut, une partie vocale. Et de fait, la surprise fonctionne, le public en redemande, et obtient un ter de la même farine. Réjouissant.

anne sofie von otter

Ailleurs : Palpatine

samedi 23 novembre 2013

Stockhausen - Trans (Cité de la Musique - 13 Novembre 2013)

Voilà un concert assez étrange, consacré uniquement à des pièces de Karlheinz Stockhausen, dont une jouée deux fois pour respecter la volonté du compositeur, et toutes nécessitant une mise en scène bien particulière, qui fait que le chef d'orchestre François-Xavier Roth n’apparaîtra que pour les saluts, et un petit discours exhortant le public à signer une pétition visant à sauver l'Orchestre symphonique du SWR Baden-Baden & Freiburg, menacé de fusion (il y a quelques années, c'était le choeur de Stuttgart qui était en danger il me semble ; ce soir, on retrouve les Neue Vocalsolisten Stuttgart, donc ils ont survécu ?).

Trans

Le premier choc est visuel. Sous le rideau de scène filtre une lumière rouge tirant sur le violet, et quand il s'ouvre lentement, l'orchestre apparaît, en fait uniquement les cordes, en rangs étagés, jouant comme un drone uniforme et puissant, derrière lequel le reste de l'orchestre, invisible, émerge plus ou moins distinctement. Des éléments scéniques interviennent périodiquement : solo d'alto, de violoncelle, de trompette, chacun avec son effet de mise en scène ; agitation soudaine des musiciens qui jusque-là très immobiles se mettent à tanguer tous ensemble, ou qui se focalisent sur un violon jouent des notes trop aiguës ... Enfin, le bruit de la navette d'un métier à tisser, sur bande et très amplifié,  vient régulièrement briser le cours de la musique.
Cette pièce traduit une vision qu'a eu Karlheinz Stockhausen au cours d'un rêve, et il y a un coté Lynchien dans cette demi-heure de musique flottante et insistante, où les musiciens baignent dans un milieu coloré et irréel.
trans

Bassetsu Trio

Un extrait de "Licht", pour cor de basset, trompette et trombone. Les musiciens effectuent une sorte de chorégraphie, d'abord sur scène puis dans le public. Mais je ne suis pas vraiment captivé, et finit par trouver ça long.

Trans

Après l'entracte, on reprend la même pièce. Curieusement, l'impression est assez différente : tout semble beaucoup plus rapide. Les interventions scéniques, maintenant connues, se révèlent bien régulièrement espacées, et apportent une touche comique qui soulage la tension radicale de la musique ; et cette dernière, surtout la part invisible qu'il faut chercher sous les cordes, excite assez l'oreille pour que l'attention ne se détourne pas un instant. Une pièce assez fascinante, en fait. Et rare, vues les difficultés de mise en scène.
trans

Menschen hört

C'est de nouveau un extrait de "Licht", cette fois pour sextuor vocal. Les deux sopranos, l'alto, le ténor, et les deux basses, apparaissent dans la galerie tout en haut, habillés de couleur spécifiques, et tenant chacun un globe représentant une planète. Périodiquement, ils changent de place, et finissent par disparaître dans les coulisses mais en continuant à chanter. Les lignes mélodiques sont d'une pureté cérémonielle assez intense, d'une beauté évidente et naturelle, qui suspend le temps. Magnifique, comme souvent ce qui vient de "Licht".
menschen hört

Mais après cela, l'écoute de "Unsichtbare Chöre", une bande magnétique de 50 minutes, me semble superfétatoire, voire anticlimatique, et je préfère m'abstenir (surtout pour un concert de milieu de semaine, déjà assez long comme ça).

Ailleurs : Michèle Tosi

mardi 19 novembre 2013

Remember Shakti (Salle Pleyel - 4 Novembre 2013)

"Shakti", c'est un groupe fondé par John McLaughlin dans les années 70, et "Remember Shakti" sa réincarnation dans les années 2000. Autour du guitariste, il y a des musiciens indiens, Zakir Hussain aux tablas depuis le départ, et des nouveaux venus, à qui les anciens laissent beaucoup de place, restant presque en retrait. Ce sont tous des virtuoses.
A la mandoline, Shrinivas Uppalapu m'évoque le guitarise Prasanna qui joue sur le disque "Guitars" d'Aka Moon, sans doute parce que tous deux jouent de la musique carnatique aux modulations mélistiques si caractéristiques ; curieusement, je me suis demandé à plusieurs reprises ce qu'aurait donné cette musique avec un joueur de violon, et il se trouve que c'était le cas dans le Shakti d'origine ...
A la voix, Shankar Mahadevan m'évoque la spiritualité des chanteurs soufis.
Aux percussions, Selvaganesh Viniyakram est aussi solide que Zakir Hussain, mais quand même, un solo de plus de 20 minutes sur un seul instrument, ça devient vraiment long ...
Pourtant, si les musiciens sont exceptionnels, généreux, et chaleureux entre eux et avec le public, la musique ne m'emporte pas tout à fait, sans doute trop uniforme dans ses couleurs, et trop marquée dans la fusion années 70 par la longueur des solos, surtout vers la fin (le concert dépasse les 90 minutes).

samedi 9 novembre 2013

Planning Novembre-Décembre 2013

Passons sur le "Remember Shakti" à Pleyel (billet à suivre) et le "Dufourt - Ronchetti" à la Cité (trop fatigué pour y aller), voici la suite des festivités :

Et j'attends les modalités de remboursement du concert du 18/12 à Pleyel, dont le programme a été inacceptablement modifié (j'aurais pourtant tant aimé entendre le concerto "A la mémoire d'un ange", même dirigé par un autre chef que Pierre Boulez ...).

jeudi 7 novembre 2013

Trisha Brown Dance Company (Théâtre de la Ville - 1er Novembre 2013)

Foray Forêt

Une musique jouée par une fanfare qui se déplace dans les coulisses, des habits qui évoque les pharaons égyptiens, de la danse abstraite, si abstraite, de la technique certaine, mais surtout une certaine dose d'ennui au final. De la danse qui ne me parle pas.

If you couldn't see me

Une danseuse solo, qui reste de dos tout du long des 10 minutes. Pourquoi pas ...

For M.G.: The Movie

La troisième pièce devait être "Astral Convertible", mais un danseur s'étant blessé, ce sera "For M.G.: The Movie" à la place. La danse ne m’intéresse toujours pas, et seule la musique, un mélange d'ambiances, avec des moments de musique concrète et de bruits urbains enregistrés, capte mon attention par la possibilité de se construire son petit film.

Ailleurs: La Souris

Schönberg Barber Chostakovitch (Cité de la Musique - 30 Octobre 2013)

Arnold Schönberg - La Nuit transfigurée

L'interprétation du Chamber Orchestra of Europe est moins dégoulinante de sentimentalisme que parfois, j'aime beaucoup le son assez glacial du premier violon (Lorenza Borani) qui évoque bien la forêt plutôt effrayante sous la lune, mais ça reste une musique qui ne me touche qu'à peine.

Samuel Barber - Concerto pour violon op.14

C'est la première fois que j'entends cette oeuvre, ainsi que le COE, et le chef Jaap van Zweden (pour la violoniste Hilary Hahn, c'est la deuxième fois). Je ne saurais du coup trop dire d'où vient cette impression de manque, comme une sensation que ça aurait pu, aurait du, être mieux. Une certaine retenue du chef, qui ne veut pas noyer la soliste, dont le volume sonore reste faible ? Il y a pourtant de beaux solos, des moments d'orchestre très dynamiques et fougueux, mais je reste sur ma faim, sans savoir si c'est ou non intrinsèquement lié à cette partition, assez classique finalement, peut-être un brin trop à mon gout.

Dmitri Chostakovitch - Symphonie n°9

C'est indiscutablement le clou de la soirée. Les musiciens, bois et cuivre, mais aussi percussions, et tous en fait, s'en donnent à coeur-joie, et font briller de mille surprises cette symphonie que je m'aperçois connaitre assez peu, alors qu'elle est d'une gaieté remarquable, une sorte de retour aux partition pleines d'incongruités de la jeunesse de Chostakovich (période "Le Nez"), un coup de folie lorsque la commande était de dessiner un portrait de Staline ! Il y a des pitreries, des mélodies dansantes, des coups de semonce, et un récitatif de hautbois fantastiquement servi !

Ailleurs : ResMusica

dimanche 3 novembre 2013

Turbulences - Chemins de traverse (Cité de la Musique - 19 Octobre 2013)

Dans ce grand week-end conçu par Pascal Dusapin, je n'ai assisté qu'au concert du samedi soir, qui sortait de l'ordinaire par sa durée, en trois parties et voisinant les quatre heures, et par son ambiance, l'EIC comblant les entractes par des interventions presque au milieu du public de la Cité (et entendre Isabel Soccoja soudain se lancer dans le chant à moins d'un mètre de mon oreille, c'est une sacrée expérience).
La salle est aussi organisée de manière originale, avec trois plateformes au centre et sur les deux bords : les musiciens s'installent sur l'une ou l'autre, et les temps de transition en sont fortement diminués.
Prendre trop de temps avant d'écrire le compte-rendu pose le problème de l'oubli : certaines pièces ne me disent plus rien, ou plus grand-chose ; mais c'était déjà le cas deux jours après ! Abondance de biens nuit, parfois, et trop de morceaux enchaînés finissent par se marcher sur les pieds.

Kurt Schwitters - UrSonate

Un enregistrement de cette pièce est parfois donnée à Beaubourg, dans les salles dadaïstes il me semble. Là, c'est du live, par Eric-Maria Couturier et Grégoire Simon, qui choisissent un extrait très rythmique, avant quelques cris. Fort sympathique mise en bouche !

Leos Janacek - Capriccio

Pas de souvenir.

Mauricio Kagel - Tango aleman

Humour habituel du compositeur, dans cette parodie de tango pour soprano, piano, violon et accordéon, qui en respecte pourtant les codes et les couleurs.

Pascal Dusapin - Aks

Pas de souvenir.

jens mcmanama

Pierre Boulez - Troisième sonate : Formant 2 - Trope

Dommage que Dimitri Vassilakis ne joue qu'un extrait : c'est splendide de poésie et de vigueur.

Peter Ablinger - Voices and piano

Cela ressemble à du Reivh avant Reich : des voix enregistrées sont diffusées et le piano en joue une analyse spectrale. Intéressant, mais sans plus. Ce doit être un extrait seulement, mais c'est pas dit.

Steve Reich - Different Trains

J'ai autrefois beaucoup aimé cette pièce, impressionné par l'alliage des voix, des sons de train et du quatuor à cordes ; puis plus du tout, énervé par l'émotion trop facile, et par la partie enregistrée qui phagocyte le jeu des musiciens. L'interprétation de ce soir, par Jeanne-Marie Conquer, Diégo Tosi, Grégoire Simon et Eric-Maria Couturier, me reconcilie aum oins avec la troisième partie, où les cordes se font plus présentes, moins noyées dans la fumée ou le brouillard.

jérôme comte

Luciano Berio - Naturale

De nouveau de la voix enregistrée, mais en guide et accompagnement de loin en loin d'une partition essentiellement pour alto solo et percussion. Si Odile Auboin est impeccable dans les parties les plus virtuoses, elle manque de ... naturel ... lorsque la mélodie frôle l'émotion plus facile. Je préfère l'interprétation de Kim Kashkashian.

Jonathan Harvey - Sprechgesang

Pas de souvenir.

Peter Eötvös - Snatches of a conversation

Pas de souvenir.

Claude Vivier - Trois Airs pour un opéra imaginaire

La soprano Caroline Melzer succède à la mezzo-soprano Isabel Soccoja qui a assuré jusqu'ici toutes les parties vocales. Comme souvent chez Vivier, cette musique me plonge dans un état second, comme dans une transe, entre une ligne vocale très mélodique même si elle s'orne d'effets, mais sans bons d'octaves, et un orchestre en sables mouvants.

Ailleurs : Michèle Tosi

mercredi 23 octobre 2013

Sugimoto Bunraku - Sonezaki Shinjû (Théâtre de la Ville - 13 Octobre 2013)

En relisant le compte-rendu de mon premier spectacle de Bunraku il y a 7 ans, je m'aperçois que je pourrais en reprendre de larges extraits : normal, le rituel est le même, puisque c'est celui de cette forme d'art. Donc, à droite, les musiciens, joueurs de shamisen et récitants/chanteurs, à gauche d'autres musiciens en coulisses, percussionnistes essentiellement, et au milieu les marionnettes portées chacune par trois manipulateurs vêtus de noirs et cagoulés.
Cette fois, pas de pédagogie ; on suit, en quelques heures, une des histoires les plus célèbres et classiques du Bunraku : le double suicide à Sonezaki du pauvre clerc Tokubei, dupé par le méchant Kuheiji, et de la courtisane Ohatsu, qui préfère mourir avec lui que de le perdre.
Hiroshi Sugimoto met en scène l'intégralité du spectacle, y compris la scène d'ouverture, une litanie des lieux saints du pélerinage à la déesse Kannon, illustrée par une vidéo fort jolie, et précédée d'un solo de shamisen.
Les choses sérieuses commencent lors de l'explication du piège dans lequel tombe Tokubei, et de sa dispute avec Kuheiji. Cela fait bien du monde sur scène, avec trois manipulateurs par marionnette, quand il y a les personnages principaux, leurs compagnons, et des passants témoins !
La scène suivante est ma préférée, quand Tokubei rejoint Ohatsu dans sa maison de passe, où  elle le fait entrer en le camouflant sous sa robe ; survient Kuheiji et ses sbires, qui promet d'éliminer Tokubei et de se saisir de Ohatsu. Le dialogue muet entre les deux amants, en caresses de pieds et de mains, est à la fois émouvant et drolatique, et leur fuite, au milieu des autres endormis, offre le même mélange de dangers et de cocasseries.
La scène finale, le double suicide donc, m'a moins emporté, malgré les trois joueurs de shamisen et les trois récitants : pas de péripéties, juste un dialogue dramatique vers la résolution ultime.

bunraku - les musiciens
bunraku - les marionnettistes

mercredi 16 octobre 2013

Orféo, par-delà le Gange (Cité de la Musique - 5 Octobre 2013)

A la base de ce spectacle, il y a un étonnement devant les réactions d'Eurydice face à Orfeo,dans le livret de Monteverdi : "Je ne puis dire, Orfeo, ma joie face à ton bonheur". Françoise Lasserre imagine qu'elle peut venir d'une culture différente : et pourquoi pas l'Inde ? Et si le voyage en Enfer était une plongée dans cette Inde où elle serait retournée ? Et de monter cet Orfeo, où l'Inde vient s'immiscer dans la musique et sur la scène.
Les changements apportés à l'opéra sont clairement limités. La célèbre fanfare inaugurale est remplacée par de la danse Odissi, interprétée par Arushi Mudgal, qui mime la naissance du Gange, dans le style très chaloupé typique, avant d’accélérer le rythme. L'introduction de l'acte 3 est un intermède musical pour sarangi et shehnai. Mais le moment offrant le plus beau mélange entre la tradition baroque et la musique indienne est le final, d'une beauté envoûtante et triste : la berceuse de Tarquinio Merula, où la basse rejoint les bourdons harmoniques de la tanpura.
Les plus grands moments vocaux sont pour moi la présentation de la Musica par Claire Lefilliâtre, et le chant de Caronte par Hugo Oliveira. Scéniquement, ce seront l'entrée dans les Enfers, et la fin du pauvre héros déchiré par des Bacchantes revêtues de rouge. Et musicalement, la prestation de l'Akadêmia est un plaisir de bout en bout.

jeudi 10 octobre 2013

Courtois Courvoisier Perraud (Le Triton - 4 octobre 2013)

Après son inauguration spéciale, voici le premier concert normal donné dans la seconde salle du Triton. Je me mets à l'étage, premier rang, la vue est bonne, quoique gênée par les barres de sécurité. A l'occasion d'un passage de Sylvie Courvoisier en Europe, c'est Vincent Courtois qui a monté ce trio inédit, en y associant le batteur Edward Perraud.
J'adore toujours autant Sylvie Courvoisier, et son sens de l'équilibre et de la mesure. Elle utilise des gadgets pour augmenter le spectre sonore, mais sans que ce soit du piano préparé ; plutôt du piano augmenté, avec des bandes adhésives, des billes métalliques, des baguettes coincées entre les cordes. Elle se lance dans des cadences véloces et intrépides, mais sans donner dans le déluge d'énergie, et on sent que si on ralentissait le flux, on y trouverait des mélodies. Même dans les notes attaquées en piqué papillonnant dans le registre aigu, il y a des accords classiques.
Armé d'une impressionnante armada de pédales d'effet, Vincent Courtois peut faire basculer le son de son violoncelle vers le violon ou vers la contrebasse, selon les besoins, et alterne entre archet et mains nues, entre boucles rythmiques et cris déchirants.
Edward Perraud aussi augmente sa batterie, à l'aide de pas mal de percussions, où les petites cymbales et le registre aigu en général sont privilégiés, et même un peu d'électronique avec un drôle de dispositif placé en bouche.
Entre eux trois, le plus surprenant, ce sont les imitations, Perraud répondant à l'aigu du piano par ses petites cymbales, ou imitant les coups d'archet de Courtois en raclant une cymbale sur un tome. La première improvisation dure dans les 40 minutes, et passe d'un climat à un autre, d'une vitesse à une autre, d'un leader à un autre, avec une maestria, un naturel, absolument stupéfiant et réjouissant, sans qu'on voie jamais les coutures.
La deuxième improvisation est plus rêche, avec des arêtes plus vives et plus coupantes. Un court bis, où Courvoisier se lance dans des clusters plus brutaux, conclut ce formidable concert, un splendide baptême pour la salle.

courtois courvoisier perraud au tritoncourtois courvoisier perraud au tritoncourtois courvoisier perraud au triton
courtois courvoisier perraud au triton

dimanche 6 octobre 2013

Anuj Mishra - Shiva Ganga (Cité de la Musique - 1 Octobre 2013)

Danse classique kathak

Dans cette première partie, Anuj Mishra, danseur et chorégraphe, se consacre à la présentation des caractéristiques de la danse kathak, accompagné de trois danseuses. Ca dure une heure, et c'est assez éprouvant. La danse se réduit pour lui essentiellement à une figure : la pirouette. Lentement, rapidement, très rapidement, avec ou sans mouvements de bras, il tournoie. Et c'est à peu près tout. Le spectaculaire devient très rapidement répétitif, lassant, puis énervant. De plus, les danseuses, engoncées dans des tenues blanches qui semblent gêner leurs mouvements, sont parfois peu synchrones, et n'ajoutent pas grand-chose : elles aussi pirouettent, mais avec moins de vivacité, et sans grâce particulière. Le tout est fort peu narratif, les tableaux se succèdent et se ressemblent, et je ronge mon frein. Heureusement, la musique, menée par Arjun Mishra, père du danseur, est agréable à suivre.

Light painting

Et soudain, tout devient beaucoup plus intéressant. La chorégraphie présente des séquences de quelques minutes, où figure le danseur vedette seul ou accompagné d'une ou deux danseuses, séparées par des photos : un coup de flash fige les danseurs, puis la scène est plongée dans le noir, et Julien Breton aka Kaalam vient dessiner des figures autour d'eux à l'aide de néons de différentes formes et couleurs. Le résultat, qui est la superposition des danseurs et des mouvements des néons qui ont dessiné une calligraphie dans l'air autour d'eux, est projeté sur grand écran derrière eux. C'est spectaculaire, un peu magique, et vraiment beau.

shiva ganga

Qui plus est, la danse elle-même est grandement meilleure que pendant la première partie ! Est-ce la nécessité de la fractionner en courtes séquences ? En tous cas, elle est plus vive, plus variée, totalement abstraite, et plus nourrie d'influences modernes. Bref, j'aurais eu grand tort de partir à l'entracte, car là je me suis régalé, et j'aurais aimé que ce soit un brin plus long !

Ailleurs : une présentation du travail de préparation, avec les photographies résultantes en fin de vidéo :


mercredi 2 octobre 2013

Harvey - Zimmermann - Pintscher (Cité de la Musique - 27 Septembre 2013)

Johann Sebastian Bach / Anton Webern - Fuga Ricercata a 6 voci

Manière d'ouvrir le concert, la saison, et sa place toute neuve de directeur musical de l'EIC, par un grand écart temporel, Matthias Pintscher choisit la transcription par Webern de cette page de l'Offrande Musicale. Je n'aime guère cette traduction de la polyphonie en mélodies de timbres, je préfère Bach d'un coté, et Webern de l'autre.

Jonathan Harvey - Two Interludes and a Scene from an Opera

Curieux projet que cet opéra de Wagner sur Bouddha ! Curieux projet que cet opéra de Harvey sur l'opéra de Wagner sur Bouddha ! De la scène chantée en duo par Claire Booth et Gordon Gietz, je retiendrai surtout la Ballade de Prakriti, et oublierai le récitatif sans grand intérêt qui y conduit. Mais les interludes purement instrumentaux me plaisent plus, le premier évoquant d'un grand fracas la crise cardiaque frappant Wagner et le voyage de son âme à travers les "mille tonnerres" du ciel, le second plus apaisé mais plein de belles et mystérieuses percussions et autres épices indiennes.

Bernd Alois Zimmermann - Sonate pour violoncelle seul

Pierre Strauch n'a plus le violoncelle moderne très design qu'il affichait l'an dernier ; est-ce un abandon définitif ou est-ce pour cette pièce seulement, nous verrons ... Il défend cette sonate avec force et concentration, donnant à la succession de techniques de jeu, de timbres mêlés, une unité basée sur l'intensité de l'instant présent.

Matthias Pintscher - Bereshit

Dans cette monumentale pièce aux sonorités en constantes mutations, j'ai nagé un peu en aveugle, sans trouver grand repère, et en m'ennuyant un peu, du coup ; heureusement vers la fin vient l'illuminer un splendide solo de violon, mené de main de maître par Jeanne-Marie Conquer.

Ailleurs : Michèle Tosi

lundi 30 septembre 2013

Inauguration de la deuxième salle (Le Triton - 22 Septembre 2013)

le Triton s'offre une deuxième salle baptisée S2, avec un parterre qui peut on non recevoir des chaises, et un étage en gradin. A cette occasion, des invités prestigieux et habitués se succèdent de 14h à minuit, dans les deux salles, et c'est gratuit ! Des pauses obligatoires permettent de vider les lieux, pris d'assaut par la foule mais sans hystérie. J'y reste le temps de deux séquences, l'une dans la salle historique S1, puis dans la nouvelle S2.

Archimusic

C'est la formation la plus nombreuse de la journée, du coup pendant le temps assez long de mise en place, je leader Jean-Remy Guédon explique son projet Le Rêve de Nietzsche. Enfin ils commencent pour 2 ou 3 chansons - aucune prestation ne doit dépasser la demi-heure. Ce qui me frappe, c'est la cohérence pas évidente a priori du dispositif, qui réunit autour d'un centre rythmique étoffé (batteur + contrebassiste + bassiste électrique), un quatuor de vents qui se la joue classique (hautbois + clarinette + clarinette basse + basson), un duo de souffleurs furieusement jazz (saxophone + trompette), et un chanteur qui rappe autour de textes de Nietzsche. Et le tout marche admirablement, on se laisse emporter et transporter au sein des flux musicaux qui alterne ou conjugue ces différents blocs. Une belle démonstration du talent d'écriture de Guédon, et de la belle et forte musique, tout simplement.

archimusic

Domancich / Goubert

Si je me délecte des rythmes inventifs et variés de Simon Goubert derrière sa batterie, j'ai plus de mal à apprécier le piano de Sophia Domancich, qui reste trop en arrière-plan à mon goût.

domancich / goubert

Léandre / Charolles / Robert

Musique improvisée, donc, aux marges du théâtre happening, et tout plein d'humour. Ça commence par Yves Robert qui promène son trombone à coulisse au ras de scène, comme s'il passait l'aspirateur, ça continue par le batteur Denis Charolles qui couvre ses fûts d'un bric à brac de percussions bizarres, tandis que Joëlle Léandre se lance dans un concours de grimace, tout en balançant l'énergie habituelle de sa contrebasse. Au milieu des surprises qu'ils essaient de se faire les uns les autres, Léandre et Charolles en quasi-bruitistes, Robert plus dans le poétique un peu lunaire, il sera beaucoup question, entre autres délires, de pâtisseries au chocolat.

léandre / charolles / robert

Je change ensuite de salle.

Atlas Duo

Entre la clarinette de Louis Sclavis et le piano de Benjamin Moussay, il y a beaucoup d'espace, de vent brûlant qui vient du désert, des évocations de paysages un peu terrifiants où la place de l'homme est incertaine, mais où la force de l'esprit souffle. Une musique sans esbroufe mais qui emmène loin.

atlas duo atlas duo

Andy Emler méga-quartet

Je ne pense pas que ce soit le nom officiel de cette formation, mais lancé comme une boutade, ça lui va bien ! On y trouve la maîtrise sereine du pianiste Andy Emler, la générosité tourmentée du contrebassiste Claude Tchamitchian, le lyrisme éclaté du saxophoniste Thomas de Pourquery, et la folie jubilatoire du trompettiste Médéric Colignon. Il en manque un : le batteur habituel de cette formation, Eric Echampard, n'a pas pu venir, et est remplacé au dernier moment par Edward Perraud, pour moins de sauvagerie animale, et plus de brillance multicolore : formidable capacité d'adaptation, il entre dans le jeu avec enthousiasme et à-propos, à peine cornaqué par Tchamitchian. Belle prestation d'ensemble, peut-être un peu trop balisée.

andy emler mega-quartet

Verlaine Les Airs

Cela commence par John Greaves au piano, accompagné par Guillaume Roy à l'alto ; puis il s'installe à la basse, Eve Risser le remplace au piano, Thomas de Pourquery et Jeanne Added donnent de la voix (Elise Caron est présente dans la salle mais aphone), Olivier Mellano pousse de grands coups de guitare. Musique pleine d'émotions, portée par les mots de Verlaine, par une instrumentation changeante et atypique (pas de batterie, entre autres, sans oublier l'alto virtuose d'un coté et une guitare électrique au son très rock de l'autre), et par les voix ; plaisir de retrouver la chair de poule que provoque Jeanne Added. Musique captivante, qui ne se donne pas entièrement à la première écoute, et qui me donne très fortement envie d'y retourner pour mieux l'approfondir.

verlaine les airs verlaine les airs
verlaine les airs

Passer de Nietzsche à Verlaine, mais en musique, voilà un beau programme d'après-midi !

Ailleurs : plus de photos

mercredi 25 septembre 2013

Alexandre Astier - Que Ma Joie Demeure ! (Cité de la Musique - 20 Septembre 2013)

C'est à l'occasion de la sortie du DVD qu'Alexandre Astier reprend ce spectacle en tournée, en le remaniant un peu, ne serait-ce que pour l’accommoder aux béquilles qu'il doit utiliser suite à un petit accident survenu quelques jours avant.
Ce qui structure la pièce, c'est un cours que Bach doit donner à un public à peu près inculte, à l'occasion d'une journée porte ouverte à laquelle il tente, c'est l'introduction en voix-off, d'échapper en écrivant une lettre obséquieuse qui n'a pas les effets voulus. Quelques sorties émaillent cette longue journée pédagogique, qui éclairent des aspects plus ou moins inédits de la personnalité de Johann Sebastian Bach (qu'Astier insiste à prononce Back, sans indiquer pourquoi ...). J'apprends par exemple qu'il gagnait de l'argent en expertisant les orgues. D'autres anecdotes sont plus douteuses. Je ne pense pas qu'on sache grand-chose sur sa façon de diriger les ensembles (orchestraux ou vocaux) mis à sa disposition. Mais le pire est la page "ethnomusicologique", avec gamme chinoise pentatonique, polyrythmies africaines, et percussions d'Amérique du Sud ... Comme me fait remarquer un ami, déjà, chercher l'Allemagne sur la carte, c'est un anachronisme assez ridicule. Et si c'est fait exprès, c'est pas vraiment drôle ...
Coté musique, il n'y a pas grand-chose. Astier joue quelques airs sur un clavecin, histoire de démontrer le passage d'une mélodie au ternaire, ou au 15/16. Mais c'est de l'illustration. Le spectacle est un one-man show, sans aspect de concert.
Et est-ce drôle, donc ? Oui, c'est un bon moment. Mais rien de plus. Il faut un moment pour détacher de sa voix, de son débit, de ses structures de phrase, le personnage du roi Arthur qui dans Kaamelott s'en servait pour se batîr, et qui appartiennent en fait à Alexandre Astier, qui les utilise tels quels pour son Bach. On peut alors apprécier les dialogues simulés dans des situations absurdes, comme avec cette ruche installée dans les tuyaux d'orgue détachés. Entre Arthur et Bach, il y a aussi ce point commun d'avoir la conviction d'être entouré d'incapables ou de demeurés (auquel le public est assimilé, alors que nombreux y sont ceux qui savent lire une partition, même s'ils se laissent piéger par l'absence de clé !).
Par moments, il part plus vers l'émotion, quand il évoque la mort de ses enfants, par exemple. Ce ne sont pas mes moments préférés, surtout quand il sous-entend que Bach s'est astreint au contrepoint, une technique déjà obsolète en son temps, parce que cela générait une musique au flux ininterrompu, la mieux à même de réguler les problèmes d’arythmies cardiaques fatals à plusieurs de ses enfants (curieusement, on retrouve cette lourdeur du thème père-enfants dans le livre V de Kaamelott).
Une soirée agréable, mais qui ne sera sans doute pas particulièrement mémorable, et dont j'attendais plus.

alexandre astier

samedi 21 septembre 2013

Chien-Hao Chang - Three For One / Compose / Vaulting (Théâtre des Abbesses - 17 Septembre 2013)

Chien-Hao Chang a fondé sa compagnie de danse avec ses deux frères Chien-Chih Chang et Chien-Kuei Chang, tous trois sont de jeunes chorégraphes et danseurs taïwanais, issus du concours "Danse élargie". Ils présentent ce soir trois courtes pièces.

Three For One

Très curieux choix musical : "Lillies of the Valley" de Jun Miyake. Beau morceau, mais qui est très marqué par l'utilisation qu'en a faite une certaine Pina Bausch pour Vollmond ! Ce qui met la barre beaucoup trop haut, surtout quand le niveau technique est à peine là (beaucoup d'approximations dans les positionnements, d'arrêts dans ce qui devrait être fluide, de gaucherie réelle qui ne devrait être que feinte à fin d'humour ...). Du coup, ça n'impressionne guère ...

Compose

Le trio est augmenté d'une danseuse, on entend du Bach pour violon, les corps imitent des mouvements d'archets, se prennent pour les instruments de musique eux-même, c'est plus calme, mais ça reste un peu incertain dans la technique et anecdotique, ne suscitant guère d'émotion.

Vaulting

Un quatuor de garçons, qui déboulent sur scène en tenue de cirque, sautent au-dessus de chaises, se lancent des défis, se chamaillent et s'amusent. A la danse se mêle des élans circassiens, des postures d'art martial, c'est peut-être la pièce qui m'a le plus plu, parce que la plus cohérente, celle où le résultat me semble le plus proche de l'ambition initiale.

lundi 16 septembre 2013

John Zorn - Marathon Zorn @ 60 (Cité de la Musique et Grande Halle de la Villette - 7 Septembre 2013)

Pour ses 60 ans, John Zorn a choisi quelques lieux dans le monde où donner un aperçu de sa créativité au travers d'une série de concerts où se succèdent diverses formations et styles. Les trois étapes sont clairement distinctes :
- à la Cité de la Musique, sera mis en avant l'aspect le plus écrit de sa musique, le plus proche de la musique contemporaine ;
- dans la salle Charlie Parker de la Grande Halle de la Villette, ce sera le Jazz qui sera prédominant, et ses couleurs multiples ;
- et enfin, sous la Nef, l'énergie du Rock.

1.1 Illuminations

Je ne sais plus quel article m'avait poussé à acheter l'album Rimbaud, excellent album qui présente 4 pièces très différentes les unes des autres. La troisième, "Illuminations", jouée ce soir, conjugue une partition pour piano, totalement écrite donc, interprétée avec beaucoup d'allant par Steve Gosling, et une paire rythmique contrebasse-batterie, qui improvise dans un vocabulaire Free Jazz. Trevor Dunn à la contrebasse et Kenny Wollesen à la batterie crée une belle couche de magma pulsatif qui soutient le piano, l'enrobe ou le submerge par moment. Sur la longueur cependant, le dispositif fatigue un peu.

1.2 The Holy Visions

Cinq chanteuses pour des chants rendant hommage à Hildegard von Bingen. C'est une succession d'épisodes variés, où surgissent soudain des mélodies moyenâgeuses, ou des boucles à la Steve Reich. L'ensemble, bien que fort joli, m'envoute moins que le Cantique des Cantiques en 2009 ; et curieusement, je songe à ce que Steve Coleman ferait d'un Five Elements purement vocal.

1.3 The Alchemist

Pour conclure ce premier concert assez court, le quatuor Arditti s'installe sur scène. Et là, c'est le drame : ils sont amplifiés ! Pourquoi, dans cette salle qui lors des Biennales voit défiler bien des quatuors qui s'en passent fort bien, et devant un public pas turbulent du tout, décider de détériorer le son de ces quatre maîtres par des micros et des haut-parleurs ?!? Surtout qu'on ne parle ici ni de spatialisation, ni d'effets électroniques. Juste une partition pour quatuor qui ne présente en plus pas grand-chose d'original, et à laquelle, à cause de cette amplification, j'ai bien du mal à m'intéresser. Déception.

2.1 The Concealed

Les choses plus sérieuses commencent à la Villette, mais pour monter en puissance, il faut commencer léger. Dans ce groupe, il y a une couche rythmique très habituelle chez Zorn, à savoir Trevor Dunn à la basse, Joey Baron à la batterie, Cyro Baptista aux percussions. Les mélodies passent entre John Medeski au piano, Kenny Wollesen au vibraphone, et, le plus souvent jouant comme une paire, Erik Friedlander au violoncelle et Mark Feldman au violon. Jolies mélodies, à la manière Book of Angels, mais étrangement peu de digressions, ou d'improvisations autour. Exposition, échos, redites, réexpositions, tout cela tourne un peu à plat, et sonne comme un gâchis, vus les talents réunis sur scène.

the concealed

2.2 Acoustic Masada

Premier grand choc de la soirée, du coup : le Masada original, avec Greg Cohen à la contrebasse qui vient rejoindre Joey Baron à la batterie, et Dave Douglas qui s'installe à coté de John Zorn. On a l'impression qu'ils n'ont plus aucun besoin d'échauffement, ou de répétition. Dès qu'ils se lancent, la magie opère, et comme le temps est compté, ils foncent et donnent tout, les solos époustouflants, la rythmique qui explose, le Klezmer qui fait danser, le chaos qui se fait dompter, tout est dit en à peine deux ou trois morceaux extraordinaires. Ils en ajoutent deux ou trois en plus, mais rapidement, comme des aperçus. Court mais intense.

acoustic masada

2.3 The Dreamers

De nouveau, Joey Baron, Cyro Baptista, Kenny Wollesen, Trevor Dunn. Jamie Saft aux claviers. Et surtout, Marc Ribot à la guitare. Ce soir, Zorn laisse bien de la place à Ribot, qui en profite, et plonge cette délicieuse musique dans un bain de Blues puissant et jouissif. Avec un peu de Western et de Surf, pour varier les plaisirs. Enorme. La joliesse des mélodies en sort toute ragaillardie, et chaque chanson voit son climat, son paysage particulier, splendidement accentué et mis en relief.

the dreamers

2.4 Bar Kokhba

Et là, joie, le concert ne se termine pas, et reviennent sur scène Joey Baron, Greg Cohen, Cyro Baptista, Marc Ribot, Erik Friendlander, et Mark Feldman, pour le "Bar Kokhba Sextet", une des premières déclinaisons de ce potentiel de musiciens amis qui tournent autour de Zorn. Cette fois, on entend bien mieux Feldman et Friedlander, dans leur lyrisme et leur déchirement, et c'est encore une fois magnifique. Quel fabuleux concert !

bar kokhba

le graffiti

3.1 The Song Project

A la Nef, on est debout, et nombreux, entre la scène et le bar. Ca commence par ce curieux groupe, qui mèlent aux habitués (Wollesen, Medeski, Ribot, Dunn, Baron, Baptista) troix voix, mais qui ne chantent que chacune à son tour. Mike Patton pour l'aspect le plus rock/blues, Sofia Rei pour des couleurs World, et Jesse Harris pour de la Pop sucrée. Les chansons sont en fait des reprises de vieux morceaux de Zorn, mais je ne les connais pas assez (voire souvent pas du tout) pour apprécier ce qu'y apporte l'ajout de texte. C'est assez décousu, agréable par moment, mais peu convaincant dans l'ensemble.

le bar

3.2 Moonchild

Beaucoup dans le public sont venus pour ça : écouter Mike Patton hurler, éructer, gronder, sermonner, beugler, et vociférer de diverses manières. C'est certain, c'est impressionnant. A coté, Joey Baron et Trevor Dunn balancent une rythmique bien lourde et plombée, et John Medeski orne de quelques ambiances un brin sales, à la limite du glauque. C'est impressionnant, mais rapidement répétitif. Et ça en devient barbant. Voire assommant, comme un gros de gourdin entre les oreilles. Remarquable travail des ingénieurs du son, cela dit : si je leur en veux d'avoir amplifié les Arditti à la Cité, le son dans la salle Charlie Parker était parfait de netteté et de relief, et dans la Nef, je ne souffrirai d'aucun sifflement ou compression, alors que le volume sonore est bien conséquent.

la tour

3.3 Electric Masada


Pour finir, on prend les mêmes et on recommence, en y balançant toute l'énergie qui leur reste. Kenny Wollesen et Joey Baron aux batteries, Cyro Baptista aux percussions, Trevor Dunn à la basse, Ikue Mori aux machines électroniques, Jamie Saft aux claviers, Marc Ribot à la guitare, et John Zorn au saxophone. J'ai du mal à apprécier autant que la dernière fois, sans  doute un peu fatigué. Cette musique toujours aussi bouillonnante me semble par moment brouillonne, voire même bruyante. Problème de distance avec la scène, aussi, je suis trop loin des musiciens pour vraiment entrer dans leur fourneau où fondent et flamboient mélodies couleurs et redoutables énergies.
electric masada

Ailleurs : Damien (1 2 3), Belette, Pascal Rozat (1 2 3), Clément Guillou ...

dimanche 1 septembre 2013

Planning Septembre-Octobre 2013

Après un planning Mai-Juin oublié, et un pour Juillet-Août qui aurait été totalement vide, il est temps de reprendre de bonnes habitudes.


samedi 24 août 2013

Cherkaoui Shivalingappa - Play (Cité de la Musique - 18 Juin 2013)

C'est rare de voir de la danse à la Cité. Ou alors, est-ce de la musique avec de la chorégraphie ? C'est ce qu'on pourrait croire au début, quand la scène est bouchée par quatre petits plateaux où sont installés les musiciens de la Compagnie Eastman, entourés chacun de plusieurs instruments, et qui débutent en utilisant les plus exotiques, ici une harpe celtique, là un koto, là un dulcimer (une sorte de cithare), dans un mélange de sources et de cultures plutôt réussi et enthousiasmant. Rapidement bien sur, ces petits plateaux s'écartent et reculent, et les deux vedettes, Sidi Larbi Cherkaoui et Shantala Shivalingappa, occupent le terrain.
"Jeu", donc, dit la pièce. De fait, il y aura une partie d'échec en blitz, projetée en grand sur un mur en fond de scène - la technologie scénographique utilisée est assez riche, entre le naturel du matériel utilisé, beaucoup de bois, et les effets vidéos, qui savent se renouveler le long de la pièce. Plus tard, des jeux avec des marionnettes, des jeux de théâtre.
Mais surtout, le plaisir de jouer l'un avec l'autre, et d'échanger les styles. Si voir Cherkaoui danser dans un style kuchipudi est plaisant, c'est quand Shivalingappa se lance dans les contorsions habituelles de son partenaire que l'émotion est la plus grande, tant elle se lance avec un plaisir communicatif dans ses traversées de plateau sur les genoux, ou autres acrobaties gymnastes et virtuoses.
Il y a l'habituel quart d'heure bisounours cher à Cherkaoui, même si c'est Shivalingappa qui s'en charge, dans un discours qui parle d'entraîner son cerveau à être gentil. Avec sa voix à elle, et sa sincérité, c'est moins fadasse que souvent.
Au final, de la belle musique, de la danse spectaculaire, beaucoup de partage et de plaisir sur scène, des surprises, de l'émotion, un bon spectacle de fin de saison.

play


dimanche 7 juillet 2013

Pina Bausch - Kontakthof (Théâtre de la Ville - 16 Juin 2013)

De cette pièce mythique, que dire ? Que ce qui m'a le plus frappé, c'est l’absence de spectaculaire. Ce qui explique qu'on ait pu sans trop de difficultés l'adapter pour des personnes âgées ou pour des adolescents : aucun mouvement ne demande un entrainement athlétique particulier. Par contre, de l'engagement, il en faut, mais surtout émotionnel : pour se déshabiller des deux cotés du plateau ; pour laisser son corps catatonique se laisser toucher de manière de plus en plus abusive et scabreuse par des hommes agglutinés ... Tout au long de la pièce, on retrouve ce qui sera ensuite redit et réutilisé dans d'autres pièces : les cheminements d'ensemble (qui miment ici le passage des saisons), la cruauté de la séduction et de l'amour non partagé (un corps qui s’agrippe à un autre qui le rejette : ce sera plus violent dans "Barbe-bleue" il me semble), la part d'anecdotes personnelles plus ou moins compréhensibles par le public, les interactions avec le public (ici, une danseuse réclame des pièces de monnaie pour jouer sur un cheval mécanique aux vibrations suspectes) les choix musicaux ...
Pour peut-être  la dernière fois où je verrai le Tanztheater Wuppertal sur scène, ce fut un adieu serein.

kontakthof

Myssil (Atelier du Plateau - 15 Juin 2013)

C'est grâce à l'émission "Alla Breve" que j'ai pris connaissance de ce concert, Anne Montaron profitant de la diffusion des "Apparitions" de Marc Ducret pour en faire la réclame (et de fait, elle est présente ce soir).
Myssil, c'est un duo : Noémi Boutin, violoncelle ; Sylvaine Hélary, flûtes. Je ne connaissais pas la première, mais j'avais déjà vu la seconde dans cette même salle (et elle était venu rectifier mes grossières erreurs en commentaire ...).
Alors même qu'il s'agit de musique écrite et interprétée, le rituel du concert de musique classique ou contemporaine n'est pas suivi : en particulier, le programme est annoncé en milieu de parcours, "nous avons commencé par ... suivi de  ... et maintenant nous allons jouer ... puis ..." ; je note comme je peux les titres et les auteurs. Comme j'ai trop attendu avant d'écrire ce billet, certains détails maintenant m'échappent ...

Sylvain Lemêtre - Faire et Dire

Dans cette pièce se révèlent certaines caractéristiques prépondérantes de ce duo, et des pièces qu'elles commandent ou choisissent de jouer : la parole y joue un rôle important, ici des variations pleines d'humour (mais pas que) sur des locutions à base de "faire" et de "dire" ; le rythme aussi, les deux musiciennes croisant leurs lignes de texte avec une grande précision ; et l'engagement corporel (quoique je ne sais plus pour cette pièce). C'est intriguant, amusant, bien enlevé, ça me plait.

missyl à l'atelier du plateau

Kaija Saariaho - Mirrors

C'est l'oeuvre la plus "classique" jouée dans ce concert, mais aussi la moins typique des choix des musiciennes. On est dans du Saariaho habituellement onirique et flottant (avec des bribes de paroles, aussi).

Sylvain Lemêtre - Les Anges du Bizarre

Il me semble avoir moins aimé que "Faire et Dire", parce que le début de la pièce est moins rythmique, et m'intéresse moins. Mais ça s'améliore par la suite.

Marc Ducret - Apparitions

C'est en un sens pour cette pièce que je suis venu à ce concert, mais je n'ai plus aucun souvenir de cette musique ! (et la refonte du site de France Musique m’empêche de la réécouter ...)

Frédéric Aurier - Les Noces de la Princesse son Altesse Royale

Je simplifie le titre, qui donne le nom que je n'ai pas pu transcrire ... Frédéric Aurier vient expliquer de quoi il s'agit : des tablettes ont été découvertes par des archéologues présentant une cérémonie de mariage, avec des lignes qui ne pouvaient être du texte, et représentaient sans doute de la musique. Aurier a tenté d'imaginer ce qu'elle pouvait être, et a décidé d'une instrumentation, qui nécessite l'ajout au duo violoncelle flûtes d'un percussionniste (qui sera Sylvain Lemêtre, compositeur mais aussi musicien, donc, comme il l'était déjà pour le quatuor "Printemps" de Hélary), et d'un violoniste, à savoir Frédéric Aurier. Il y a trois parties : je ne me souviens pas de la première ; la deuxième est un cortège solennel avec des échos de Gagaku ; la troisième une suite de danses, qui sonnent si anciennes qu'elles deviennent intemporelles. Belle évocation d'une culture autre, lointaine et pourtant proche.

missyl à l'atelier du plateau

François Sarhan - Vice Versa

En premier bis, voici une pièce emblématique de ce duo, même si elles abandonnent pour l'occasion leurs instruments respectifs, au profit de leur deux corps, qu'elles frappent  et giflent bien en rythme, pour une partition de percussion et de mots échangés. Surprenant, spectaculaire, et captivant.

missyl à l'atelier du plateau

Albert Marcoeur - Trois chansons

Les deux acolytes compositeurs et musiciens reviennent et tous s'amusent dans des transcriptions de chansons iconoclastes et farfelues (tendance Zappa ?) datant des années 70 (et là encore, du texte, de l'humour acide, et du rythme !).

Au final, voici un duo qui crée son propre territoire, musical et scénique, et qui dégage beaucoup d'énergie positive, à suivre !

lundi 17 juin 2013

Maria Muñoz - Bach (Théâtre des Abbesses - 4 Juin 2013)

Je n'aime pas me retrouver à l'étage au Théâtre des Abbesses. On y perd fortement en terme de proximité et du coup en intimité, ce qui est pourtant généralement l'un des charmes des spectacles programmés dans cette plus petite salle. C'est le cas ici : une danseuse seule sur une scène vide, avec à peine un peu de musique (des extraits du "Clavier bien tempéré" de Bach joué par Glenn Gould), et pourtant une forte présence, mais la distance est trop grande, impossible de discerner les expressions de son visage, par exemple. La danse non plus n'est pas spectaculaire ; souvent, elle démarre avant la musique, qui la rejoint au bout d'un temps ; la première séquence évoque certaines poses de flamenco ; il doit y avoir d'autres sources que je ne connais pas. Par moments, Maria Muñoz, qui est la danseuse et la chorégraphe, s'arrête, sort de la piste, boit un peu. Puis redémarre. Se dégage une impression de sincérité qui force le respect, et j'y vois un message radical dans sa simplicité : "je suis vivante, et je suis là".

maria muñoz



dimanche 9 juin 2013

Concerts Gais 11 (Temple des Batignolles - 2 Juin 2013)

Nikolaï Rimski-Korsakov - Ouverture de la Fiancée du Tsar

Ca commence par une marche militaire bien relevée, et après un court passage aux cordes, les cuivres se mettent en marche pour tout écraser sur leur passage - dans ce temple, leur donner trop de volume sonore ne pardonne pas. Le précédent chef y faisait bien attention, mais Julien Vanhoutte pas. Ce n'est pas ma musique de prédilection au départ, mais là du coup, on ne l'entend guère.

Gabriel Fauré - Pelléas et Mélisande

Le livret, plus cheap que d'habitude puisqu'en noir et blanc et sans aucune publicité, mais toujours instructif et amusant grâce aux textes de Klari von MachinTrucChose, indique que Debussy considérait cette musique digne d'un "casino de station balnéaire". De fait, ça roule gentiment, c'est tendre et c'est moelleux, la Sicilienne (la seule pièce que je connais) pourrait être (a été ?) utilisée comme générique d'émission de vulgarisation culturelle, mais tout ça est surtout gentiment fadasse, limite sans intérêt.

les concerts gais

Claude Debussy - Prélude à l'après-midi d'un faune

Après l'entracte, changement de braquet. Ce chef d'oeuvre, je l'ai entendu parfois magnifié, parfois massacré. On est ici dans la première catégorie : des tempi d'une souplesse parfaite, qui suivent les mélodies aux détours de leurs éclosions ; un flûtiste humble et sans faute, à sa place ; une avancée à tâtons, comme au travers d'un rêve ; les montées orchestrales, et les soudaines retenues, parfaitement négociées, sans forcer ; l'émotion ô combien présente. C'est beau. J'étais venu essentiellement pour cette pièce, et l'interprétation valait largement le déplacement. Bravo au manager artistique pour cette suggestion de programme, au chef Julien Vanhoutte et aux musiciens des Concerts Gais pour l'avoir si brillamment menée à bien !

Camille Saint-Saëns - Concerto pour violoncelle n°1

Encore un concerto pour violoncelle, genre que j'adore, mais si prolifique depuis 150 ans ! Je ne connaissais pas celui-ci, et pensait ne pas être vraiment intéressé (trop romantique, disons). Et puis rapidement, le jeu de la soliste Marlène Rivière me capte, et finalement, ce concerto me séduit tout à fait. Quelle histoire raconte ce violoncelle, je ne sais pas, il y a de l'intime, et de l'humour, beaucoup d'allant, des coups de force et de petites douceurs. Autour du soliste, l'orchestre, essentiellement, accompagne : pas vraiment de confrontation, ou de lutte. En fait, je ne l'ai pas vraiment écouté, tout concentré que j'étais sur Rivière.
En bis, elle nous joue la sarabande de la 4ème suite de Bach, et comme le public continue à manifester son grand enthousiasme, c'est l'orchestre qui vient achever la soirée par un "Finlandia" de Sibelius particulièrement lourd et bruyant.

marlène rivière aux concerts gais

Ailleurs : Joël, Klari

Alexandra Grimal - Benjamin Duboc (Ackenbush - 31 Mai 2013)

L'agenda d'Alexandra Grimal m'envoie parfois à la recherche de lieux inédits. Cette fois, C'est Ackenbush, une salle à Malakoff, un grand carré parqueté avec quelques rangées de chaises, qui donne régulièrement des concerts d'improvisation (et tiens, du Morton Feldman la semaine prochaine ...). Ambiance particulièrement conviviale, la plupart des spectateurs sont des habitués, sans que je me sente du tout exclu ! Beau travail des hôtes, qui après le concert ouvrent leur cuisine où s'installent les spectateurs et les artistes, pour quelques verres de vin ou de jus de fruits accompagnés d'amuse-gueule, dans une tranquille et décontractée discussion agrémentée d'anecdotes de musiciens itinérants ! Le tout pour une somme si particulièrement modique que cela doit compter pour du mécénat ...

alexandra grimal / benjamin duboc

Et la musique, entre-temps ? Dans ce genre de contexte de pure improvisation, Alexandra Grimal est devenue moins attentiste qu'il y a quelques années, elle est plus volontaire, et propose plus facilement des idées de départ, que ce soit une sonorité un peu caverneuse, un rythme, une mélodie ... Quant à Benjamin Duboc, c'est de manière surprenante vue sa grande activité, la première fois que je croise son chemin. il faudra d'autres concerts pour apprécier l'étendue de ses possibilités, puisqu'ici il ne fait que frôler le bruitisme (coups et caresses de la caisse de son instrument ; Grimal répond par le cliquetis des clés du saxophone) par exemple. En fait, les meilleures parties sont pour moi les plus simples et directes : un rythme vif et allègre à la contrebasse, un flux de notes tourbillonnantes et fraîches au saxophone (soprano, du coup, la plupart du temps : Alexandra Grimal utilise plus facilement le saxophone ténor pour des recherches de sonorité). Deux sets, pour une bonne heure et quart de musique, où les passages à vide (où on sent pointer des formules en pilote automatique) sont rares.

alexandra grimal benjamin duboc

Ailleurs : Le dernier disque d'Alexandra Grimal est disponible en vente uniquement sur Internet : Héliopolis - Dragons

samedi 1 juin 2013

Heinz Holliger - Scardanelli-Zyklus (Cité de la Musique - 30 Mai 2013)

C'est un vaste cycle de près de 2h30, contenant des pièces vocales, orchestrales, et pour flûte soliste. La plupart d'entre elles sont basées sur des idées plutôt abstraites de forme, genre "trois présentations d'un canon pour sept voix de femmes : staccato en demi-ton, non-staccato en quarts de ton, tenuto en huitièmes de ton. Chaque chanteuse chante dans le tempo donné par son pouls" (ça, c'est pour "Sommer III"). Ou bien on se plonge dans les descriptifs et on tente de suivre les canons, les quarts de ton, les rythmiques plus ou moins libres, ou bien on se laisse flotter, au gré des épisodes qui recréent des cycles de saison.
Le Choeur de la Radio lettone m'impressionne guère, l'Ensemble Intercontemporain est égal à lui-même, Heinz Holliger dirige tranquillement tout ce beau monde, et de temps en temps déclame d'une voix de stentor les dates et signatures farfelues qui ornent les poèmes de Hölderlin qui servent de base d'inspiration. Mais la star de la soirée est la flûtiste Sophie Cherrier, en particulier dans "(t)air(e)", qu'elle transcende en une prodigieuse quête quasi-mystique d'une beauté baignée de mystère.

holliger et eic

Les Dissonances - Britten, Barber, Bernstein (Cité de la Musique - 23 Mai 2013)

Henri Dutilleux - Trois strophes sur le nom de Sacher

Le compositeur Henri Dutilleux ayant décédé la veille, le concert débute par un hommage : Xavier Phillips nous offre des Trois Strophes une intense version, qui débute très abstraite et comme improvisée, dans le bruitisme et la plus grande modernité, et finit dans la frénésie hallucinée. 

Benjamin Britten - Variations on a Theme of Frank Bridge

Une introduction, une dizaine de variations, et un finale, en moins d'une demi-heure : chaque séquence est courte, fortement typée (marche, bourrée, valse, marche funèbre ...) ; comme je n'y distingue pas le thème, ce sont pour moi des pages disparates qui se succèdent, et qui ne me passionnent guère.

Benjamin Britten - Lachrymae

C'est surtout pour cette pièce que j'avais choisi ce concert : j'ai beaucoup écouté ce disque de Kim Kashkashian qui en a emprunté le titre. Mais hors contexte, je ne reconnais rien ! Là encore, catalogues de variations successives. David Gaillard est techniquement excellent, mais je regarde passer la musique sans être emporté. C'était pas le bon soir pour moi, il semblerait.

Samuel Barber - Adagio pour cordes

Très belle interprétation de cette musique parfois facilement rabâchée ; David Grimal et ses Dissonances y mettent une impressionnante tension, qui happe l'attention le long des 10 petites minutes de l'oeuvre.

Leonard Bernstein - Sérénade pour violon, cordes, harpe et percussion

Les cinq mouvements prennent les noms des convives du Banquet de Platon. Les ambiances ont plus le temps de s'installer que pendant les pièces de Britten, et du coup j'apprécie beaucoup plus, surtout le début et la fin, énergiques et colorés (les passages émotion sont un peu trop conventionnels).
De plus, entre la nonchalance élégante de David Grimal, et les sourires et regards que s'échangent tous les musiciens, il y a du bonheur qui flotte sur toute la scène, ce qui rend cet ensemble très agréable à regarder en concert !

Spotify Gidon Kremer & Wiener Philharmoniker & New York Philharmonic Orchestra & Israel Philharmonic Orchestra & Christoph von Dohnanyi & Leonard Bernstein – Glass: Violin Concerto / Rorem: Violin Concerto (1984) / Bernstein: Serenade After Plato's "Symposium" (1954) For Solo Violin, String Orchestra, Harp And Percussion ; Marc Coppey – Dutilleux: Tout Un Monde Lointain, Trois Strophes - Caplet: Epiphanie

Anne Teresa De Keersmaeker - Elena's Aria (Théâtre de la Ville - 19 Mai 2013)

ATDK n'aime pas répéter trop longtemps les mêmes formules, et régulièrement, essaie un autre style, une autre approche, dans des ruptures qui font d'elle cette créatrice passionnante à suivre, toujours dans la recherche et le doute. On voit par cette pièce, qui a été créée juste après "Rosas danst Rosas", et qu'elle reprend cette année pour la première fois, que c'était vrai dès le début de sa carrière. Musique rare et à l'arrière-plan, mouvements qui tardent à se mettre en place, pénombre persistante, une sorte de souffrance contrainte à la place de la jubilation énergique, c'est comme une inversion des premières pièces.
A trente ans de distance, on peut repérer des points de rapprochements avec les pièces les plus récentes, dans le traitement de la lumière, de l'attente, de la tension douloureuse. Mais là où j'étais captivé, voire subjugué, ici je me suis essentiellement ennuyé.
Sur la scène, plein de chaises, et quelques danseuses ; cinq, en fait, mais au départ on n'en voit que trois. Elles se chassent d'une chaise à l'autre de quelques mouvement coordonnées. Se lèvent, font quelques chaises, retombent. Actions diffuses, ambiances confuses.
Des textes sont lus, mais avec des accents qui les rendent très peu compréhensibles, des vidéos d'immeubles qui s'effondrent sont projetées, tic moderne de l'époque, devenu obsolète depuis.
Il y a évolution. Au départ séparées ou opposées, les danseuses finissent par établir des séquences qui les unissent toutes, et synchronisées. Et il y a une sorte d'épilogue : les danseuses assises en front de scène répètent quelques gestes fatigués. Certains y trouvent une grande émotion, j'y reste hermétique. Globalement, je respecte, mais j'accroche pas, tout simplement.

Ailleurs : La souris, Native Dancer, Théâtre du blog ...


mercredi 22 mai 2013

Duo d'Elises (Le Triton - 17 Mai 2013)

C'est une offre spéciale qui m'a décidé à aller à ce concert, et c'était une excellente idée !
Deux femmes sur scènes, toutes deux prénommées Elise, d'où le nom, l'une avec une flûte, puis une guitare, l'autre avec une contrebasse, et toutes deux chanteuses, et c'est parti pour un grand et unique set d'improvisation totale.
Je connaissais un peu Elise Caron, l'ayant vue il y a trois ans dans "La voix est libre", dans son duo avec Edward Perraud qui m'avait plus impressionné que plu. Je n'avais jamais entendu parler d'Elise Dabrowski, chanteuse contrebassiste et improvisatrice, ce qui la place automatiquement dans le même territoire que Joëlle Léandre. A la différence que Dabrowski est une vraie chanteuse lyrique mezzo soprano.

duo d'élises au triton

Cela commence par un duo flûte - contrebasse, avec du coup beaucoup d'espace entre le grave de l'une et l'aigu de l'autre, que la voix ne fait qu'accentuer, les premiers morceaux sont plutôt tendres et poétiques, complices et émouvants. Caron chante comme une vieille dame ou comme une petite enfant, récite (ou invente ?) des poèmes sur un monde reconstruit chaque matin, Dabrowski répond avec une assurance vocale qui donne quelques frissons à cette courte distance, et alterne entre l'archet et les doigts pour faire chanter, grincer, vibrer, gronder, s'envoler sa contrebasse.
A un moment, Caron abandonne la flûte pour une guitare sèche, apparemment sur l'insistance de Dabrowski. Elle l'accorde lentement en roulant des yeux, puis y lance une petite comptine. Les choses deviennent plus légères et joyeuses, et cela termine dans des éclats de rire, les deux Elises croisant leurs délires absurdes et plus ou moins onomatopéïques, au milieu des rires du public ravi d'être là et conquis.

duo d'élises au triton duo d'élises au triton

Spotify : Edward Perraud, Elise Caron – Bitter Sweets