mardi 9 mai 2006

Face de cuillère (Théâtre des Abbesses - 7 Mai 2006)

Une enfant presque adolescente, attardée ou autiste, appelée "Face de cuillère" parce que son visage à la naissance était tout plat, fan d'opéra et particulièrement des grands airs chantés par la Callas, est atteinte d'un cancer sans doute incurable. Elle fait face à cette mort prochaine, trouvant nourriture spirituelle dans les discours d'un vieux médecin, qui lui raconte la Shoah et les principes de la religion hassidique.
L'auteur de cette pièce, Lee Hall, est le scénariste de Billy Elliot, que je n'ai pas vu ; adaptée par Fabrice Melquiot, elle n'échappe pas à certains clichés qui finissent par peser lourdement. L'autisme, par exemple, permet ce mélange d'innoncence (de naïveté) par rapport aux événements, et de maturité surprenante sur certains sujets ; si ce qui est dit de l'opéra est intéressant (en substance, mais en respectant le style littéraire : "Dans la musique, même quand c'est très triste, quelque-part c'est joyeux quand même, parce que ça met un morceau de beauté dans la vie"), quand le sujet des camps apparaît, cela devient plus problématique, parce que trop simpliste ("Dans les camps, le docteur il a dit, les enfants n'avaient qu'une seule soupe par jour, sans légumes dedans, mais ils jouaient quand même dans la boue, parce que la vie c'est ça") et spectaculaire (la grand-mère du médecin chantant des airs d'opéra la nuit dans les baraquements pour réconforter les autres déportées ...).
L'autisme traité façon Rain Man, les camps de concentration façon La vie est belle, les truismes philosophiques sur la vie la mort tout ça, le coté "ça a l'air simple ce qu'elle dit mais en fait c'est vachement profond quand même" sauf que ça ne l'est pas, ça fait beaucoup ...
La mise en scène de Michel Didym sait heureusement rester simple, accompagnant le voyage de l'enfant vers l'acceptation de la mort, par des évocations de ciels sur les murs, une traversée vers de plus en plus de lumière.
Et Romane Bohringer arrive à donner beaucoup d'humanité à son personnage, qui danse sur les airs d'opéra, qui balbutie entre voix d'enfant et d'adulte, qui retire un bonnet affreux puis un survêtement très moche pour aller, de la fragilité et du comique, vers plus de grace et de beauté rayonnante. Une performance remarquable, sur un texte qui pourrait sans dommage se faire oublier. Bon accueil du public, dans une salle peu pleine.

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