Manoury Harvey Schoenberg (Salle Pleyel - 9 Septembre 2012)
Philippe Manoury - Sound and Fury
Cette partition, que le compositeur décrit longuement sur son site, a été écrite pour les 75 ans de Pierre Boulez, qui aurait du la diriger ce soir, mais n'a pas pu suite à une inflammation oculaire, laissant la place à son assistant Clement Power, qui adopte le même type de gestuelle, quoique plus dynamique, privilège de l'age ... S'il y a un hommage de Manoury à Boulez dans cette musique, c'est peut-être dans l'opposition entre des passages en temps lisse, où j'entends des couches sonores lentement dériver les unes sur les autres dans une évocation mi-liquide mi-spatiale, et des passages en temps strié, beaucoup plus percussifs (abondance d'enclumes, entre autres). Une puissante énergie se dégage, potentielle ici dans les cuivres et les contrebasses, cinétique là, dans l'entremêlement des rythmes et des couleurs acides.
Dans les musiques sans électronique de Manoury, c'est une des pièces les plus réussies (par la suite, elles seront souvent trop agressives à mon goût), avec de belles mélodies en surface et des alliages orchestraux dotés d'une grande profondeur. Etrange et dommage qu'elle n'ait pas encore été enregistrée sur disque ! (en fait, si, elle est disponible sur disque dans la série "Densité 21" ; du coup, zou, commandée).
Jonathan Harvey - Speakings
Cette pièce est par contre disponible chez Aeon, donc je la connais (puisque je collectionne leur série blanche). Pendant l'habituel interminable changement de plateau (pour Manoury, l'Orchestre de l'Académie du Festival de Lucerne était disposé en blocs assemblés en miroir), Jean-Pierre Derrien et Arshia Cont viennent parler de l'aspect électronique de l'oeuvre. C'est une fort bonne idée pour remplir ce temps mort, même si je n'ai pas écouté grand-chose à leurs explications.
En fait, le programme est simple : faire parler les instruments, les faire adopter des sonorités et des phrasés qui imitent le langage humain. Une sorte de "Sprechgesang" instrumental ! Le premier mouvement est une sorte de mise en bouche, avec des gazouillis de bébé, et le troisième se concentre sur une mélodie comme d'un rituel apaisant. L'essentiel est donc dans le mouvement central et le plus long, où de nombreuses émotions sont évoquées et retranscrites, provoquant nombre de solos et duos, et le tout enrobé dans de l'électronique qui lisse un peu les transitions.
C'est intéressant, bien réalisé, mais pas vraiment prenant, peut-être parce que le projet de départ est lui-même d'une ambition assez limitée.
Arnold Schoenberg - Erwartung
Je pense que la dernière fois que j'ai entendu cette oeuvre en concert, c'était dirigé par Pierre Boulez, couplé avec le Pierrot Lunaire, et le tout avec une mise en scène ; grande soirée !
Ce soir, pas de mise en scène, mais une mise en place musicale impeccable, une grande chanteuse Deborah Polaski, et c'est parti pour cette exploration lugubre d'une scène de crime, où l'oreille n'arrête pas de découvrir de nouveaux détails, un ostinato aux harpes, un silence soudain de plusieurs secondes, des rythmes qui changent continuellement, il n'y a rien de stable dans cet univers-là, ni dans la musique où aucun thème n'unit les poussées fiévreuses, ni dans les paroles où le corps apparaît et disparaît, où l'amour, la haine, la jalousie se disputent, et c'est la première fois qu'il me semble presque évident que ce soit elle, la narratrice, qui aurait tué son amant infidèle.
Ailleurs : Benjamin Duvshani, guillaume ...Ce soir, pas de mise en scène, mais une mise en place musicale impeccable, une grande chanteuse Deborah Polaski, et c'est parti pour cette exploration lugubre d'une scène de crime, où l'oreille n'arrête pas de découvrir de nouveaux détails, un ostinato aux harpes, un silence soudain de plusieurs secondes, des rythmes qui changent continuellement, il n'y a rien de stable dans cet univers-là, ni dans la musique où aucun thème n'unit les poussées fiévreuses, ni dans les paroles où le corps apparaît et disparaît, où l'amour, la haine, la jalousie se disputent, et c'est la première fois qu'il me semble presque évident que ce soit elle, la narratrice, qui aurait tué son amant infidèle.
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