L'opéra de quat'sous - Berliner Ensemble (Théâtre de la Ville - 16 Septembre 2009)
Les échos de la presse sont unanimes : ce spectacle est un chef d'oeuvre. Je ne sais si c'était le cas la veille, mais dès le deuxième soir, le trottoir devant le théâtre fourmille des "Cherche 1 place" qui ne pourront (hélas ! hélas !) plus se manifester pour Pina Bausch. De grands travaux ont eu lieu, liés sans doute au nouveau directeur Demarcy-Mota : adieu les casiers qui n'étaient quasiment pas utilisés, place à un vrai vestiaire ; déménagement du comptoir d'accueil ; mise en place de tables et de chaises dans l'espace ainsi dégagé ; en haut, une sorte de boutique (pas très bien conçue), et des jolis bancs rustiques. Tout ça sent encore la peinture fraiche ! Les dépliants distribués ne sont pas au format habituel, beaucoup plus chics et imagés, mais c'est peut-être dû au "Festival d'Automne à Paris".
Bon, et le spectacle ? Un chef d'oeuvre, oui, certainement, même si je ne suis pas le plus à même d'en juger, parce que c'est la première fois que je vois cette pièce, (dont je ne connaissais que le "Mack the Knife", et une version de la chanson de Salomon par Dead Can Dance baptisée "How Fortunate the Man with None" qui n'a plus grand-chose à voir avec l'original), et parce que ma place plutôt en hauteur (rang "S", loin au-dessus de toutes mes places de la saison) m'empêche d'apprécier les détails.
Dès l'intro, la barre est mise haut. Convoquer dans la même scène les monstres fantomatiques des films muets expressionnistes et les lumières de Broadway, dans une forme de raffinement minimaliste, ronds de lumières en crescendo-decrescendo d'intensité, poursuites blafardisant les acteurs, c'est prodigieux. On a les couleurs, les espaces, habituels chez Bob Wilson, mais sans les ralentissements et les statismes souvent de pair. Le petit ensemble instrumental délivre toute l'acidité, la plasticité et l'allant nécessaires, un idéal orchestre de cabaret.
Le choix "chanteurs, opéra / comédiens, théâtre", contrairement à d'autres oeuvres de Brecht et Weill, ici ne se pose pas : il faut d'abord de bons comédiens. Avec le Berliner Ensemble, on est servi. Veit Schubert joue un Peachum veule, misanthrope et glaçant, Traute Hoess en sa femme une ogresse ivrogne terrible, Stefan Kurt un Mackie si élégant et enjôleur qu'on en oublierait les crimes, Axel Werner en Tiger Brown, devient une silhouette à la Nosferatu, mais au caractère de lâche. Etc.
Le seul "truc" qui m'énerve dans la mise en scène, ce sont ces bruits qui miment l'ouverture des portes ou le franchissement des rideaux. Une manière de distanciation, peut-être ? Mais niveau sonore trop agressif (étais-je près d'un haut-parleur ?).
Mais cela n'en rend pas moins toute la représentation absolument exceptionnelle, et certaines scène inoubliables. Le minimalisme de la prison est prodigieux de beauté. Et tout le final, avec l'arrivée de ce hérault incongru et revendiqué tel, est un délice de cynisme. Malheureusement, la partie "acide" de la tirade finale de Mackie (quel est le plus grand criminel, celui qui cambriole une banque, ou celui qui en fonde une ?) a plus de chance de toucher que la partie "humaniste" (ne punissez pas trop fort les criminels, ils n'ont pas eu une vie enviable).
Rendez-vous en Avril avec le Berliner Ensemble, pour "Richard II". D'ci là, ceux qui ont réussi à avoir des places pour ce Dreigroschenoper, réjouissez-vous, les autres, vous pouvez essayer de récupérer des places, mais ce sera dur ...
Ailleurs : de nombreux articles de presse, mais je retiens Akynou, Armelle Héliot, Les 3 coups, Damien, Concertonet.
Spotify:
"L'Opéra de quat'sous" par Joachin Kühn, Daniel Humair et Jean-François Jenny-Clark
"The Young Gods play Kurt Weil"
2 commentaires:
Décidément, on se croise beaucoup dans nos choix de spectacles (sauf que tu sors plus souvent :-))
S'il me fallait prendre le train pour chaque spectacle, j'aurais allégé mes choix :-)
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