jeudi 11 novembre 2010

HK Gruber - Kurt Weill (Cité de la Musique - 10 Novembre 2010)

Kurt Weill - Vom Tod im Wald

Le concert commence en retard et dans une salle un peu vide, à cause d'un colis suspect dans la station de métro. Cette courte pièce vocale était supposée être intégrée au "Berliner Requiem" que nous entendrons en deuxième partie, mais finalement resta isolée. On y retrouve cependant le même groupe instrumental, à savoir la phalange des vents de l'Orchestre Philarmonique de Radio France, dirigée par HK Gruber. Qui malheureusement chante aussi, ou plutôt psalmodie et vocifère, opte pour un parlé-chanté qui convient à sa voix assez banale, mais ne m'enthousiasme guère. Reste la musique, balançant entre calmes glacés et rages éructantes, pour conter la mort d'un homme dans une forêt, que ses compagnons horrifiés voudraient voir disparaître comme un gentleman, alors qu'il crève comme une bête.

HK Gruber - Busking

C'est un concerto pour trompette et orchestre à cordes. Le soliste Hakan Hardenberger commence par jouer d'une embouchure détachée, comme un sifflet, puis change de trompette pour chacune des trois parties, mais globalement ne se tait jamais. Dans l'accompagnement des cordes, c'est le rôle exotique du banjo ou de l'accordéon qui m'intéresse le plus. Mais tout cela est long, répétitif, débordant de virtuosité gratuite, en somme, assommant.

Kurt Weill - Das Berliner Requiem

On reprend donc les cuivres et les bois du Philarmonique, accompagnés du choeur de Radio France et d'un percussionniste, et surtout de deux vrais chanteurs, le ténor Rainer Frost et le baryton Florian Boesch, ce dernier absolument remarquable d'intensité et d'engagement, à la limite d'en faire trop par moments, mais quel coffre, et quelle émotion ! La version donnée par Gruber ne suit pas le livret habituel, peut-être est-ce la version originale avant remaniement du à la censure. On commence directement par la "Ballade de la fille noyée", puis "Die rote Rosa" au lieu de "Marterl" ! Je ne connaissais pas ce cycle, mais on est d'emblée à la hauteur de mes Weill préférés : arrangements d'une fausse simplicité, comme ces accords à la guitare sous le choeur introductif, douceur désespérée de la clarinette pour Rosa, véhémence des poèmes de Brecht sur le soldat inconnu, massacré et défiguré par ses camarades et enterré sous une lourde plaque pour ne plus jamais revenir les accuser, parfois lentes montées en puissance avec entrée successives des instruments, parfois flamboyances soudaines, c'est à la fois d'une évidence lumineuse et rempli de surprises qui forcent l'attention. Captivant, magistral, féroce et bouleversant.

Ailleurs: Vous pouvez écouter pour quelques semaines le concert enregistré par France Musique (avec de beaux compléments, du Weill chanté par Nina Hagen ou Lotte Lenya).
Spotify: Paul Hillier – Weill: Das Berliner Requiem, Lotte Lenya – Lotte Lenya Sings Kurt Weill, Swedish Chamber Orchestra – Gruber, H.K.: Manhattan Broadcasts / Cello Concerto / Zeitfluren

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