Réparer les vivants - Emmanuel Noblet (Théâtre du petit Saint-Martin - 26 Septembre 2017)
J'ai lu le livre de Maylis de Kerangal, je n'ai pas vu le film de Katell Quillévéré. Et voici l'adaptation théâtrale, qui a gagné le Molière du "Seul en scène" en 2017, et qui, après divers théâtres parisiens et tournées, atterrit dans ce petit théâtre, à l'organisation assez rudimentaire (belle pagaille dans le hall).
Le dispositif scénique est minimal : deux chaises, une planche pour figurer la table d'opération, et un écran vidéo (qui interdit la climatisation - du coup, la chaleur et l'atmosphère médicale du spectacle entraîneront un malaise vagal chez un spectateur ; interruption, ma voisine se révèle infirmière et se précipite, on trouve de l'eau, du sucre, puis des bras costaux pour emmener le monsieur dans une salle plus fraîche et tranquille, et on reprend).
La structure du roman est bien sur respectée, avec cette introduction haletante de la séance de surf nocturne, le drame de la mort et le désespoir des proches, la difficulté des questions sur le don d'organes, et enfin la course contre la montre, technique et logistique, pour la transplantation.
Emmanuel Noblet récite beaucoup du texte, décrivant les personnages tout en les jouant, les dialogues sont en fait assez rares. Comme la trame de fond est assez anxiogène, il intercale (comme le fait le roman) des passages plus distrayants (l'album "kind of blue" de 1959, la folle nuit de l'infirmière, la séduction de Juliette, les lunettes de soleil de Virgilio ...), avant de replonger dans le drame (les parents qui s'accrochent l'un à l'autre dans le bar, les montagnes russes de leur prise de décision quant au don). Des données plus techniques nous sont aussi fournies : évocation de définition de la mort par arrêt de l'activité cérébrale, ce qui permit le concept même de greffe de cœur ; les textes de lois sur l'accord présumé du don en cas de non-inscription au registre des refus, simplement affichés sur le mur, puisque le coordinateur refuse de les mentionner aux parents, belle manière de faire.
Certains personnages du roman sont un peu sacrifiés (il me semble qu'on parlait plus de Juliette, la petite amie ; la receveuse est assez peu évoquée), mais c'est la loi de ce type d'exercice.
Le tout est tour à tour bouleversant et passionnant, ébranle la tête et le cœur, et permet de toucher du doigt ce miracle qu'est une greffe, miracle humain d'abord quand une famille en état de choc doit prendre de telles décisions, puis miracle technique pour l'extraction, le transport, l'insertion.
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