lundi 3 juillet 2006

Pina Bausch - Rough Cut (Théâtre de la Ville - 2 Juillet 2006)

"Silk ?" demande-t-elle admirative en lui tripotant la cravate, première phrase prononcée d'une pièce peu bavarde, surtout en son début, longue séquence de danses solos et de petits montages théâtraux à deux ou trois personnages (la troupe est rarement nombreuse sur la scène). Après l'optimisme aquatique de Néfes et la sourde tristesse de Ten Chi, nous retrouvons un climat enjoué, avec des femmes particulièrement séduisantes, tentatrices, parfois fétichistes, ou bien sûr un peu folles, mais si somptueusement vétues, et si sereinement audacieuses. Les hommes restent discrets, apportent des chaises, des tables, portent leurs partenaires pour qu'elles grimpent le long d'une branche, pour qu'elles plongent au ralenti vers des oreillers (c'est amusant, ces objets, retrouvés le long de quelques spectacles successifs avant d'être remplacés - plus aucune bouteille ancien fétiche, mais des cravates, des oreillers, des draps de bains déjà vus, et des branches, des fleurs séchées, des rondins de bois et des mouchoirs en papier que nous reverrons peut-être l'an prochain).
Le décor est une déception, un grand mur blanc glacier montagne, que des projections transformeront en prairie ou en océan ; mais cela reste si peu original. La musique par contre explore des voies plus extravagantes, entre karaoké divaguant et jungle décalée, chansons remplies de percussions, WorldWide sélection asiatique.
Du coup, les deux bonnes heures passent comme un charme, entrainées dans ces tourbillons de danse ciselée autour de chaque interprète, dont on vient chercher des nouvelles et dont on constate ou pas les évolutions (le jeune homme fougueux de Néfes répète son solo d'énergie désespérée ; la femme si triste court en cercle inarrêtable ; la femme enfant qui espiègle renversait des chaises se promène en claquant une petite cravache contre ses jambes gainées de latex).
Bien sur, il est plus facile d'être sous le choc quand on découvre cet univers, comme Chronolog, que quand on le cotoie depuis des années, comme Xezbeth. Il ne s'agit plus de révolution, mais d'aller au-delà, et par moments l'oeuvre est à la hauteur d'un enjeu fondamental de l'art aujourd'hui : ré-enchanter le monde.
(Akynou a pris en douce quelques photos du salut final).

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