lundi 24 octobre 2005

Richard Wagner - Das Rheingold (Théâtre du Châtelet - 23 Octobre 2005)

Certains en ont déjà parlé. Qu'ajouter ? De l'anecdotique personnalisé !

Etrange emplacement dans la salle : à l'extrême bout de la corbeille gauche, quasiment au-dessus de l'orchestre, ce qui particularise le cheminement du son de chaque pupitre : les cuivres attaquent en pleine ligne droite, les cordes flottent dans tout l'espace, la harpe par quelque étrange phénomène semble parvenir des rangs juste supérieurs ; une fois la surprise passée, ce n'est pas désagréable, l'orchestre passe par un prisme qui permet d'analyser le son plus simplement. Vue correctement dégagée sur la scène (léger angle mort), et luxe à peine croyable, beaucoup de place pour les jambes !

Formidable orchestration, alliages sonores en constantes évolutions, couleurs splendides. Je ne connais le cycle que par le DVD Boulez/Chéreau et par des émissions de radio. Entrer soudain dans cette pâte sonore, y repérer ça et là des leitmotives, et se laisser aller au fil de l'eau, est un bonheur. Christoph Eschenbach prouve haut la main la validité de son parti-pris de sobriété, transparences et luminosités ; et l'Orchestre de Paris tient le choc, sans férir.

Les voix, peu mon domaine. Divers articles froncent le nez sur Wotan/Jukka Rasilainen, qui ne m'a pas géné (peut-être des problèmes particuliers lors de la première ?). Alberich/Sergei Leiferkus rate sa première imprécation ("je renonce à l'amour"), mais réussit brillament la seconde (la malédiction à tiroirs de l'anneau). Loge/David Kuebler possède une présence scénique extraordinaire (je le verrais bien en Aaron). Coté féminin, j'aime beaucoup la voix de Fricka/Mihoko Fujimura, claire et naturelle, et celle de Erda/Qui Lin Zhang, profonde et vibrante.

La mise en scène est finalement beaucoup plus vivante que ce que je craignais. Les filles du Rhin ondulent, vont et viennent, frétillent presque, de jolie manière. En fait, à chaque personnage sont associées quelques gestuelles, une sorte de reflet des leitmotives. Les jeux de lance de Wotan sont attendus, les ondoiements des ondines coulent de source ; les jeux de miroir entre Fricka et Freia mettent sans doute l'accent sur leur lien de sang. La scène n'est jamais vraiment nue, ne serait-ce que par la lumière, très travaillée (à elle seule de représenter l'Or). Certains artifices se revendiquent tels, comme la grenouille. Et les moments ridicules sont peu nombreux (principalement les enfants Nibelungen, Ewoks en tenue de Playmobil Moyen-âge).

Devant cet orchestre peu ronflant, les chanteurs peuvent presque chuchoter, ce qui leur permet d'explicites apartés. Dans une atmosphère soudain pleine de brume, un géant glisse à l'oreille de l'autre que ce n'est pas Freia qui l'intéresse, c'est les pommes qui comptent ; et le choix "Freia ou l'Or" n'est plus un choix entre amour et argent, mais un calcul pour déterminer l'ennemi le plus à craindre entre dieux et nains. Une histoire de pouvoir, avant tout. Ca, je l'avais oublié !

Suite dimanche prochain.

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