dimanche 27 février 2011

Planning Mars - Avril 2011

Voilà un programme assez atypique, avec plus de danse et de Jazz, et de grands espaces vides ...

Adams Hackbarth Reich (Cité de la Musique - 25 Févier 2011)

John Adams - Chamber Symphony

Je n'aime toujours pas le premier mouvement "Mongrel Airs", avec son rythme binaire martelé, ses lignes embrouillées, ses sons de synthétiseur beaucoup trop en avant (mais pourquoi mettre tant en évidence les éléments les moins musicaux ? ce n'est pas si marqué en CD !), et toujours autant le deuxième mouvement "Aria with Walking Bass", son rythme gentiment débonnaire à la contrebasse et au basson, les dialogues avec les cordes et les vents, ses petites points d'acide. Devant l'EIC (où Eric-Maria Couturier a été remplacé par une très belle violoncelliste non mentionnée par le livret - je finis par trouver son nom sur Le Regard de James : Yska Benzakoun), François-Xavier Roth dandine de tout le corps, emporté par les vitesses superposées.

Ben Hackbarth - Crumbling Walls and Wandering Rocks

Après l'habituel ballet des techniciens (ils sont bien une quinzaine sur scène !) qui bougent toutes les chaises et ajoutent des micros partout, cette pièce, inspirée par l'Ulysse de Joyce, débute par de la percussion rocailleuse, profonde, spatialisée, plutôt bien. Les choses se gâtent avec l'entrée en scène des cordes, qui n'ont rien à dire, mais le font fort longuement. "De subtiles transformations de timbre et de geste", dit le livret. Trop subtil pour moi. Ennui de plus en plus profond. Quelques huées. je me contente de ne pas applaudir.

Steve Reich - Tehilim

"La plus belle oeuvre de Reich", dira ma voisine à la fin, et c'est peut-être vrai. En tous cas, cette interprétation fut un grand bonheur. Parfait équilibre entre instruments et voix amplifiées, sans doute parce que les Synergy Vocals sont spécialistes de ce répertoire et du travail au microphone : ces quatre voix féminines créent de merveilleuses harmonies. Il y a un souffle qui nous emporte d'une traite d'un mouvement à l'autre, vif (ah cette entrée en matière où les mains qui claquent nous invitent dans la danse, et cette arrivée des voix en canon puis de la basse pour donner soudain une profondeur et une épaisseur, des procédés simples mais d'une efficacité imparable), vif (sans canons, lignes mélodiques simplement exposées aux voix et aux vents), lent (quelle beauté que ce mouvement, horlogerie tintinnabulante, couleurs orchestrales finement travaillées !), puis vif à nouveau, d'une complexité limpide, dans un chatoiement kaléidoscopique éblouissant.

tehilim

Spotify: John Adams – Chamber Symphony/ Grand Pianola Music, Steve Reich – Tehillim/Three Movements

jeudi 24 février 2011

Ballet de l'Opéra de Lyon - William Forsythe (Théâtre de la Ville - 23 Février 2011)

Workwithinwork

Le décor peut difficilement être plus minimal : des murs bordent l'espace, percés de quelques portes, donnant l'impression d'une salle de répétition, quoique sans barre ni miroirs.
Les danseurs s'y lancent en duos et trios, redoublés ou pas, tandis que d'autres font ou non spectateurs, en configurations continuellement variées. Fluidité et virtuosité se conjuguent dans tous les mouvements, où bras et jambes s'épanouissent en équilibres, déséquilibres, torsions et extensions, langage épousant le vocabulaire classique (oui, il y a des pointes !), mais en le poussant vers l'avant-garde.
En bande son, ce sont des duos de violons de Luciano Berio, et la manière dont la danse épouse fidèlement la musique n'est pas le moins étonnant de cette pièce : à chacun des duos (ce sont des séquences de quelques dizaines de secondes à quelques minutes) correspond une configuration de danse, mais aussi une vitesse en phase avec la musique, et un climat qui lui aussi peut en découler. L'ensemble est enjoué, vif et beau, même si un peu répétitif à la longue.

workwithinwork

Quintett

Cette fois-ci, il y a un léger dispositif sur scène : une trappe d'où les danseurs surgiront et où ils se réfugieront, et un projecteur qui uniquement vers la fin montrera, parce que bousculé, le ciel lentement nuageux qu'il diffusait vers la trappe.
Il n'y a plus que 3 danseurs et 2 danseuses sur scène, au lieu des 16 de la pièce précédente. Et la musique qui lentement décolle impose un climat fort différent : on y entend Gavin Bryars répéter encore et encore, peu à peu recouvert par les cordes, "Jesus' blood never failed me yet", et cela colore d'ombre mortifère la scène.
Mais la danse contredit en partie cette noirceur : son constant renouvellement, en flux et reflux, de duos frénétiques à des corps allongés et reprenant souffle, traduit plus la permanence de l'élan vital plus fort que la mélancolie dépressive.
Du rang V, et quoiqu'équipé de jumelles, je ne peux admirer qu'en partie l'architecture des postures et la grâce des mouvements ; dommage, surtout que Caelyn Knight est de la fête.

quintett

Ailleurs: Humeur du Jour, A Petits Pas, Palpatine (avec des photos du rang C, veinard), la souris ...

Spotify: Des duos de Berio sont transposés sur Vincent David – Berio & Boulez : Dialogue, Chemins, Récit... ; le sang de Jésus est la deuxième partie du Gavin Bryars – The Sinking Of The Titanic.

samedi 19 février 2011

Julien Lourau - Superman Ciné-mix (Cité de la Musique - 17 Février 2011)

Si j'aurais su, j'aurais peut-être pas venu. Je m'attendais à un concert de Jazz, électrique certes, mais ce fut plutôt de la musique électronique, avec un saxophone par moments (Julien Lourau jouant aussi du Fender Rhodes, mais qui se fond alors dans le son général). Et cette musique, au croisement des bruitages de Jeff Sharel et des platines de DJ Oil, m'apparaît épaisse, peu subtile, parfois seulement dansante, un peu sale, ce qui est OK, mais ne m'accroche pas. La voix de Karl The Voice apporte un coté soul, mais on est loin de la beauté d'Anthony Joseph chez Laurent Garnier (la comparaison avec ce concert exceptionnel est cruelle, mais on retrouve trop d'éléments communs pour que je n'y pense pas, et ne mesure la distance). De plus, répéter 500 fois "When they call me, they call me Superman, Superman" devient vite lassant, puis vaguement irritant, puis vraiment énervant.

julien lourau - superman ciné-mix

Mais il n'y a pas que de la musique : c'est un ciné-concert. Au-dessus de la scène, un grand écran diffuse des dessins animés des années 40, réalisés par les frères Fleischer (les créateurs de Betty Boop), sur le super-héros, qui combattait les volcans et les savants fous (avec des pouvoirs plus faibles que ceux affichés plus tard, il fatigue vite à cette époque !).
Ces cartoons sont complétés par des bidouillages de Fred Ladoué, qui filme en direct de petits théâtres où il place des jouets et des effets divers (roues qui tournent, flammes et fumées, etc.). Dans cette discipline, sa performance est à mi-chemin entre le pire (Gary Hill illustrant Varèse) et le meilleur (Pierrick Sorin mettant en scène Gérard Pesson).
Bref, pas terrible, tout ça...

julien lourau - superman ciné-mix

Spotify: Dans la discographie éclectique de Julien Lourau, ce concert correspond à l'album Brighter Days. Je m'attendais plus à quelque-chose s'approchant de Fire and Forget. Mais j'aimerais mieux le voir dans un contexte vraiment Jazz, genre Saigon Quartet.

lundi 14 février 2011

Anderson Carter Saariaho (Cité de la Musique - 11 Février 2011)

Julian Anderson - The Comedy of Change

Je pense que c'est la première fois que j'entends ce jeune compositeur (il a mon âge, donc il est jeune, forcément) britannique, mais influencé également par Tristan Murail. Cette pièce, en six volets très distincts et une conclusion plus mélangée, présente des aspects spectraux, mais moins théoriques que les créateurs de ce mouvement ; il y mêle des éléments picturaux et narratifs, un peu comme du George Benjamin.
Le thème est "l'évolution" dans la nature, et de fait, le musique évoque des paysages presque éternels, des phénomènes météorologiques, des scènes de vies animales ... Le livret indique que des quarts de tons entrent en jeu, que je n'ai absolument pas ressentis. La matière est belle, transparente et fluide. Et mélodies et harmonies n'ont pas peur d'inviter l'auditeur à pénétrer sans violence dans son monde. Captivant.

Elliott Carter - On Conversing with Paradise

J'ai entendu du Carter plus difficile d'accès ! Ici, la musique semble se mettre toute au service des poèmes d'Ezra Pound (cantos 81 et 120), qui sont proférés, chantés, déclamés, par le baryton Leigh Melrose avec beaucoup d'engagement et de sincérité dramatique. Seul le fracas des 5 percussionnistes secoue cette longue mélopée, alors que le reste de l'orchestre l'accompagne par des touches à l'architecture légère et subtile. Prenant.

Kajia Saariaho - Graal Théâtre

N'aurais-je jamais entendu ce morceau en concert ? En tous cas, ce soir, il me laisse à quai. Peut-être que Jeanne-Marie Conquer ne le joue pas assez en "violin hero" comme sait l'être le dédicataire de l'oeuvre Gidon Kremer ? Peut-être Ludovic Morlot ne réussit-il pas à tirer l'EIC vers plus de mystères ? Ou peut-être vais-je finir par me lasser de cette compositrice ? Ou simplement ce soir, cette pièce ne m'allait pas ? Je m'y suis simplement ennuyé ... Décevant.

Ailleurs: Papageno, c.roch.notes
Spotify: Julian Anderson: Book of Hours, Elliott Carter – The Minotaur; Piano Sonata; Two Songs, Kaija Saariaho – Château de l'âme

mercredi 9 février 2011

Anne Teresa de Keersmaeker - En Atendant (Théâtre de la Ville - 6 Février 2011)

Au début était le souffle. Celui d'un flûtiste, Michael Schmid. Il se place au devant de la scène, approche l'embouchure de son instrument de son nez, un son fragile et comme irrésistible, puis de la bouche, et entame une note, une seule, grave. Et la maintient, pendant 10 minutes, par une plus qu'impressionnante technique de souffle continu, en la faisant très lentement monter vers l'aigu. De ma place au troisième rang, je profite de tous les bruits qui rythment cette épopée minimaliste, les prises d'air par le nez en petits coups de plus en plus rapides, puis l'expiration qui bruite le son de la flûte d'harmoniques ronronnantes puis sifflantes. Enfin, parvenu au bout du voyage, il laisse échapper son bras, et pousse un vigoureux et libérateur soupir.
Arrive alors sur scène une chanteuse, qui a capella déroule le vieux français d'un poème sur l'attente subie comme une épreuve acceptée.
Et enfin, les huit danseurs et danseuses, parfois, mais rarement, accompagnés de trois musiciens jouant de l'ars subtilior, cette musique extrêmement savante de la fin du Moyen-Age.

On pourrait croire que les croisements en ligne droite ont remplacé les vastes cercles d'antan, chez Rosas. Mais ces simples marches d'un bord à l'autre du plateau ne sont sans doute pas si anodines. Leurs décompositions rythmiques en semblent bien complexes, en suspensions, reprises, accélérations, cela ne m'étonnerait pas qu'il s'agisse d'une transcription en pas d'une musique non jouée, comme une "musique fictive".
Cette complexité se retrouve aussi dans les séquences chorégraphiques pour groupes, qui s'agrègent en magma rempli de lignes de force, qui me fait plusieurs fois penser aux corps éparpillés d'un radeau de la Méduse.
Mais le moment le plus fort est dans un solo masculin, je suppose par Bostjan Antoncic, d'une vigueur, d'une subtilité, d'une âpreté magnifique, qui me sidère et me laisse pantelant. Plus beau solo masculin depuis le Néfes de Bausch en 2004 ...

A part ça, le décor nu (à part une bande de terre qui sera plus ou moins fougueusement balayée par les pieds la traversant et volera vers les premiers rangs, obligeant une petite fille juste à mauvaise hauteur de se protéger des projections en se réfugiant sous le manteau de sa maman ...), l'éclairage qui consiste en une simple rangée de lumières qui vers la fin s'éteignent l'une après l'autre, ne parviennent pas à recréer la magie du plein air et du soir qui descend sur un lieu bien choisi. Il y a des jeux sur les vêtements (et un homme nu dans la pénombre presque finale) que je n'ai guère compris. Et des longueurs, même si rien de rédhibitoire.
Etrangement, des critiques relevaient l'émotion de la pièce, une sensation d'humanité naissante, alors que m'a surtout frappé la subtilité des figures, et l'impression d'être dépassé par l'intelligence de la chorégraphie, ce qui convient bien à un hommage à l'ars subtilior ...

lundi 7 février 2011

Intersessions 7 (Le Triton - 3 Février 2011)

Pour cette session, un quatuor de cordes, mais pas l'habituel : à l'alto, Guillaume Roy jouera le plus normalement ; au violoncelle, Pierre Strauch me surprendra en proposant plein d'idées et menant à maintes reprises au passage d'un épisode au suivant ; et deux contrebassistes, Frédéric Stolch tout en puissance, et Bruno Chevillon en grande présence scénique et modes de jeux inventifs.

intersessions 7 intersessions 7 intersessions 7 intersessions 7

Le début est très ... Free, chacun discourant sans guère écouter ; puis des structures se mettent en place, où souvent trois s'alignent sur un mode commun que le quatrième complète par contraste. Mes moments préférés sont des plages aux sons filés, fantomatiques, au-dessus desquels le soliste peut partir en pizz, ou en percussions. Il n'y a pas de pause, la première improvisation durant dans les 45 minutes, qu'une seconde partie, d'une vingtaine de minutes, complètera.
On nous avait annoncé des surprises plus "écrites", sans doute Strauch et Stolch, qui ont des partitions devant eux, ont-ils parfois interprétés des extraits de musique contemporaine au milieu des improvisations, mais je n'ai rien remarqué. L'ambiance générale était beaucoup plus proche des sessions "A l'improviste" d'Anne Montaron que d'un concert de l'EIC.

mardi 1 février 2011

Jodlowski - De Mey - Boulez (Cité de la Musique - 29 Janvier 2011)

Pierre Jodlowski - Is it this

Je n'ai pas aimé la première fois, et ça ne s'arrange pas. La musique est pauvre, la vidéo est moche, le propos est insignifiant, le tout n'a pas d'intérêt.

Thierry De Mey - Light Music

Le dispositif est à la fois complexe et limpide : sur la scène vide sous un grand écran s'avance le percussionniste Samuel Favre. Dans la presque obscurité, seules ses mains deviennent visibles quand il les tend vers l'avant. Leurs mouvements sont alors captés, reproduits (retravaillés) sur l'écran, et transformés en musique de synthèse. Cela commence comme une démonstration pour qu'on comprenne le principe, puis ça se complique, dans les traitements graphiques et sonores, pour varier les ambiances et les rendus. C'est à la fois léger et poétique, bien mené, bref, joliment réussi.

Le mieux pour se rendre compte est cette vidéo, sous-titrée en hongrois ...


Pierre Boulez - Dialogue de l'ombre double

Cette fois, c'est Jérôme Comte qui s'y colle, dans la version normale pour clarinette, et c'est toujours autant de bonheur à écouter ce grand classique. Il est amusant que la scénographie oblige la présence des pupitres, et donc des partitions, que les interprètes connaissent certainement par coeur.

Pour l'occasion, Pierre Boulez est là et vient saluer.

pierre boulez