mercredi 15 août 2018

Bach en 7 paroles 6 - Voici l'homme (Philharmonie de Paris - 31 Mars 2018)

Johann Sebastian Bach - Johannes Passion


Placer une Passion dans un cycle de cantates, cela représente forcément un sommet, à travailler soigneusement. Par rapport au principe de ces "7 paroles", qui est d'agrémenter la musique de Bach d'autres apports artistiques, Raphaël Pichon reste cette fois-ci assez sobre (éclairages de Bertrand Couderc, efficaces à diriger l'attention et structurer l'oeuvre, sans être trop spectaculaires), mais généreux (en ajoutant plusieurs autres musiques, essentiellement de Bach aussi).
Cette générosité finira par être un des points faibles de la soirée, les motets et extraits de cantates ayant parfois du mal à prouver leur utilité et leur pertinence dans le déjà immense récit de la Passion selon Saint Jean. Placer un "es ist vollbracht" (celui de la BWV 159) entre la première et la seconde partie, comme une prédiction, n'apporte pas grand-chose d'autre que de la confusion. Mais cela pèse peu dans une soirée assez exceptionnelle, et où l'emportent aisément les points forts.

L'introduction, tout d'abord. Au lieu de débuter par le tétanisant "Herr, unser Herrscher", Pichon choisit un air anonyme "O Traurigkeit, O Herzeleid !" où dialogue Lucile Richardot, logée dans les hauteurs, et le chœur, qui, venant des coulisses, progresse peu à peu à travers la salle pour finir sur la scène. C'est une extraordinaire entrée en matière, comme une invitation au public à se laisser représenter par le chœur et à s'installer sur scène lui aussi. Et "Herr, unser Herrscher" en renforce son impact. Comme l'ensemble Pygmalion est au sommet de sa forme, intense mais souple et vivant, soignant les respirations, les pleins et les déliés, on est d'emblée à un niveau d'émotions particulièrement élevé.
Parmi les excellents solistes (Julian Prégardien en évangéliste, Tomas Kral en Jésus, Christian Immler en Pilate, mènent le récit avec toute la variété et la théâtralité nécessaires), je retiens une fois de plus Lucile Richardot, sa voix d'une richesse chromatique rare me capte et m'émeut à chaque aria ; et seul John Irvin me semble en faire un peu trop, dans l'émotion affichée plus que vécue.
Le chœur est comme d'habitude parfait, et ses interventions en tant que foule, déchaînements de violence traduits par des polyphonies pyrotechniques, sont particulièrement réussies, pas trop rapides ni flamboyantes, à la hauteur du drame qu'elles servent.
Après le vrai "Es ist vollbracht", suivi du décès de Jésus, un nouvel insert fait cette fois-ci plus sens : le choral "Ecce quomodo moritur" de Jacob Handl (appelé aussi Jacobus Gallus) permet une pause presque intemporelle, un retour à des racines archaïques, propice à l'introspection en ce moment fatidique, avant la reprise du récit.
Et au bout de tant de beautés et d'émotions, les deux grands chorals finaux ouvrent magnifiquement la porte vers le dernier épisode, "Consolation".

johannes

Ailleurs : Le concert est disponible pour quelques mois sur Live Philharmonie.

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