Youn Sun Nah (Philharmonie de Paris - 21 Janvier 2018)
Même si son dernier disque flirte un peu trop avec le "jazzy", Youn Sun Nah reste en concert monumentale d'émotion et de maîtrise. Dans son nouveau groupe, celui qui force le plus mon attention au départ est le guitariste Tomek Miernowski, qui, dans "Teach the gifted children" donne sa propre version du blues, pas trop éloignée de celle de Marc Ribot, mais avec un peu plus de nonchalance à la Clapton ; par contre, son approche de Hendrix sur "Drifting" me laisse beaucoup plus sceptique. On voit à ces références l'étendue du terrain à couvrir ! Pareil pour le contrebassiste Brad Christopher Jones, qui passe d'un accompagnement efficace et carré à une improvisation beaucoup plus bruitiste et Free. Le batteur Dan Rieser structure le tout, simple, en place, discret. Et enfin, aux claviers, Frank Woeste passe du piano au Fender Rhodes à l'orgue Hammond, du minimalisme à la virtuosité, de la dentelle au maelstrom.
Après une introduction assez musclée du dernier album ("Traveller", "Teach The Gifted Children", "Drifting"), le premier point d'émotion est atteint avec "Black is the color of my true love's hair", que toute la salle écoute au bord de l'asphyxie, tant on n'ose à peine respirer devant une telle puissance. C'est là que se joue le miracle de Youn Sun Nah en concert : c'est la même instrumentation que sur le disque (kalimba, contrebasse), mais dans la grande salle de la philharmonie, chaque note semble pesée, façonnée, projetée à la perfection, pour susciter la réaction désirée. Pour calmer le jeu, elle enchaîne sur "Magico Momento", où Miernowski excelle, puis un blues koréen, et on reprend sur le dernier album, "She moves on", "A Sailor's Life". Après quoi, une reprise de "Hallelujah" qui ne m'a pas vraiment marqué, puis c'est déjà la fin, avec "Jockey full of Bourbon".
Sauf que ce n'est pas vraiment la fin, bien sur. Comme d'habitude, elle s'amuse avec le public, le remercie constamment, semble continuellement s'excuser d'être là ; du coup elle revient rapidement des loges, pour "Man from Mars", puis explique que peut-être certains dans la salle ont un rendez-vous pour un dîner, alors elle préfère enchaîner directement sur le vrai dernier morceau du concert, à savoir, "Avec le temps" ; sobrement accompagné au piano par Woeste, là aussi, chaque syllabe, chaque souffle, semble précisément dosé, sur-articulant certaines phrases pour en dérouler d'autres en un seul élan, le tout pour une émotion à son maximum. Dévastateur.
Ailleurs : Son concert à Montréal (disponible jusqu'à fin 2018) reprend à peu près les mêmes morceaux, dans une formation un peu différente.
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